« Une quinzaine d’insurgés ont regagné les rangs des forces armées »
Une semaine après les attaques perpétrée contres les camps militaires de Kidal, Tessalit et Ménaka – qui ont fait selon les sources militaires six morts – l’armée malienne a décidé de sortir de son mutisme. Le patron de la Direction de l’information et des relations publiques de l’Armée (DIRPA), le Colonel Abdoulaye Coulibaly, a brossé hier, devant la presse, au siège de sa structure, la situation sur le terrain.
Selon lui, l’armée malienne, qui maîtrise parfaitement la situation à Kidal et environs, ne s’est pas laissée entraîner dans le piège des rebelles. Ceux-ci pensaient que les forces régulières allaient réagir de façon aveugle contre les Touaregs et par conséquent pousser les autres intégrés à quitter ses rangs pour le maquis. Un scénario qui, à en croire, le chef de la DIRPA, n’a manifestement pas fonctionné.
La rébellion déclenchée dans la Nord -Mali à l’instigation du colonel Hassan Fagaga, rejoint un peu plus tard par Iya Ag Ghali, continue de susciter des remous tant au sein de l’opinion que de l’armée malienne.
Cette dernière, par souci de rassurer les esprits quant à la réaction de nos forces armées aux attaques du 23 mai et surtout de respecter les consignes présidentielles, a décidé de rompre le silence, à travers sa direction de l’information et des relations publiques.
Selon le Colonel Coulibaly, « actuellement on peut dire que l’armée malienne a totalement sécurisé la ville de Kidal et ses environs sans toucher aux cheveux de qui que ce soit« .
En effet, l’expliquera-t-il, l’armée n’est pas tombée dans le piège des assaillants qui s’attendaient à une réaction farouche des forces loyalistes en s’attaquant aux populations « blanches » et aux autres intégrés. Toute chose qui allait, à l’évidence, pousser les autres intégrés, à leur corps défendant, à quitter les rangs de l’armée pour regagner la maquis. Malheureusement pour les insurgés, ce scénario n’a pas marché.
Car, dira le conférencier, non seulement les renforts venus de Gao n’ont pas touché aux populations, ils n’ont pas, non plus, fait de représailles contre les autres intégrés qui ne sont pas allées du côté des assaillants. Quelques jours donc après les assauts contre les camps de Kidal et Tessalit et la désertion du Commandant de Ménaka, Bah Moussa, certains éléments Touaregs de l’armée malienne, qui étaient partis avec les rebelles ou qui avaient trouvé refuge dans les grottes sont retournés au bercail.
En effet, a déclaré le Colonel Coulibaly, sur la base des informations envoyées par le capitaine Diarrah Koné, correspondant de la direction de l’information à Gao et dépêché sur le terrain, « depuis le 27 mai, certains combattants rebelles regagnent les rangs de l’armée régulière. Si à Kidal, ils sont une dizaine, ils sont au nombre de cinq à regagner les rangs de nos forces armées, que ce soit à Tessalit, à Kidal et Tessalit« . « Nous avons été accueillis en amour, en frère et en ami. Je remercie mes frères d’armes pour leur compréhension, car nous avons déserté sous pression et par peur de représailles comme ce fut le cas en 1990 » aurait confié un insurgé, l’Adjudant-chef Moussa Ag Ousmane dit Garba au correspondant de presse de l’armée.
Fort de cette situation, le conférencier a déclaré « Nous au niveau des forces armées et de sécurité, contrairement à ce que certains pensaient, nous n’avons d’autres soucis que le retour de la paix sur cette partie de notre territoire. Nous avons entrepris la sensibilisation, tant au niveau des populations qui avaient commencé à quitter la ville et que des militaires qui avaient quitté nos rangs. Car ceux qui sont partis avaient peur de la réaction de l’armée, comme ce fut le cas en 1990. Mais, comme l’a dit le président de la République, nous n’allons pas faire l’amalgame entre cette minorité d’assaillants et les milliers d’intégrés qui continuent de travailler avec nous sur l’ensemble du territoire national. Certains intégrés s’étaient même réfugiés dans leur famille en ville pour se mettre à l’abri. Ils sont aujourd’hui avec nous et nous allons accueillir tous ceux qui sont dans cette situation« .
Selon le règlement militaire, tout cas de défection doit passer devant un conseil d’enquête qui propose au commandement des sanctions suivant la gravité des actes posés. Pour ce cas particulier, il s’agit des éléments partis sur la base de l’intoxication et de la peur.
L’armée malienne, rassure t-il, veillera sur la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire. « Nous continuerons à sensibiliser dans ce sens. Nous sommes une armée qui participe aux côtes des autres forces vives de la nation, au développement socio-économique du pays. Cet acte ne va pas nous distraire de cette mission fondamentale. Donc, nous demandons à chacun d’œuvrer dans ce sens. Ceux qui sont partis sont une minorité qui espérait sur une situation d’embrassement général » ajoutera le Colonel Coulibaly. Avant de préciser que c’est uniquement certains éléments du Mouvement populaire de l’Azawad (MPA) sous la houlette de quelques responsables -Iyad Ag Ghali et Hassan Fagaga- qui sont les auteurs de ces attaques.
Sinon, les autres intégrés continuent d’assumer leur mission au sein des forces armées et de l’administration publique. A preuve, de préciser le colonel Coulibaly, le Commandant de la zone militaire de Kidal est un intégré, qui avec beaucoup d’autres intégrés, continue d’assurer la sécurité de la ville et ses environs. Le patron de la DIRPA qui confirme bien que les assaillants ont emporté des armements, dresse un bilan de six personnes tuées lors des événements de 23 mai. Il s’agit de deux assaillants, d’un militaire et de trois civils.
Si Kidal est bien sécurisé, nous savons que les rebelles sont réfugiés dans les grottes de l’Adrar des Ifogas. Cette situation d’insécurité virtuelle va-t-elle continuer dans la zone ? Si le conférencier n’a pas daigné répondre à cette interrogation, tout laisse à croire que la décision d’un assaut contre les positions des rebelles appartient aux politiques de même que la question des négociations. Les forces armées sont aujourd’hui prêtes à matter la rébellion. Quant aux plus hautes autorités du pays, avec en tête le président de la République, chef suprême des armées, celles-ci ont pris les choses à la légère malgré les prémisses visibles depuis plusieurs mois. ATT a préféré une «gestion à l’amiable» oubliant qu’il fallait plutôt y joindre la «fermeté et la responsabilité» dès le debut.
De la désertion du colonel Hassan Fagaga à l’ouverture du consulat Libyen à Kidal en passant par les rencontres suspectes entre le Guide Mohamar Khadafi et les chefs Touaregs lors du Maouloud, on n’avait pas besoin d’être dans les services de renseignements pour savoir que quelque chose se tramait dans le Nord Mali.
Youssouf CAMARA
30 mai 2006.