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Interrogation de routine

Qu’évoquent pour vous des appellations ou dénominations telles que :

– L’Elysée ! Matignon ! Le Quai d’Orsay ! Bercy ! – en France ?
– La Maison Blanche ! – aux Etats-Unis ?
– Le Kremlin ! – en Russie ?
– Koulouba ! – au Mali ?
Vous le savez je n’en doute point !

Par contre savez-vous ce que ses dénominations ont de commun ?

Ce sont toutes des biens publics (lieu de résidences officielles, de services, de fonction ou d’astreinte des divers pays) désignées pour remplir des fonctions nationales précises quel que soit son locataire. Les verra t-on du jour au lendemain changer de destination, de destinataire ou d’existence ? Pas facilement si des dispositions légales les réglementent, souvenez-vous l’histoire de l’Olympia de Paris.

Quid du Mali

Au cours de nos enquêtes de terrain sur les propriétés immobilières et foncières nous avons constatés des dysfonctionnements dans la gestion du parc des bâtiments de l’état. Entre autres :
– L’ancien président Moussa Traoré a décidé d’emménager à Koulouba très tardivement, aussi bien en tant que Chef d’état que Président de la république (de 1968 à 1989).
– Lors de la transition au Mali (1991-1992), le Chef d’état du Mali Amadou Toumani Touré est resté à sa Base, qu’il a libérée tard, au profit de Koulouba le point F du Mali.
– M. Abdoulaye Sacko, lors de sa nomination, a rompu avec la tradition qui a voulu que les Gouverneurs occupent la maison du quartier de Dar es salam à Bamako.
– Messieurs Mandé Sidibé et Modibo Kéïta, successeurs de M. Ibrahim Boubacar Kéïta, n’ont pas jugé opportun d’occuper le logement de fonction restauré pour près d’un milliard sur budget de l’état.
– Des Hauts fonctionnaires ont boudé la cité ministérielle au profit de leur demeure pendant que d’autres n’ont pas libéré les logements officiels après avoir quitté la fonction.
– Depuis son élection M. Ibrahim Boubacar Kéïta privilégie sa résidence personnelle de Sébénikoro à celle de fonction occupée par son prédécesseur à la tête de l’assemblée nationale du Mali.
La liste est tellement longue que j’en passe !

Question

Est-ce qu’en toute souveraineté on doit décider d’occuper ou de libérer le bâtiment d’astreinte ?
Tout cela m’amène à penser que le problème du marché du ” Rail da ” trouvera son épilogue, le secteur privé prenant le pas sur celui étatique, la Chambre de commerce emménagera t-elle un jour Place la république et l’Assemblée nationale se trouvera un site et siège propres et adaptés à sa taille au quartier ACI 2000. Ce qui serait d’ailleurs logique, car le siège actuel de l’Assemblée offrira à la Chambre de commerce les avantages suivants :
– sa situation de porte d’entrée ou d’accès au centre commercial de Bamako ;
– sa surface et le nombre de ses locaux en rapport avec une Chambre de commerce ;
– un regroupement des services de cette institution combien utile dans le développement du pays.

Que faire

De telles dispositions nécessitent évidemment l’adoption par l’état des mesures législatives et réglementaires. Les bénéfices n’en seront qu’énormes, allant de la gestion efficiente du patrimoine immobilier et foncier de l’état à l’amorce d’un cadastre national en passant par la maîtrise des dépenses budgétaires de l’état, car n’ignorons pas qu’au Mali on adapte plutôt sa demeure à sa famille et à sa culture et pas l’inverse : ne vit-on pas en ville avec les habitudes du village. Surtout si cela passe par la casse de la tirelire de l’état et que je reste chez moi propriétaire des investissements de rénovation consentis par ce dernier.
Des mesures doivent être proposés pour l’inventaire et le classement du patrimoine de l’état. Ceci contribuera à atténuer de plus en plus les interventions intempestives et négatives sur une partie de ce fabuleux et immense trésor – patrimoine architectural que nous avons en partage avec la France.

Nécessité de le faire

En effet, dans le cadre du bon fonctionnement de tout pays, institutions ou services étatiques se doivent d’être abrités ou logés et cela de façon décente. Pour remplir ses obligations, l’état doit disposer d’un portefeuille important de bâtiments, afin de pourvoir dans certains cas au fonctionnaire son logement.
Et dans ce cas, jusqu’à quand peut-on rester dans un logement de fonction ? Est-on obligé de le libérer en cas de mutation ou en fin de fonction ? Existe-t-il une législation en la matière ? Voici de multiples questions qui ne manquent pas d’intérêt.

Et si l’on souriait un peu ?

Alors imaginez qu’un jour un Président de la république, en fin de mandat, refuse de libérer le palais, avec pour simple argument : ” Montrez moi un acte officiel portant affectation du palais de Koulouba à la fonction présidentielle ?”. Mon choix pouvait tomber sur n’importe quel autre bâtiment occupé par un fonctionnaire qui, en quittant la fonction refuse de libérer le logement. Cela vous fait sourire, je vois déjà !

Alors la question fondamentale à se poser est la suivante : Les bâtiments de l’état sont-ils affectés à des fonctions précises ? Existe-il des textes réglementaires qui les régissent ? Faut-il aller jusqu’au classement pour éviter les interventions intempestives pour des modifications selon que l’on soit célibataire, monogame ou polygame ?
Au Mali les réalisations abritant les services et les fonctionnaires datent pour la plupart de l’époque coloniale. A ce titre ce sont des ouvrages à considérer comme des patrimoines culturels.

Depuis qu’on en parle n’est-il pas temps de classer les bâtiments publics ?

Qu’est ce que le classement ?

La loi n° 85-40/AN-RM du 26 juillet 12985, relative à la protection du patrimoine, définit le classement comme ” l’acte par lequel l’Etat, par la voie de l’inscription des biens culturels dans un registre créé à cet effet, impose au propriétaire, détenteur ou occupant desdits biens des servitudes en grevant l’utilisation ou la disposition “.
Notre pays, signataire des textes régissant le patrimoine mondial, se doit d’harmoniser les siens avec afin de pouvoir prétendre à l’inscription de ses biens sur le patrimoine mondial. Ce qui voudra dire que pour tout classement nous devons nous inspirer de ces textes.

(à suivre)

N.B :

Pour la rédaction de cet article nous avons bénéficié du large concours de M. Téréba Togola, Archéologue, Directeur national du patrimoine culturel, que nous remercions.

09/02/2004

Cheich Abd El Kader, architecte
-abdelkader@afribone.net.ml