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A l’indépendance proclamée après l’éclatement de la Fédération du Mali, la politique intérieure des dirigeants maliens avait notamment comme objectif l’édification d’un socialisme adapté aux réalités maliennes, la décolonisation des mentalités et l’affirmation de la personnalité africaine ainsi que la consolidation de l’indépendance nationale dans tous les domaines. Des options auxquelles les Maliens avaient massivement adhéré.

L’adhésion du peuple aux options de l’Union Soudanaise-RDA (US-RDA) s’est manifestée souvent de façon spectaculaire comme la participation massive aux « investissements humains » pour construire des écoles, des dispensaires etc.

Selon les observateurs, de 1960 à 1963, le Mali a connu une expérience exaltante : La société malienne va complètement changer de physionomie et les jeunes (« la force de la nation ») feront l’objet d’attentions particulières.
Plusieurs structures ont été créées pour son plein épanouissement.

Des organisations éducatives et culturelles ont ainsi vu le jour afin de revaloriser la culture traditionnelle et mobiliser l’ardeur et le dynamisme des jeunes. Et le mouvement des pionniers a été initié pour développer leur esprit patriotique.

Quant au service civique, son objectif était d’assurer la formation politique et civique de ceux d’entre eux qui vivaient dans les campagnes. L’organisation démocratique des femmes, servait de cadre aux activités sociales et politiques des Maliennes.

D’autres structures comme les Brigades de Vigilance ou la Milice populaire furent mises en place pour assurer un rôle d’encadrement.

Et puis, il y avait l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), le syndicat unique. Une véritable école du socialisme. L’éducation nationale fut radicalement transformée pour l’adapter à la réalité et à l’intérêt national.

Il s’agissait de mettre en place un enseignement de masse et de qualité qui décolonise les esprits et réhabilite l’homme africain. Le taux de scolarisation qui était le plus bas de l’ancienne Afrique occidentale française (AOF) va grimper en flèche.

Dans le milieu rural, des structures de groupement et de coopération furent créées visant à établir une économie rurale socialiste. Cette organisation devait permettre d’accroître la production et faciliter l’organisation des circuits de distribution.

Les bases d’une économie indépendante

A son indépendance, le Mali n’avait aucune industrie en tant que telle. L’industrialisation du pays n’était évidemment pas la grande priorité du colonisateur. Une triste réalité presque dans toutes les colonies françaises.

Ce qui fut de la création d’industries légères de consommation l’une des priorités du président Modibo Keita et son équipe. Sucrerie, rizerie, cimenterie, usine de céramique, manufacture de tabacs et d’allumettes, tannerie, usine de textile, abattoir frigorifique, huilerie conserverie etc. ont ainsi émergé dans une atmosphère de gaieté et de la confiance retrouvée.

Afin de favoriser l’indépendance économique, une quarantaine de sociétés et entreprises d’Etats verront le jour entre 1960 et 1967. Il s’agit, entre autres, des Société des Conserves du Mali (SOCOMA), Société d’Exploitation des Produits oléagineux du Mali (SEPOM), Abattoir frigorifique, Société malienne d’Importation et d’Exportation (SOMIEX), Office du Niger (ON), Pharmacie Populaire du Mali (PPM), Banque de Développement du Mali (BDM), Librairie Populaire du Mali (LPM), Société des Ciments du Mali (SOCIMA), Société nationale d’Entreprise de Travaux publics (SONETRA), Air Mali, Office des Produits agricoles du Mali (OPAM), Banque malienne de Crédits et de Dépôts (BMCD), Énergie du Mali, Société de construction radioélectrique du Mali (SOCORAM)…

Et pour mieux affirmer la souveraineté nationale, le franc malien fut créé le premier juillet 1962. Avec l’africanisation des cadres et la création des sociétés et entreprises d’État, l’équipe de Modibo Keita entendait rendre aux Maliens la maîtrise de leur destin.

L’œuvre d’édification nationale de Modibo Keita était appréciée dans le monde socialiste. C’est ainsi qu’elle a été récompensée par le Prix Lénine en 1963. Mais, conscient de la pression économique et politique des impérialistes, Modibo était conscient que le pari était loin d’être gagné.

Il savait surtout que la naissance du Mali dans le contexte de l’époque représentait un véritable défi. L’environnement était indéniablement hostile.

Le premier handicap était la continentalité géographique de la jeune république. Le Mali est non seulement un pays enclavé, mais occupé et toujours menacé par le désert.

Sans compter qu’édifier un pays à option socialiste et anticolonialiste dans un contexte néo-colonial relevait de la gageure.

Dans ces conditions, les erreurs ne pardonnent pas puisque l’ennemi tapis dans l’ombre n’attendait que le premier faux pas pour infiltrer les rangs et saboter les efforts de construction nationale. La suite de l’histoire l’a confirmé.

Moussa Bolly

28 septembre 2005.