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Le Syndicat national de la santé et de l’action sociale annonce une grève illimitée à partir de demain. Les hôpitaux se préparent. La tension monte à nouveau dans le monde de la santé.

jpg_sante-chu.jpgEn effet, le Syndicat national de la santé et de l’action sociale (SNSAS) a annoncé une grève illimitée à partir de demain. Vendredi, les différentes parties prenantes s’étaient quittées sur un constat d’échec malgré les efforts de la commission de conciliation présidée par le Pr Bocar Sall. Les deux autres organisations syndicales de la santé ne sont pas concernées par cette grève.

Il s’agit du Syndicat autonome des cadres médicaux (Synacam) et du Syndicat pour le renouveau socio-sanitaire (Synaress). Les responsables du Synacam expliquent s’être désolidarisés du mouvement pour n’avoir pas été associés au préavis. Ils souhaitent quand même que l’Etat respecte ses engagements. Les militants du Syndicat national de la santé et de l’action sociale se disent prêts à débrayer.

Ils mettent en avant le non respect des engagements pris dans le procès verbal de conciliation par l’État à travers le département de la Santé. Dans ce document, les parties s’étaient accordées sur le paiement de primes de fonctions spéciales à partir de janvier, assorti d’un rappel de 6 mois à compter d’août. Il était convenu de procéder à une augmentation de 70 % sur les primes de fonctions spéciales, soit 10 500 Fcfa de plus pour la catégorie A, 8 000 Fcfa pour la catégorie B2, 7 000 Fcfa pour la catégorie B1 et 6 250 Fcfa pour la catégorie C.

Les contractuels des hôpitaux devraient percevoir 3 500 Fcfa. Initialement, ces primes de fonctions spéciales étaient fixées respectivement à 15 000, 12 500, 10 000F, 7 500 et 5000 Fcfa selon la catégorie. Le syndicat estime que l’Etat n’a pas respecté ses engagements. Le secrétaire général du SNSAS, le Pr Mamady Kané, est catégorique : « nous n’irons pas à la table de négociation parce qu’il ne s’agit plus de renégocier mais de concrétiser ce qui a été signé par les deux parties. La grève est la dernière arme d’un syndicat. Nous avions demandé de créer un cadre de concertation et d’aller à la mise en œuvre de l’accord sans pression. Mais nous n’avons pas été entendu ».

Au département de la Santé, les responsables chargés de négocier avec les syndicalistes se refusent à tout commentaire pour le moment. Une lettre circulaire du ministère de la Santé en date du 22 février, indique cependant que l’augmentation doit être prise en compte dans le salaire du mois de mars. Les directeurs des services centraux et rattachés sont donc invités à prendre les dispositions pour la prise en charge directe de l’incidence à partir du salaire de mars prochain.

Pour ce qui est de l’intégration des contractuels des hôpitaux à la Fonction publique, le principe avait été retenu dans le PV de conciliation. Selon les syndicalistes, ce point n’est pas satisfait non plus. Ils assurent qu’il leur a été clairement signifié que les contractuels des établissements hospitaliers ne pouvaient être directement versés dans la Fonction publique.

Les syndicalistes avaient aussi des griefs contre le processus de privatisation de l’Usine malienne de produits pharmaceutiques (UMPP). Ils avaient plutôt souhaité le renforcement de cette unité qui serait convoitée par des repreneurs tunisien et coréen. Certes, le syndicat reconnaît qu’il n’appartient pas à un syndicat de s’opposer à la privatisation d’une entreprise décidée par l’État.

Mais il estime qu’il faudra bien s’occuper des conséquences comme les licenciements qui suivent généralement les privatisations. Dans le PV de conciliation, il avait été convenu d’associer les syndicalistes aux différentes démarches avec les partenaires. Et d’annexer au cahier de charge à soumettre à l’acquéreur, un plan social actualisé.

A ce niveau, le secrétaire général du SNSAS salue les efforts faits par l’Etat qui a décidé d’y injecter 360 millions de Fcfa. Un premier acompte de 120 millions a déjà été mis à la disposition de l’usine. Celle-ci doit entrer en possession du reliquat après présentation de pièces justificatives.

Par ailleurs, le syndicat avait réclamé une relecture du statut particulier des travailleurs de la santé. Il était envisagé d’organiser un concours pour permettre l’extinction de la catégorie C pour les agents de santé et de l’action sociale. Le ministère en charge de la Fonction publique devait prendre des dispositions pour l’organisation d’un concours dans ce sens. Mais là aussi, les syndicalistes indiquent n’avoir rien vu venir. Une évaluation fait état de plus de 160 agents de la catégorie C dans les différents établissements hospitaliers.

Le syndicat avait souhaité aussi que l’État revienne sur des mutations qu’il avait qualifiées « d’abusives ». Les deux parties avaient trouvé un consensus à ce niveau. Le département s’était engagé à reconsidérer ses décisions dans les trois mois suivant. Le syndicat, de son côté, avait promis d’œuvrer à l’assainissement de l’environnement du travail et à l’instauration d’un climat de paix et de sérénité.

Les syndicalistes estiment que le département de la Santé n’a pas respecté le « deal ». Le rétablissement de la prime de risque des agents de la direction régionale de la Santé, du Développement social et de l’Economie solidaire faisait aussi partie du combat du syndicat.

L’accord conclu sur ce plan a été concrétisé. Sur d’autres points, des solutions ont été également trouvées ou sont en passe de l’être. Dans la perspective de ce débrayage annoncé, les administrations hospitalières sont à pied d’œuvre pour l’organisation du service minimum. Au centre hospitalier universitaire Gabriel Touré, une note de service va sortir pour organiser ce service minimum.

Le directeur de l’établissement, le Dr Abdoulaye Néné Coulibaly, assure qu’un accent particulier sera mis sur certains services notamment le service d’accueil des urgences, les services de réanimation, de pédiatrie, et des urgences gynéco-obsétriques. « Notre souhait est de faire fonctionner ces services à 100 % mais à défaut nous allons travailler avec un dispositif renforcé », a indiqué le directeur de l’hôpital Gabriel Touré.

A l’Institut d’ophtalmologie tropicale d’Afrique (IOTA), des dispositions sont également prises pour assurer le service minimum. L’administration travaille dans ce sens sur la base des textes en vigueur en la matière. Le Pr Abdoulaye Diallo, le directeur de l’Institut précise que le décret 90562/PRM du 20 décembre 1990 détermine le service minimum et la loi 87-47/ANRM du 10 août fixe l’exercice du droit de grève.

Il reconnaît que le département a fait beaucoup d’efforts pour résoudre les problèmes mais de son point de vue, il faut toujours continuer le dialogue parce que nous sommes dans un pays de dialogue et de démocratie. Espérons que les deux parties parviendront à un accord de dernière minute pour éviter une grève illimitée qui ne peut rien présager de bon.

Bréhima Doumbia

L’Essor du 23 Février 2010.