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Un duel sans répit, ni concession

C’est au terme d’une bataille de procédure, qui aura duré cinq longues heures sur la question de savoir si l’interpellation du ministre de la Jeunesse et des Sports était légale au cours d’une session extraordinaire, que s’engagera enfin le duel opposant le jeune député, Me Demba Traoré (CNID) à Natié Pléah, autour du très controversé partenariat noué entre la Femafoot et Ikatel. Les passe-d’armes qui ont suivi, sur un ton souvent vif, n’ont fait ni vainqueur ni vaincu. L’interpellation aura eu toutefois le mérite d’avoir sorti le débat d’une sorte de semi clandestinité pour le porter sur la place publique, au devant de toute la nation.

Depuis vendredi dernier, nous avions annoncé que le ministre en charge des Sports, Natié Pléah, serait devant les députés le lundi 16 janvier. Eh bien ! L’interpellation a eu lieu. Non sans peine puisque la légalité de celle-ci, sur laquelle nous nous sommes interrogés dans notre parution d’hier, a pris une large part dans les débats.

C’est d’abord le député Mamourou Bouaré du MPR qui a contesté les « questions orales » mises à l’ordre du jour de la séance plénière, arguant que la session en cours est extraordinaire et ne peut connaître que l’ordre du jour pour lequel elle a été convoquée.

Aussi a-t-il rappelé l’alinéa premier de l’article 66 de la Constitution, ainsi libellé : « L’Assemblée Nationale se réunit en session extraordinaire à la demande du Premier ministre ou de la majorité de ses membres sur un ordre du jour déterminé ».

Il sera soutenu par Yacouba N’Daou qui, en plus de cet argumentaire, a laissé entendre que les principes sont allègrement violés à l’hémicycle. Et pour preuve : son collègue Yacouba Bagayogo avait adressé des questions orales au ministre Choguel Maïga, bien avant celles du jeune et bouillant député Cnid à Natié Pléah.

Malgré tout, les questions orales de Me Demba Traoré ont été programmées et celles de Bagayogo renvoyées à la session d’Avril.
Le premier vice-président, Me Mountaga Tall, est monté au créneau pour soutenir «qu’il n’y a pas de violation de la Constitution et que le contrôle de l’action gouvernementale peut s’exercer à tout moment».

Ensuite, il a affirmé que les questions orales au ministre de l’Industrie et du Commerce avaient bel et bien été programmées mais que ce dernier était en Hong Kong et l’interpellateur avait dit qu’il attendait le retour de Choguel. « C’est ainsi que la conférence des présidents a renvoyé les questions orales de Bagayogo à la prochaine session », a déclaré Me Tall.

Les interventions se sont succédées et, finalement, une suspension est intervenue. Conséquence : la conférence des présidents s’est réunie et a jugé nécessaire de maintenir la séance d’interpellation, étant donné qu’elle est conforme à la Constitution.

Des députés ont dénoncé cette décision et Me Harouna Kéïta du RPM n’a pas manqué de parler de violation de procédure puisque, selon lui, il ne revient pas à la conférence des présidents de trancher cette question posée en plénière.

Même son de cloche chez Adama Goita du groupe parlementaire LJS. Il sera suivi par Mamourou Bouaré du MPR qui a transformé sa première intervention en motion préjudicielle. Elle a été tranchée après un débat : un orateur pour – Moumourou Bouaré – ; un orateur contre – Me Kassoum Tapo -.

Le vote a donné le résultat suivant : 61 députés favorables contre 48 et 1 abstention. Mécontent de cette tendance, le groupe LJS claque la porte pour ne pas assister au duel Natié Pléah – Me Demba Traoré.

Finalement, c’est en début d’après-midi que le président IBK a donné la parole à Me Demba Traoré pour ses questions. Celles-ci étaient au nombre de huit : Est-ce à dire qu’une crise se profile à l’horizon ? Quelle est selon vous la valeur juridique du contrat passé entre Malifoot et Ikatel ? Engage t-il l’Etat malien ? Est-ce que la fédération était obligée d’associer votre département à la conclusion de ce contrat ? Si oui, quelles peuvent être les conséquences d’un tel acte ? Si non, pourquoi ce blocage de votre département ? Pouvez-vous m’expliquer le contenu de la délégation de pouvoir faites aux fédérations tout en précisant les limites fixées à ces dernières ? Est-ce que vous pensez que ce « bras de fer » entre la fédération et votre département est profitable au football malien ? Quelle est, aujourd’hui, la situation réelle du contrat signé avec Malamine Koné ? Depuis votre arrivée à la tête du département quels sont les actes posés par vos soins pour que notre football aille de l’avant ? Est-ce que je peux connaître les premiers résultats ?

Un malentendu et non une crise

Natié Pléah a répondu avec franchise et honnêteté à ces interrogations.

D’entrée de jeu, il a déclaré qu’aucune crise ne se profile à l’horizon et qu’il y a simplement un malentendu surmontable pourvu que Femafoot adopte une nouvelle attitude et un nouveau comportement.

Ensuite, il dira qu’il ne pourra pas se prononcer pour l’instant sur la valeur juridique du contrat que la Femafoot a signé avec Ikatel dans la mesure où il n’ a reçu le document que le 12 janvier dernier. « Mes services sont en train d’examiner le contrat. Mais je dois vous dire que la Fédération avait déjà signé deux contrats d’exclusivité avec Malamine Koné : sponsoring et conseiller spécial» a t-il souligné.

Quant à la troisième question, il persiste et signe que la Fédération est obligée d’associer son département à la signature de ce contrat. Pour la question suivante, il expliquera que Salif Kéïta et ses collègues ont arrêté le championnat pour simplement sauver le contrat qu’ils ont signé avec Ikatel.

« Je ne suis pas concerné par les conséquences d’un contrat dont j’ignore les tenants et les aboutissants. C’est pourquoi, nous nous sommes opposés aux pancartes d’Ikatel dans nos stades parce que cela obéit également à des règles », a relevé Natié Pléah.

En outre, il estime qu’il n’y a aucun bras de fer entre son département et la Femafoot. Il accuse cependant cette dernière «d’arrêter tout contact avec le département». De même, il n’a pas apprécié le fait que l’équipe que dirige Salif Kéïta ait boudé la présentation des vœux au niveau du ministère.

Le jeune député Me Demba Traoré est revenu à la charge avec force pour demander au ministre pourquoi, il ne va pas vers la Fédération. Natié Pléah a gardé un calme olympien en déclarant : « Je ne cours pas derrière la Fédération. Ça je ne peux pas le faire. Je ne cours pas derrière quelqu’un qui refuse de reconnaître son Etat. J’ai en charge la responsabilité d’affirmer l’autorité de l’Etat ».

Me Demba Traoré, avec la fougue de la jeunesse réplique et demande à son interlocuteur pourquoi laisse t-il la situation se dégrader ? Pléah réagit : « nous ne laisserons jamais pourrir cette situation, une situation de crise imaginaire pour focaliser l’attention de l’opinion publique sur mon département sinon rien ne justifie l’arrêt du championnat national ».

Comme solution de sortie de crise, Natié Pléah a estimé toutefois qu’on peut ne pas en arriver à ce pourrissement puisqu’une solution de sortie existe à ce qu’il considère non pas comme une crise mais un malentendu. Elle réside dans la «réformation» des contrats signés entre le promoteur Malamine Koné et la FEMAFOOT.

Cette réformation pouvant se faire pour l’un des contrats devant le tribunal de commerce de Paris et l’autre devant les juridictions maliennes.

Concernant le contrat FEMAFOOT-IKATEL, à l’origine de la polémique actuelle, Natié Pléah a relevé qu’il est susceptible d’être révisé, voire simplement annulé.

La séance était vivace et l’interpellation a permis de briser le grand mutisme bâti autour du partenariat Femafoot-Ikatel.

Chahana TAKIOU

17 janvier 2006.