Le Maroc, un royaume musulman, se débarrassant des ressortissants d’autres pays de la Uma comme le Mali et le Sénégal en les exposant à la soif, à la faim… à une mort atroce ! La réaction de ce pays profondément islamique est surprenante, surtout en ce mois béni du ramadan.
Echoués à la porte du «bonheur», face aux grilles de l’enclave espagnole de Melilla au Maroc, ils ont été raflés et enchaînés comme des criminels avant d’être abandonnés aux confins des frontières algériennes et mauritaniennes. Une région minée où personne ne se hasarde. Tant pis pour les nègres qui auront la malchance de tomber dans ces pièges mortels Autant en emporte la dignité humaine et les valeurs religieuses.
Mais, comme le dit une sagesse bamanan, au lieu de s’en prendre à son point de chute, il faut plutôt en vouloir à là où on a trébuché. Dans le cas d’espèce, ce flux émigrant vers l’Eldorado européen consacre l’échec de toutes les politiques de développement en Afrique. Avec une croissance démographique galopante, la population africaine ne cesse de se rajeunir.
Mais, au même moment, le niveau de vie des populations ne cesse de baisser. Les économies nationales s’écroulent et nos Etats s’appauvrissent inexorablement. Et puisque nos systèmes éducatifs n’ont jamais été le reflet de nos réalités, la pauvreté devient galopante en se nourrissant du chômage.
Dans un pays comme le Mali, l’émigration n’est plus une question de culture ancrée dans les traditions d’une région (Kayes). Tous les jeunes du pays, à commencer part ceux de la capitale durement éprouvés par la crise de l’emploi, rêvent aujourd’hui d’émigrer vers l’occident en quête d’un lendemain meilleur.
Comme Souleymane, Viviane, Korotoumou, N’Gorgui, Tiécoura… ils sont aujourd’hui des milliers de jeunes africains qui sont prêts à risquer leur vie pour pénétrer en Europe. Certains font au moins trois ans de route dans des conditions inhumaines avant de venir se heurter aux enclaves espagnoles.
Plus de dix mille immigrés en six mois
D’après Le Monde (quotidien français), «onze mille immigrés illégaux mineurs sont entrés en Espagne entre janvier 2004 et juin 2005. Les clandestins qui rêvent d’Europe sont de plus en plus jeunes». La fuite des cerveaux amorcée dans les années 80-90 se poursuit aujourd’hui de plus belle. L’Afrique continue à perdre ses cadres, ses techniciens… en vagues rapprochées et dévastatrices.
Si au début, cette fuite était liée à l’oppression et à la répression des régimes dictatoriaux, aujourd’hui elle s’est accélérée par la crise socio économique exponentielle. La quête de la liberté s’est transformée en une course mortelle pour le bien-être social. Malgré les humiliations subies dans les pays d’accueil comme la France, les jeunes risquent leur vie pour y aller.
«Là au moins, on est sûr de pouvoir réaliser quelque chose dans sa vie à la sueur de son front. Ce qui est loin d’être le cas au Mali où les paris sur l’avenir sont de l’utopie. C’est l’impasse totale pour les jeunes sans soutien politique. Pour que les portes s’ouvrent, il faut avoir les bras longs, soit des parents nantis ou se plier à la servitude politique», soulignait un camarade de promotion à l’ENA actuellement ouvrier agricole en Andalousie (Espagne).
Les perspectives d’avenir étant sombres, il est donc difficile d’empêcher les jeunes d’aller là où ils pensent réaliser leur rêve. Surtout quand ils voient que ceux qui partent ne tardent pas à améliorer les conditions de vie de leurs familles, à se construire des villas dans les grandes villes.
Une seule alternative : le développement !
La solution à l’émigration se trouve dans le développement des pays africains. Un développement équilibré entre villes et campagnes. Cela repose aussi sur un changement des rapports entre puissances industrielles et pays pauvres. Combien de paysans maliens, burkinabé, béninois… ont été ruinés ces dernières années à cause des subventions accordées par l’Union Européenne et les Etats-Unis à leurs paysans ?
La précarité née de cette injustice commerciale et sociale contribue aujourd’hui à grossir le flux des émigrants vers l’Europe. Sans compter les effets pervers du libéralisme économique (liquidation et privatisation) et des modèles de développement économique imposés par les Institutions de Bretons Wood. Sans compter la corruption qui étouffe les économies nationales monopolisées par une minorité.
Autant de défis qu’il faut aider l’Afrique à relever pour espérer éviter les drames qui se déroulent au Maroc.
L’Europe doit également faire des efforts pour coordonner les politiques de ses pays membres pour organiser l’émigration des chômeurs des pays pauvres vers ses frontières. Elle y a doublement intérêt.
En effet, avec une population vieillissante, les pays Européens gagneraient à encourager l’immigration légale pour éviter le déclin social et économique.
Ils ont tout à tirer du flux des cadres compétents et des ouvriers qualifiés pour maintenir leur croissance économique. Un récent rapport des Nations Unies mis en évidence «les effets positifs de l’immigration pour la démographie des pays hôtes et l’économie des pays d’origine». Une réalité que l’hypocrisie, l’égoïsme et surtout l’opportunisme politique empêchent beaucoup de dirigeants européens à reconnaître.
La référence américaine
Les Etats-Unis ont initié depuis quelques années un programme d’immigration qui permet d’octroyer chaque année 50.000 visas de résident permanent. Cette loterie, conçue de façon à donner aux États-Unis une plus grande diversité raciale et ethnique, offre l’opportunité de résider en Amérique à des citoyens de pays ayant traditionnellement un faible niveau d’immigration aux États-Unis. Pourquoi l’Europe ne s’inspirerait pas de cette initiative américaine qui porte ses fruits ?
L’Union Européenne à autant intérêt à le faire qu’elle ne pourra jamais se mettre à l’abri de l’immigration clandestine en se barricadant hermétiquement. En effet, il est évident qu’aucun rapatriement forcé, aucune répression ni aucune humiliation ne dissuadera ces jeunes de renoncer à leur rêve de vie meilleure en Europe. La détermination de ces jeunes Africains désoeuvrés à rejoindre l’Europe est telle qu’il est utopique de penser que des barbelés, des textes législatifs ou une mobilisation des forces de sécurité aux frontières peuvent les en dissuader.
Le défi de la communauté internationale
De nos jours, la maîtrise de la pression migratoire du Sud vers les pays réputés riches du Nord est l’un des défis majeurs à l’humanité. En trente ans, selon une étude des Nations Unies, le nombre de migrants dans le monde est passé de 75 à 200 millions, soit l’équivalent de la population du Brésil. Pour les pays de destination comme ceux d’Europe, la priorité consiste plutôt à aider plus et mieux les pays d’origine que de se montrer davantage de vigilance avec les clandestins.
Difficile alors de comprendre la position des pays comme la France qui se sont opposés à la constitution d’un fonds pour faire face aux effets négatifs de la mondialisation sur proposition de la Commission européenne. Moins de misère, moins de guerres, moins de famine et moins d’émigration ! Voilà une réalité qu’ils ne peuvent plus occulter en espérant résoudre le fléau par l’humiliation et les violations des droits humains. Ni la répression ni la démagogie ne peuvent résoudre un problème social lié au développement et déséquilibre des relationnelles.
Moussa Bolly
18 octobre 2005