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En décidant de tenir la 4ème édition du forum des
peuples à Fana, les organisateurs n’ont pas choisi la
facilité pour qui connaît le vécu quotidien des
populations de Fana qui souffrent d’un manque criard
d’eau potable.

Organisé pour la quatrième année
consécutive au Mali, le forum des peuples est vraiment
le contre-poids au sommet du G8 à tout point de vue :
l’accueil, l’hébergement, la nourriture.

Ces trois
aspects organisationnels ont une signification
particulière pour atteindre l’objectif du forum, celui
de construire une société juste, équitable et
socialement responsable.

Sur le plan de l’hébergement selon M. Ibrahim Hamani
Souley, bénévole à la CAD-Mali, l’idée de base est
d’héberger tous les participants dans les mêmes
conditions.

Cependant, il existe tout de même une
distinction dans les types de logements octroyés aux
participants, aux conférenciers, aux journalistes ou
aux étrangers, cela pour faciliter dit-on “le travail
des personnes qui doivent contribuer étroitement à la
réussite du forum
”.

Afin de toucher le maximum de citoyens et d’être plus
près de la réalité de la vie quotidienne des
populations maliennes, le choix s’est porté sur une
zone rurale plutôt qu’urbaine.

Compte tenu de
l’ampleur de l’événement, ce choix politique pose des
défis qu’il faut relever. Pour cela, toutes les
infrastructures de Fana ont été réservées :
campements, écoles, villas, hôtels et autres types de
logements et réparties entre les participants selon
l’hospitalité malienne.

Le forum encourage et
sensibilise les populations sur les enjeux de la
consommation locale ; la nourriture a été préparée par
les femmes de Fana où il y a officiellement quatre
quartiers à raison de 10 femmes par quartier soit au
total 40 femmes aidées par des restaurateurs venus de
Bamako.

Les repas ont été consommés selon la tradition
malienne, en groupe, dans un esprit collectif où
chacun mange à la main. Des conditions inhabituelles
pour certains, voire contraignantes pour d’autres.

C’est cela aussi l’esprit de l’événement ; accepter
ces conditions et vivre l’expérience du forum selon
ces principes de base : <>, selon Gandhi.

L’organisation de la
4ème édition du forum des peuples a connu quelques
difficultés : les pluies en ce début de mois de
juillet (saison pluvieuse au Mali), des problèmes
d’approvisionnement en eau potable.

Pour qui connaît
Fana, l’accès à l’eau potable dépasse largement les
compétences des organisateurs du forum et des
autorités locales. C’est d’ailleurs le vécu quotidien
de plusieurs autres localités du Mali.

Il faut bien
partir de ce vécu quotidien de l’immense majorité de
la population pour un développement intégré. N’en
déplaise à certaines personnes plus habituées aux
forums et autres séminaires qui se déroulent en ville
dans des hôtels cinq étroiles.

Dans ces conditions difficiles, il faut le
reconnaître, certaines personnes ont refusé de prendre
part au forum. Mais comment avancer si nous ne partons
pas de nous-mêmes, de nos conditions de vie, de la
situation dans laquelle nous sommes ? s’interroge la
directrice de la CAD, l’idée étant de changer les
mentalités des intellectuels à l’égard des peuples au
nom desquels ils agissent.


DES QUESTIONS PAYSANNES

La question de la souveraineté alimentaire et de la
destruction progressive des agricultures paysannes
africaines, la gestion des services sociaux de base,
les politiques d’emploi, le foncier rural, les OGM,
les privatisations, culture et marchandisation, les
femmes rurales et le pouvoir communal, le marché, le
prix des matières premières, la grande marche de
remise des pétitions (sur le coton et les OGM) aux
autorités locales etc, ont été entre autres questions
de la paysannerie du Sud au coeur des débats de la
4ème édition du forum des peuples.

En effet, comment ne pas s’insurger contre le système
néo-libéral qui, à travers des instruments tels que
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’Accord de
Cotonou, les Accords de partenariat économique
régionaux (APER) l’AGOA… aux mains de la bourgeoisie
occidentale qui préconise l’ouverture des marchés
agricoles et la mise en concurrence des paysans du
monde entier ?

Au-delà de l’indignation et de la
contestation des politiques agricoles actuelles, les
discussions sur les sujets ont permis de dégager des
pistes de propositions alternatives.

LA DETTE ODIEUSE

En plus des thèmes cités ci-dessus, les questions
d’annulation de la dette et les OGM ont été au centre
des débats. Le forum appelle à l’annulation totale et
inconditionnelle de la dette publique des pays
d’Afrique et du Tiers-Monde, une dette odieuse, payée
plusieurs fois d’ailleurs.

L’arrêt immédiat des
privatisations des entreprises publiques et leur
rétrocession immédiate aux pouvoirs publics a été
également préconisé ; le forum appelle à l’adoption
d’une loi foncière garantissant l’appropriation de la
terre par la petite paysannerie notamment l’accès des
femmes à la terre et aux facteurs de production ; la
cessation de tout projet d’introduction, voire
d’expérimentation des OGM…

Daba Balla KEITA

APPEL DU FORUM DES PEUPLES
<> Fana 2005

Préambule
-1- Alors qu’à Edimbourgh, le G8, avec le soutien des
représentants de l’UA, se réunit dans sa forteresse
pour discuter, en toute opacité, de l’avenir de la
planète en toute illégitimité
-2- Promesse après des effets d’annonce sur une
pseudo-annulation de la dette. Préoccupation : la
réduction de la pauvreté en général et celle de
l’Afrique en particulier
-3- Les altermondialistes ont contesté et certains ont
été arrêtés au nom du terrorisme, activismes de la
répression policière.

Pendant ce temps, dans le village de Fana, à 60 km de
Bamako au Mali,

Se réunissent sous les arbres (et sous la pluie) en
toute transparence, des paysans et des représentants
des organisations altermondialistes du monde entier,
pour non seulement discuter, élaborer, échanger des
alternatives et des stratégies de résistances et
d’action.

Considérant que :
-Ils ont confirmé l’orientation néolibérale du monde
Limites pas de calendrier.

La dette

Tntant de se donner une légitimité

Passage d’allègement à l’annulation (après une série
d’échecs successifs)

Change de mots sans changer la réalité Annulation de
la dette

Critiques

18 pays
dette multilatérale
% faible de la dette totale impose l’obligation pour
les pays du sud de maintenir les mêmes PAS
destructrices ; cette mesure imposera également pour
les pays <> une réduction de la
prétendue APD. Aucune ressource supplémentaire ne
pourra être dégagée pour réaliser des dépenses
sociales
APD

Une fois de plus une promesse insignifiante et
incertaine de doublement de l’aide publique au
développement. 50 milliards jusqu’à présent refusés
par les USA, aucun des membres du G8 ne respecte les
0,7%

Education, santé sida

Leur aide s’inscrit dans le paradigme de domination
néolibérale. Ils ne s’attaquent pas aux causes. Les
droits humains fondamentaux : Droit à l’emploi.
Pratiques commerciales transparentes

Les subventions seront éliminées dans des délais
raisonnables, ils tiennent au cadre inégal de l’OMC en
défaveur de la pysannerie africaine en général et
aussi les petits producteurs européens.
Ecologie

Ils n’évoquent l’écologie qu’au niveau. Pas de remise
en question de leur mode de production. Ils ne parlent
pas des OGM.

Ironnie : on accepte l’idée que l’activité humaine.
Nous sommes tous responsables.

Taxe sur les billets d’avion. On ne prend pas au
sérieux. Les gouvernements du Sud reviennent
satisfaits

Ils sont responsables.

Le forum des peuples appelle à

1- une annulation totale et inconditionnelle de la
dette publique des pays d’Afrique et du Tiers-Monde.
Cette dette est odieuse, illégitime, a très rarement
servi les intérêts des populations et a déjà été payée
plusieurs fois. Elle constitue pour les créanciers un
mécanisme de reproduction de la domination et du
transfert de richesses du Sud vers le Nord. Cette
mesure doit s’accompagner de la restitution des biens
mal acquis par les gouvernants africains.

2- l’arrêt immédiat des privatisations des
entreprises publiques et leur rétrocession immédiate
aux pouvoirs publics pour une gestion saine par les
travailleurs et travailleuses soucieux de
l’accomplissement de leur mission de service public.

3- l’adoption d’une loi foncière garantissant
l’appropriation de la terre par la petite paysannerie
notamment l’accès des femmes paysannes à la terre et
aux autres facteurs de production.

4- la cessation de tout projet d’introduction voire
d’expérimentation des OGM tel le projet COT II-2
intitulé « Développement de la culture du coton
génétiquement modifié au Mali » financé par l’USAID,
la Compagnie Malienne de Développement des Textiles
(CMDT); Syngenta, Monsanto et Dow agrosciences.

5- La mise en place de règles internationales justes
en faveur d’un commerce équitable et favorisant la
souveraineté alimentaire des peuples d’Afrique et du
monde. Il s’agit également de faire pression sur nos
chefs d’Etat et nos parlementaires, afin qu’ils ne
signent aucun accord qui mette en péril cette
souveraineté alimentaire. Ainsi, nous dénonçons avec
force le projet d’adoption du Tarif Extérieur Commun
(TEC) et de la CEDEAO, la politique agricole de
l’UEMOA et tout autre projet poursuivant les mêmes
objectifs.

6) les gouvernements africains à placer en priorité
la satisfaction des droits humains fondamentaux tels
que l’eau, l’emploi, la santé, l’éducation par les
services publics.

7- la question des conflits ;

8- la question de l’écologie

9- mobilisations :marche mondiale des femmes à Ouaga en octobre 2006.

FORUM DES PEUPLES A FANA

Dans les coulisses de la 4ème édition

La 4ème édition du Forum des Peuples, tenu à Fana du
06 au 09 juillet 2005 et initié par la Coalition des
Alternatives Africaines Dette et Développement
(CAD-Mali) en contrepoint au sommet du G8 a vécu.

C’est aux environs de 15 heures que le convoi composé
de quatre cars de la compagnie “Diarra transport”
retenus pour le transport des participants au forum
quitte Bamako sous la pluie ; direction Fana, site du
forum.

Moins de 15 km après le départ, les quatre cars
se sont immobilisés du premier poste de contrôle à la
sortie de la capitale. Un contrôle policier a permis
d’établir que les documents de la visite technique de
ces cars sont périmés il y a de cela trois jours. Au
bout d’une heure de négociation, tout est finalement
entré dans l’ordre et le convoi poursuit son chemin.

LA MARCHE IMPROVISEE

Les délégués au forum arrivent à Fana le mardi 05
juillet 2005 en début de soirée. L’accueil a été
quelque peu perturbé, car, quelques participants
nationaux, fatigués par plus de 3 heures de voyage, la
faim, la pluies, etc, ont voulu marcher au crépuscule
pour manifester leur mécontentement. Les habitués en
déduisent que ceux qui veulent marcher en sont soit à
leur première participation au forum des peuples, ou
que leur mouvement serait infiltré. Après quelques
explications, les esprits se sont calmés.

TONY BLAIR A EU SON COUP

Les informations en provenance du sommet du G8
étaient relayées à Fana grâce à la magie de
l’internet. Du début jusqu’à la fin du forum, la
journée commence d’abord par un sketch et une rubrique
appelée “Infos G7” où les informations captées sur
internet étaient lues publiquement et traduites en
langue nationale. Ainsi, au deuxième jour du forum de
Fana, l’on apprend qu’une série d’attentats a frappé
la capitale britannique de plein fouet. Plus de 50
morts, et c’était au lendemain du choix de Londres
pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2012 au
détriment de Paris. Les Français de Fana, ce jour-là
plus nombreux que les Anglais n’étaient pas contents
et le montraient.

LES CHASSEURS ESCORTENT LES REPAS

L’organisation de la 4ème édition du forum des
peuples a failli dans la distribution des repas.
La Commission restauration avait retenu 10 femmes
dans chacun des quatre quartiers de Fana soit 40
femmes pour aider la Commission restauration. Chacune
de ces femmes s’est fait accompagner de sa fille qui
jouait le rôle d’hôtesse. Mais en réalité, ces filles
transportaient une partie de la nourriture du site du
forum (IFP) de Fana à leurs domiciles propres. Ce état
de fait créa un cafouillage et les participants au
forum ne mangeaient pas à leur faim. Pour freiner
l’évasion massive des nourritures du site au reste du
village, ordre a été donné aux chasseurs d’escorter
les repas de la cuisine jusqu’au lieu de partage…
LES JOURNALISTES ET ALLAH KA “DJIEN”
S’il existe une distinction dans les types de
logements octroyés aux participants, conférenciers,
journalistes ou aux délégations étrangères (écoles
pour les participants nationaux, villas aux
journalistes, hôtels et autres campements pour les
étrangers et les conférenciers) ; il n’y avait pas de
distinction dans la nourriture. La bouillie collective
le matin (petit déjeuner), du riz pour le déjeuner
entre 15 et 16 heures, le tô ou du cous-cous pour le
dîner parfois servis à 22 heures.
La qualité de l’alimentation qui laisse à désirer
obligeait les journalistes à renforcer leur capacité
alimentaire dans un petit restaurant au bord du
goudron, chez “Ni Allah ka djien” traduction si Dieu
le veut.

Daba Balla KEITA

11 juillet 2005