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Nous sommes au mois de novembre 2008. Depuis Brazza où il réside, le compatriote Hackou Badiaga reçoit un appel inconnu en absence. Le numéro n’étant pas du pays d’accueil, il entreprit de le rappeler et tombe sur un individu du nom de Sambourou Diallo. Ce dernier lui indiqua que c’est par erreur qu’il était tombé sur lui.

Il voulait plutôt joindre, à ses dires, un parent vivant au Congo. Qu’à cela ne tienne. Les deux hommes entamèrent une conversation, chose d’autant plus normal que les compatriotes vivant à l’extérieur ne manquent pas la première occasion de s’informer sur le pays.

Mais il fallait d’abord faire connaissance. L’interlocuteur au bout du fil depuis Bamako se présenta comme un marabout et… Un marabout ? Parfait, lui signifia l’autre en lui faisant la confidence selon laquelle, il était entrain de courir derrière un compatriote escroc lequel lui a soutiré la somme de 30 millions F CFA. Son interlocuteur lui avoua alors n’être que le disciple du grand marabout présent à ses côtés. Il mit les deux hommes en contact.

Le prétendu « Grand marabout » répondant au nom de Hama Waïgalo confirma les déclarations de son « disciple » et se dit disposé à «travailler» afin que la victime rentre dans son dû. Il fallait, pour en arriver là, faire des sacrifices et quels sacrifices : 4 béliers blancs, autant de chèvres noires, de taureaux de 7 ans, de chameaux bien bossus et de chevaux étalons !

Le Malien de Congo n’hésita pas. Il promit, dès le lendemain, d’envoyer le montant nécessaire à cette opération. Par l’entremise d’un commerçant sis au Grand marché, il effectua la transaction. Ces structures informelles sont aussi efficaces que les banques dans le transfert d’argent. Toujours est-il que le prétendu marabout, reçu en bonne et due forme le montant demandé, soit la bagatelle de cinq millions F CFA. Ce n’était qu’un début.


La caverne d’Ali Baba …

jpg_Sans_titre-2-8.jpgUn mois plus tard, aucun résultat ! Le marabout le rappela pour lui demander de financer le reste de l’opération qui, à ses dires, n’était qu’à ses débuts. L’argument, fut cette fois-ci de payer un parfum ayant la particularité d’être une propriété privée des diables et par conséquent très difficile à trouver. Il obtempéra. Et le manège se poursuivit pendant encore un mois toujours sans résultat. Notre «Congolais» avait franchi la barre des 18 millions F CFA. Il commençait à douter de l’efficacité de ce marabout.

Mais ce dernier le relança avec un autre stratagème. Il lui promit de se rendre personnellement au Congo où, selon ses oracles, l’escroc réside toujours. Mais attention, il possède lui aussi des génies protecteurs et nul autre qu’un marabout d’envergure, n’est en mesure de le vaincre. Il demanda pour ce faire, les frais de voyage et d’établissement des documents (passeport, billets d’avions aller-retour…) pour lui et son disciple. Une fois de plus, Monsieur Badiaga s’exécuta.

Mais le jour du voyage convenu, il reçut un autre appel du marabout lui indiquant que les Gendarmes Maliens s’étaient opposés à leur embarquement au motif qu’il manquerait des pièces dans leurs documents de voyage. Il lui suggéra alors d’envoyer quelqu’un à Bamako. M Badiaga accepta. Il délégua son frère qui fit le voyage sur la capitale malienne.

Une fois à l’aéroport Bamako-Sénou, ce dernier fut conduit dans un hôtel puis, au cours de la nuit, dans un mystérieux endroit à 40 kilomètres de la ville… Au jour d’aujourd’hui, le bonhomme ne s’est pas encore remis de ses frayeurs suite à sa rencontre avec un invité surprise : le diable en personne.

Un démon crachant du feu et tout droit venu des profondeurs de l’enfer

Le marabout et son disciple conduisirent nuitamment le frangin dans un endroit au relief plutôt accidenté et lugubre. C’est ici, diront-ils, que tout se jouera. Il est 00 heure passée et l’obscurité enveloppait tout le décor. Les silhouettes les plus anodines prenaient des formes monstrueuses les plus effrayantes et le moindre bruit faisait d’abominables échos. Les oiseaux s’étaient tus… Le frangin avait de la peine à retenir son souffle et…

C’est en ce moment qu’il paru. Il était là devant eux, tout de blanc vêtu, et sa tête touchant les branches du baobab sous lequel il se tenait droit. Il lança un cri de terreur qui fit glacer le sang du frangin dans ses veines. Un cri venu tout droit d’Armageddon puisqu’accompagné de flamme et souffre. Le frangin n’en put plus. Il perdit connaissance et ne se réveilla qu’à l’Hôtel où il fut ramené par le marabout et son disciple. Profondément traumatisé Il perdit presque l’usage de la parole, incapable du moindre geste.

Le marabout fit alors appel à son client depuis le Congo pour lui parler de l’état de son frère : il n’a hélas, pu supporter la vision du diable et en a perdu l’esprit. Il faudra donc le soigner. Et naturellement lui, seul marabout de renommée, avait le traitement approprié qui nécessitait évidemment des frais.

Se sentant responsable du sort de son frangin, M. Badiaga envoya encore de l’argent. Il en était arrivé à oublier ses 30 millions et l’opération consistant à les récupérer. La priorité avait changé. Mais malheur étant souvent bon, il dut alors expliquer les faits à un autre parent au pays. Ce dernier comprit vite et décida, en son nom de porter plainte auprès du Commissariat de Police du 3ème Arrondissement.

L’Epervier du Mandé à la rescousse

Nous sommes le 09 février, soit trois plus tard. Le plaignant se rendit alors à la Brigade de Recherches du Commissariat de police du 3ème Arrondissement et sollicita les services de l’Inspecteur Principal surnommé l’Epervier du Mandé. Après l’avoir religieusement écouté, le policier prit contact avec le «Congolais» et lui suggéra d’inviter le marabout à se rendre auprès du commerçant sis au grand marché pour retirer l’argent qu’il vient d’envoyer pour le traitement de son frère. Ainsi dit, ainsi fait !

jpg_Sans_titre-31.jpgUne fois informés, le faux marabout et son complice se rendirent à l’endroit indiqué où ils furent cueillis comme des fruits mûrs par une équipe dirigée par l’Epervier du Mandé en personne. Direction le commissariat.

Là, ils avouèrent tout. Après vérifications, il s’avère que les numéros de téléphones ayant servi aux différentes communications étaient bien les leurs. Mais restait une zone d’ombre : où se trouvait le fameux diable cracheur de feu ? Il ne venait ni des abysses ni de l’enfer. C’était le disciple du marabout.

Le coup était bien monté. Il avait profité d’un moment d’inattention pour se dérober et mettre en œuvre le scénario préparé d’avance. Le jet de flamme était provoqué par une bonbonne de gaz TIMOR enflammé. Mettant l’injecteur auprès de sa bouche, Il avait tout simplement mis le feu au gaz projeté à l’aide d’un briquet. Et le spectacle fut garanti. Déjà conditionné par le décor, et qui sait, par une drogue qu’ils lui auraient auparavant fait annihiler, le malheureux ne pouvait qu’apercevoir Lucifer en personne.

Les deux complices furent trouvés en détention, seulement de 640.000 F CFA, tout ce qui reste des 25,6 millions au total qu’ils ont extorqués à leur victime de Novembre dernier au mois de Février 2009. Ils ont tout simplement dilapidé la fortune du malheureux.


B.S. Diarra

L’Aurore du 16 Février 2009