Le 4 juillet 2006, le Gouvernement souverain de la République du Mali a signé avec les insurgés (combattants intégrés des MFUA) les accords d’Alger sur «la restructuration de la paix, de la sécurité et de développement dans la région de Kidal».
Depuis, l’annonce de la signature de ces accords, les opinions les plus contradictoires n’ont cessé d’alimenter la presse, les grins et les discussions dans les transports en commun. C’est la preuve de tout l’intérêt que les Maliens portent à l’événement. Mais quel que soit ce que l’on en pense, il convient de s’arrêter un moment et faire une analyse tant soit peu objective de la situation d’ensemble.
Le contexte :
1. Contexte socio administratif : la chefferie traditionnelle dans l’Adrar des Ifoghas connaît des moments difficiles, dû surtout à l’ouverture démocratique qui veut qu’il y ait un homme une voix. Si les chefs traditionnels ont moins de voix que leurs anciens vassaux, il est clair que leur autorité aura tendance à s’effriter. C’est là d’abord le premier problème auquel il faut trouver une issue heureuse.
2. Contexte politique : le Mali est en année préélectorale. C’est-à-dire qu’il a besoin de toute la quiétude pour des élections réussies tel que le souhaitent l’ensemble des Maliens. Une rébellion ou une guerre à ce moment précis est synonyme de pagaille, de report des élections, de perte de crédibilité pour le Mali qui fait figure d’exemple et de stabilité dans la zone Ouest africaine. Or, il n’est un secret pour personne qu’Iyad Ag Ghaly a menacé de perturber les élections s’il n’était donné satisfaction à ses exigences.
3. Contexte géopolitique : le Mali a sept frontières non protégées. Une rébellion au Nord du pays aujourd’hui ne se fera pas sans conséquences pour les pays voisins :
L’Algérie ne restera certes pas les bras croisés avec des troubles à sa frontière, surtout que le GIA et le GSPC y sont encore très actifs ;
On sait que la rébellion de 1990 a été importée de Libye, qui dispose encore de milliers de vétérans de la légion libyenne (Maliens, Nigériens, Tchadiens, Soudanais, Palestiniens, Polisario, etc) dont elle voudrait se débarrasser en leur trouvant une autre occupation ;
Le Polisario, qui depuis bientôt trente ans, est confiné à Tindouf ne manquera pas de trouver où s’entraîner ;
Le Maroc ne restera certainement pas insensible à des incursions du Polisario au Mali ; ce qui pourrait déboucher sur le réveil des démons dans le Maghreb ;
Le Burkina Faso, s’étant rendu compte de la faiblesse notoire de l’armée malienne, pourrait profiter de n’importe quel petit incident pour entrer dans la danse et tenter de se venger de 1985;
Les FLAM mauritaniennes pourraient trouver là l’occasion rêvée de se réveiller, ce qui occasionnerait une réaction de l’armée mauritanienne avec sûrement des incursions en territoire malien ;
Le Niger deviendra une proie facile à son propre irrédentisme touareg ; et la frontière étant ce que l’on connaît, on ne saura plus si la rébellion sévit au Mali ou au Niger.
4. Contexte psychologique : le Malien a toujours été fier de son armée nationale, qui a administré la preuve, le 22 septembre 2005 à Sikasso, que l’on pouvait compter sur elle et avec elle. Mais le Malien ne peut pas comprendre qu’une mutinerie dans un camp militaire de Kidal et dans un camp des gardes de Ménaka puisse avoir lieu sans coup férir. Qu’est-ce qu’il reste de la défense du territoire et de la sécurité nationale ; depuis quand un militaire a peur de mourir pour la patrie ? Où étaient les officiers chargés d’organiser la défense des institutions républicaines ? Le Malien s’est réveillé le matin du mardi 23 mai et s’est rendu compte, avec d’amertume, que ce qui était arrivé à Kidal pourrait arriver n’importe où et en pire.
5. Contexte économique : il est clair qu’aujourd’hui, avec toutes les actions en chantier (pont de Wabaria, route Gao-Ansongo-frontière Niger, programme de développement de Taoussa, recherche pétrolière, etc), aucun responsable, a fortiori aucun citoyen soucieux du progrès des régions Nord du Mali, ne souhaite des troubles à ce moment précis. En effet, c’est devenu un «La Palisse» que dire «sans paix et sécurité, pas de développement». Malheureusement, avec ce qui se passe à Kidal, plusieurs ONG, même si elles ne le disent pas publiquement, hésitent à continuer à intervenir dans le Nord en général et dans la région de Kidal en particulier. Que deviendra le programme FIDA de plusieurs milliards de nos francs qui devait démarrer cette année?
6. Contexte sécuritaire : il fallait gérer la situation, tout en évitant les errements de 1991 à 1996. En effet, en cette période-là, il n’y a pas eu une véritable guerre opposant deux armées, mais surtout des tueries de part et d’autre, des vols de bétail, des enlèvements de véhicules et des viols de la part des rebelles. Cela a amené de l’amalgame qui n’a laissé aucun Malien digne de ce nom indifférent. Et personne n’a jamais présenté des excuses pour ce qui s’est passé. Aujourd’hui, avec les accointances d’Iyad avec la milice pakistanaise (donc intégriste), bonjour les dégâts.
Les Accords d’Alger
Une lecture comparée des accords d’Alger en date du 4 juillet 2006 et du Pacte National en date du 11 avril 1992 nous permet de constater ceci :
1. le Pacte National dispose respectivement en ses alinéas 1 et 2 du Titre I que «le présent Pacte est le cadre dans lequel seront restaurées la paix juste et définitive dans le Nord du Mali et la réconciliation nationale entre tous les Maliens» et «le contenu du présent Pacte est un engagement solennel et des dispositions irréversibles convenues par les deux parties, … A cet égard, la pérennité des dispositions statutaires de ce Pacte et la mise en oeuvre de ses autres dispositions seront garanties par l’Etat».
2. les accords d’Alger, tels que formulés, prévoient la «restructuration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal». Ces accords remettent en cause l’instauration d’une paix juste et durable car ils impliquent que le Pacte National a échoué dans ce domaine. Or, pour l’instant, la preuve n’a pas été administrée que, depuis 1996 la paix n’a pas régné dans le Nord du pays. Les accords d’Alger remettent en cause l’irréversibilité des dispositions convenues par les parties signataires du Pacte National sans que la partie qui se sent lésée ait dénoncé expressément ledit Pacte. Or, les mutins qui se font appeler «Alliance Démocratique du 23 mai 2006 pour le Changement» ne sont pas partie prenante au Pacte National en tant qu’Alliance. Cependant, il est tout à fait concevable que tout citoyen malien en général et tout ressortissant du Nord en particulier qui estimerait que des dispositions du Pacte National étaient violées ou souffraient de flottement dans leur mise en oeuvre était fondé pour interpeller l’Etat malien à travers ses élus dûment mandatés, à savoir les députés et les conseillers nationaux.
3. les accords d’Alger singularisent la région de Kidal dans le Mali. A ce titre, il convient de rappeler que c’est dans le cadre d’une instauration de paix véritable que les Maliens ont accepté dans l’intitulé du Pacte National l’expression «consacrant le statut particulier du Nord du Mali» ; sinon, en dehors du fait que certains fils du Nord avaient pris les armes contre leurs propres frères, il était difficile de prouver la spécificité du Nord par rapport aux autres régions du Mali, car chacune a quelque chose de spécifique, que ce soit ethnique, culturel, géographique, religieux ou purement développemental.
4. les accords d’Alger, dans le Titre I, traitent d’une meilleure participation au processus décisionnel. Peut-on véritablement trouver meilleure plateforme de participation au processus décisionnel que la décentralisation en cours ? En quoi le Conseil Régional Provisoire de Coordination et de Suivi sera-t-il plus efficace que l’Assemblée Régionale et les Conseils de Cercles ? L’article 32 du Pacte National, visé dans le cadre des compétences du Conseil Régional Provisoire est loin de signifier la même chose que ce qui est écrit dans les Accords d’Alger. Pourquoi de toutes les compétences des Assemblées Régionales élues définies à l’article 15 du Pacte National singularise t-on seulement les alinéas C et D traitant du contrôle des forces de l’ordre au niveau local et régional et de la participation à la sécurité de la région ? Le Conseil Régional Provisoire, est «consulté pour tous les aspects de médiation et de développement spécifiques et contribue à éclairer l’administration dans la préservation de l’harmonie et de la cohésion sociale de la région». N’est-ce pas là la preuve que l’administration a failli dans la préservation de l’harmonie et de la cohésion sociale, spécifiquement dans la région de Kidal. Fallait-il que des ressortissants de ladite région prennent les armes contre l’Etat pour que l’on s’en rende compte ? Et si les gens du Macina ou du Bélédougou en faisaient autant ?
5. le Titre II des accords d’Alger traite du Développement économique, social et culturel. S’adressant uniquement à la région de Kidal, les termes de ce titre vident le Pacte National de son contenu, notamment en ses articles 47 à 51, qui eux, concernent tout le Nord du pays.
6. «les mesures sécuritaires immédiates» : peut-on trouver mieux que le Pacte National en son article 9 § A qui parle, entre autres, d’«un allègement substantiel, graduel et approprié des forces armées actuelles dans le Nord de sorte à aboutir à leur retrait majoritaire» ? Alors que les accords d’Alger prévoit la «délocalisation des casernes militaires dans les zones urbaines». Comme s’il y avait une agglomération urbaine dans la région en dehors de la ville de Kidal. La population totale de la région ne vaut pas celle du quartier de Niamakoro à Bamako avec ses 41 000 habitants. Pense t-on vraiment qu’il suffit d’écrire dans un accord (même à valeur juridique internationale) que l’on va sortir les casernes des villes pour qu’il en soit ainsi ? Quel est le budget qui va supporter l’opération ? Est-elle réalisable, même avec financement acquis, en un temps qui paraîtrait raisonnable à ceux qui l’ont exigé ? Pourquoi délocaliserait-on Kidal et Tessalit et non Kati, Bamako ou Sikasso ?
7. les Unités spéciales de sécurité : prévues dans les accords d’Alger, elle se veulent une réplique des dispositions du Pacte National, article 9 § A, en oubliant deux choses :
– d’un, le Pacte National précise que la mission [de ces unités spéciales] se limitera à la préservation de l’intégrité et de la sécurité extérieure du territoire national ; le corps de sécurité intérieure prévu par la Pacte National (« Gendarmerie Nationale, Garde, Goum, Police ») est mis « à la disposition des autorités locales dans le cadre de leur pouvoirs de police. Tout ceci est loin d’être ce qui est annoncé comme mission des unités spéciales dans les accords d’Alger ;
– de deux, ce sont justement des éléments de ces unités prévues au Pacte National qui ont fomenté les mutineries du 23 mai 2006. Va-t-on recommencer le même scénario ? Quelle garantie a-t-on que demain un autre Iyad Ag Ghaly, ou Ag Fagaga ou Ag Bahanga, pour avoir de l’argent gratuit sans travailler (car en fait c’est uniquement de cela qu’il s’agit), ne ferait pas de même ? Surtout qu’il est spécifiquement prévu une gestion avec discernement « des officiers, sous-officiers et hommes de rang qui ont quitté leurs unités d’origine pendant les événement du 23 mai 2006, en les intégrant, si besoin, dans les unités spéciales de sécurité… ».
8. Mécanisme de suivi : le Comité qui veillera à la mise en oeuvre des accords d’Alger est paritaire et comprend trois (3) représentants chacun du Gouvernement du Mali, du Comité Régional Provisoire et de l’Algérie. Est-ce à dire que le Mali est sous tutelle de l’Algérie ? Ce pays frère a beau être un ami sincère et loyal, de quel droit va-t-il s’immiscer dans la gestion quotidienne des affaires de la nation malienne ?
Par quelle astuce juridique un Arrêté d’un ministre malien va-t-il désigner des étrangers ? N’est-on pas nettement en retrait par rapport au Pacte National, dans ses dispositions du Titre VI « de la garantie de la mise en oeuvre du Pacte ».
Le Mali a tout donné à l’Algérie pendant sa guerre d’indépendance contre la France ; mais qu’est ce que l’Algérie a donné de palpable au Mali en général, et aux régions du Nord en particulier ?
Que faisait le Collectif des Ressortissants du Nord depuis 1991
Il s’agit ici de donner seulement quelques repères :
1. le 16 avril 1992, le Collectif, par écrit, félicitait le Président du CTSP et le remerciait pour la signature du Pacte National et lui rappelait la teneur de l’audience du 07 février 1992, à savoir la nécessité perçue par le Collectif « d’organiser le retour et la réinsertion sociale de nos parents qui, suite à l’insécurité dans le Nord du pays, se sont momentanément retrouvés dans certains pays voisins » ;
2. le 07 mai 1992, moins d’un mois après la signature du Pacte National, le Collectif adressait une lettre au Secrétaire Permanent du CTSP pour lui signifier que « Ie contenu du Pacte avait besoin d’être expliqué à tous les niveaux, de façon à obtenir l’adhésion de l’ensemble des populations maliennes, particulièrement celles du Nord » et de proposer en conséquence « un programme de sensibilisation et de mobilisation de toutes les parties concernées autour du Pacte National » qui identifiait d’une part « les points ne soulevant pas d’interrogations » et d’autre part « les points soulevant des interrogations ». Cette proposition n’a jamais été mise en oeuvre comme l’aurait souhaité le Collectif;
3. le 22 juin 1992, le Collectif, reçu à Koulouba pour féliciter le nouveau Président démocratiquement élu de tous les Maliens, a manifesté à ce dernier sa disponibilité pour l’assister, selon ses moyens, dans la gestion du problème du Nord. Apparemment, cette offre n’a pas été appréciée, comme on le constatera par la suite
4. le 30 Juillet 1994, afin d’éviter la concrétisation de la république islamique de l’Azawad, le Collectif tenait à remettre un message au Premier Ministre au cours d’une marche interdite qui s’est transformée en meeting sur le passage à niveau du Gouvernorat du District. Dans ce message, le Collectif s’indignait qu’il y a rébellion parce que « le Mali, très convoité par les puissances étrangères n’a jamais accepté, en trente ans d’indépendance, de brader sa dignité et son honneur… » et exigeait « du Gouvernement qu’il mette, sans délai, l’Armée nationale dans toutes les conditions matérielles, morales et psychologiques pour réoccuper les positions qu’elle a évacuées par suite de la faiblesse et de l’incohérence du pouvoir central » ;
5. le 13 novembre 1994, au cours du meeting que le Collectif a organisé suite aux attaques d’Ansongo le 20 octobre 1994 et de Gao le 22 octobre 1994, parmi les nombreuses questions posées, on pouvait retenir « pourquoi le Gouvernement se refuse à dire à la Nation et à l’opinion internationale que ce sont les MFUA qui ont empêché la mise en oeuvre du Pacte National, car ils n’ont pas respecté la condition première qui est le cessez le feu 24 heures après sa signature » ;
6. le 15 mai 1995, dans une déclaration, le Collectif réagissait aux Accords de Tamanrassett (16-20 avril 1994) et d’Alger (10-15 mai 1994), qui faisaient suite aux fait que le Pacte National, malgré ses dispositions pertinentes, n’a pas pu instaurer le cessez-le-feu a fortiori la sécurité. Lesdits accords (qui reprennent en fait les dispositions du Pacte National) ont été analysés point par point pour conclure comme il suit : « En conclusion, comme le Collectif a eu à le signaler en mai 1992, il est simplement honnête de reconnaître que le Pacte National avait non seulement des limites hier, mais aussi qu’aujourd’hui, il n’est plus d’actualité. De ce fait, les «accords d’Alger du 15 mai 1994 qui en découlent sont sans avenir. Ils sont par conséquent dénoncés par le Collectif des ressortissants du Nord »;
7. le 02 août 1995, la COORDINATION DES ASSOCIATIONS DE CERCLES DE TOMBOUCTOU, répondant à l' »Appel de Tombouctou », intitulait son adresse à l’occasion de la clôture des manifestations « La paix n’a pas de prix », emboîtant le pas au Collectif des Ressortissants du Nord qui, le premier, avait fait de l’expression son slogan depuis le 20 juillet 1995.
Dans cette adresse, il était écrit que notre effort doit concourir, entre autres, « à amener nos dirigeants à désormais prendre conscience de leur rôle et mériter la confiance que nous aurons placée en eux » ;
8. le 26 mars 1996, en participant à la Flamme de la paix de Tombouctou, le Collectif a mis en garde contre le folklore, car si l’Etat ne restait pas vigilant et fort, la rébellion risquait de ressurgir « d’ici dix ans » ;
9. le 25 janvier 1999, dans une lettre au Président de la République à propos de la CAN 2002, le Collectif n’a pas hésité à faire entendre sa voix, pour faire corriger l’exclusion faite des régions du Nord, car c’est cela aussi qui nourrit les rébellions
10. le 03 mai 2006, le Collectif a rencontré le Ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales a propos du Nord. Après lui avoir rappelé que « la gestion du pacte National a rapidement été pris en otage par certains cadres du Nord avec la complicité active du Commissariat au Nord » et que la désertion du colonel Alhassane Ag Fagaga avait plutôt toutes les allures d’une rébellion, la délégation lui fait la déclaration suivant : « Le Collectif des Ressortissants du Nord, soucieux de l’instauration d’un climat véritable de paix, de sécurité, de concorde et d’entraide mutuelle, préoccupé par le mal vivre des populations du Nord, conscient qu’aucun développement n’est envisageable sans la paix et la sécurité, entend s’impliquer auprès de nos parents restés au terroir, pour trouver les solutions les plus idoines à nos problèmes. Mais pour ce faire et pour éviter de ramer à contre courant de notre Gouvernement, nous sollicitons des autorités du pays les informations vraies concernant les problèmes du Nord, car il n’y a pas plus grand ennemi que la désinformation….
Nous sommes prêts à jouer ce que nous pensons être notre rôle dans le devenir des régions Nord du pays ; mais nous entendons que l’Etat aussi joue son rôle, un rôle qui mette tout le monde à l’aise et l’abri des spéculations, surtout en renforçant les mesures de sécurité et en associant étroitement les populations du Nord à certains débats concernant les régions.
Nous voudrions humblement profiter de l’occasion pour répéter que le COREN se veut un centre de référence pour nos parents et un centre d’écoute pour les pouvoirs publics. Les gesticulations de ceux qui ne représentent qu’eux-mêmes ne nous divertiront pas de notre objectif de rendre le Septentrion du Mali vivable et enviable, dans un Mali uni et prospère».
11. le 04 mai 2006, le Bureau du Collectif a organisé une rencontre élargie au Conseil des Sages du COREN et aux élus du Nord (députés et conseillers nationaux), pour partager avec eux ses inquiétudes concernant le Nord, surtout depuis l’ouverture du Consulat Libyen à Kidal ;
12. suivirent, les 24 et 28 mai 2006, respectivement l’Assemblée Générale des Ressortissants du Nord et la rencontre des Femmes du Nord.
Que conclure de tout cela
Il est clair que la situation n’est pas aussi simple qu’elle l’apparaît. En effet, l’appétit venant en mangeant, ceux qui ont tiré leurs marrons du feu continueront à vouloir se jouer du Peuple Malien et de ses dirigeants. Nous avons assisté, sous le premier Président de la troisième République, à l’envoi d’armes de guerre au même Iyad pour l’aider dans son combat contre l’ARLA, armes qui n’ont jamais été récupérées.
Le même Ibrahim Ag Bahanga, exigeant la création d’une commune à sa mesure, a fait parler les armes et ne les a baissées que lorsqu’il eût été arrosé de billets de banque. Le même Alhassane Ag Fagaga n’est pas à sa première désertion, et a chaque fois été amadoué et prié de réintégrer l’armée nationale avec récompenses monétaires à l’appui.
Il est vrai que s’il est sage d’éviter des guerres inutiles, il est tout aussi sage de tout mettre en oeuvre pour préserver l’intégrité du territoire national. Le préambule des accords d’Alger réaffirmant l’attachement à la troisième République du Mali et au respect de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale n’est que de la poudre dans les yeux. Les mutins d’aujourd’hui, responsables MFUA d’hier, n’ont ils pas signé le Pacte National dont le préambule précise entre autres : le Gouvernement de la République du Mali et les Mouvements et Fronts Unifiés de l’Azawad.
«Réaffirmant leur attachement à la Constitution de la République du Mali en date du 12 janvier 1992» ; « Soulignant les dispositions de la constitution de la République du Mali par lesquelles elle souscrit à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme…. », est-ce que cela les a empêchés, le 23 mai 2006, de renier leur parole d’honneur, de piller leur propre camp et de se réfugier dans les montagnes en attendant que l’Algérie vienne les sortir du mauvais pas où ils se sont eux-mêmes fourvoyés.
Quel argument opposerait on aux Songhoy, aux Arabes, aux Bobos, aux Sarakolé, etc. s’ils réclamaient, armes à l’appui, que l’Etat Malien reconnaisse leur identité « particulière » et exigent un développement économique à eux ?
Non, les mutins du 23 mai 2006 ne parlent pas pour le Nord, c’est à dire la Boucle du Niger, qui va de Mopti à Kidal, en passant par Tombouctou et Gao. Ils estiment que Kidal ne fait pas partie de la Boucle du Niger (comme l’avait déclaré un ressortissant de Kidal au cours de la réunion du Collectif du 16 octobre 1992) et peut être même pas du Mali.
Qu’est-ce qu’ils pouvaient demander qu’il n’ont pas déjà obtenu ? N’avaient-ils pas tous les niveaux de revendication à leur portée, à savoir les instances élues (conseils communaux, conseils de cercles, assemblées régionales) et la société civile (associations de cercles, coordination régionale, Collectif des Ressortissants du Nord) ?
Ont-ils pris les populations du Nord et la Nation malienne à témoin de l’échec de leurs démarches pacifiques ? Ont-ils exigé une évaluation du Pacte National, qui effectivement n’a jamais été évalué depuis la réunion des 11 et 12 avril 1996 présidée par Mme Kéïta Rokiatou N’Diaye, alors conseiller spécial du président de la République ?
Veulent-ils seulement travailler et être productifs comme tous les autres Maliens ? Pensent-ils vraiment que la région de Kidal est plus mal lotie que la majorité des quartiers de Bamako (la capitale du Mali) dont certains n’ont ni électricité ni eau courante ?
La région de Kidal est-elle plus en difficulté que bien des cercles du Mali dont Bourem, Gourma-Rharous, Tominian, Bafoulabé, Kéniéba, etc. ? Peut-on vraiment comprendre que des « démocrates » ou se disant tels, prennent les armes pour se faire entendre ? C’est dire que l' »Alliance Démocratique du 23 mai 2006 pour le Changement » n’a rien de démocratique.
En tout cas, les mutins du 23 mai 2006, qui n’avaient même pas leurs propres parents avec eux dans leur aventure, peuvent s’assurer que Kidal ne va pas continuer à dicter sa loi aux régions du Nord. Tous les Nordistes sont très aguerris dans le maniement des armes. C’est bien de vouloir éviter la guerre, mais il faut savoir comment l’éviter. Ne dit-on pas à juste titre que qui veut la paix prépare la guerre. C’est vrai que La paix n’a pas de prix, mais pas la paix à n’importe quel prix.
Du 24 au 28 mai 2006, la Nation malienne, à travers ses différentes composantes (partis politiques, associations, clubs, grins, etc.) a eu à condamner sans réserve la mutinerie de Kidal et Ménaka, parce qu’il s’agissait d’un acte contraire au bon sens et à la loyauté, perpétré par des gens en qui le Président de tous les Maliens a placé toute sa confiance. Ne l’ont-ils pas trahi?
Devant une situation comme celle créée par les mutins du 23 mai 2006, un certain nombre d’axes doivent guider notre réflexion et nos réactions :
1. la préservation de l’intégrité du territoire malien ;
2. la sauvegarde de l’unité nationale ;
3. la consolidation de la paix à l’intérieur du pays et à nos frontières ;
4. la justice sociale ;
5. le pilotage à bon port du processus de décentralisation et des acquis démocratiques ;
6. le développement équitable de toutes les régions du pays dans le respect de la Constitution du 12 janvier 1992 ;
7. la non ingérence de l’extérieur dans les affaires intérieures du pays ;
8. la sauvegarde de l’honneur et de la dignité du Mali.
C’est pourquoi, nous prions le bon Dieu de nous guider dans le droit chemin, de préserver le Mali de Satan et de faire en sorte que son image ne soit jamais ternie.
Bamako, le 29 juillet 2006
Dr Almouzar Mohaly Maïga, président du Collectif des Ressortissants du Nord.
Président du Collectif des Ressortissants du Nord
07 août 2006.