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jpg_une-14.jpgDans notre pays la notion de femme libre est très peu développée. Elle fait cependant l’objet d’une attention particulière de la part de certaines ONG en charge de lutter contre le VIH comme par exemple les prostituées. La notion de femmes libres faits également référence à la veuve, à la fille célibataire, à la femme divorcée et aussi à la prostituée.

Le présent article traite des souffrances et d’humiliations que notre société fait subir à cette catégorie de femmes, en l’absence d’une loi qui les protége. Elles sont divorcées, abandonnées par leurs maris après une dizaine d’années de vie commune. Elles avaient espéré que, seulement la mort peut les séparer de leur époux. Celles décédées avant leurs maris ont été enterrées, avec dignité. Par contre, celles dont le mari est «parti» le premier meurent le plus souvent dans l’anonymat. D’ailleurs, elles sont souvent expulsées par les beaux parents après le quarantième jours du décès de leur mari.

Les veuves:

Elles sont présentent dans chaque coins et recoins de Bamako. Leur quartier général, le rond point du grand hôtel. Elles passent toute la journée ici à quémander leur pitance aux passants.

Ces veuves, qui dérangent la circulation routière ont eu pourtant, pour certaines d’entre elles, un passé très glorieux. Celles qui viendront s’ajouter à ce lot de malheur sont nos cousines, nos nièces, nos sœurs, en tout cas des maliennes. Qui y a-t-il de pire dans nos sociétés que de condamner quelqu’un, surtout une femme, à aller chercher sa pitance au bord de la rue ?

Même le législateur malien ne semble pas trop se soucier de ce qui adviendrait d’une femme ayant perdu son mari. Au Mali le législateur a prévu deux formes de gestions des biens de la famille: le bien commun et le bien séparé.

Le bien commun est le régime que choisi une minorité de couples maliens. Il prévoit qu’après le décès de l’un des conjoints ou encore en cas de divorce, les biens accumulés pendant la période de vie commune sont partagés entre les conjoints ou reviendraient automatiquement au conjoint resté en vie. C’est tout à fait le contraire quand il s’agit du bien séparé.

Que la nouvelle mariée soit trop jeune pour comprendre les conséquences de cette décision, ces parents doivent au moins pouvoir défendre les intérêts futurs de leurs filles. A moins que toute la nation malienne ne soit contre les femmes maliennes, y compris les femmes elles-mêmes.

Le plus grave dans tout ça est que le mari est en mesure d’interdire à sa femme d’exercer un métier ou encore de tenir un commerce comme le lui autorise le code de la famille. Pourtant nombre d’entre elles contribuent indirectement à la promotion de leur mari en participant vaille que vaille au prix de condiment de misère et ce sur une longue période de leur vie.

Cette femme à laquelle on a interdit toutes activités pendant vingt ans est celle qui se retrouve seule, veuve ; pourchassée comme une malpropre par les parents du défunt mari. Le législateur malien est vivement interpellé.

Témoignage

Hawa, femme de petite taille, autrefois claire mais aujourd’hui de tient noir, est très bien connue à Djicoroni Para un quartier de Bamako.

Femme courageuse, elle a été abandonnée après six maternités par son mari parti chercher fortune en Coté d’Ivoire. Pendant dix longues années, elle prendra en charge ces propres besoins et ceux des enfants en travaillant comme lavandière pour les femmes du quartier. Quand elle appris que son mari pauvre, était malade à San Pedro dans le sud de la Cote d’ivoire, elle le fera revenir pour le soigner. Guéri, son mari ouvre un magasin de vente des céréales. C’est après trois bonnes années de labeur que le couple déménage chez lui à Kalanbanbougou.

Cependant, leur bonheur fut de courte durée, puisque le mari devait mourir un an après. C’est après la mort de son mari que le calvaire de Hawa commença. Avant le quarantième jour, elle était déjà convoitée par le cousin, le petit frère et même l’ami du défunt mari.

Elle refusa tout ce beau monde, sous le prétexte de vouloir rester à coté de ces enfants. N’est-ce pas qu’elle a vécu dix ans sans un homme. C’est justement après cette décision courageuse que toute la famille, les amis du défunt mari montèrent une cabale contre elle.

Elle sera expulsée de la maison par voie d’huissier. Dire que cette maison avait été construite grâce à son apport d’argent. Cette Hawa dont l’histoire est bien connue au rond point du grand hôtel est aujourd’hui une leader des veuves mendiantes de cette place.

L’exemple de Hawa, n’est qu’une goutte d’eau dans un océan.

Le cas de Mariam sort de l’ordinaire. Après le décès de son mari, elle se retrouve avec ses belles-sœurs, elles aussi des femmes libres puisqu’elles n’ont jamais été mariées. A la différence de Mariam qui a fait trois maternités, le chef de file des belles-sœurs aurait sur son compteur, aux dires des voisins, cinq maternités de pères différents et le plus souvent non reconnus par leurs géniteurs.

Ainsi, chaque jour que Dieu fait est mis à profit pour martyriser la pauvre veuve et ses enfants sans défense dans le but de la mettre dans la rue.

Jusqu’à quand cette veuve pourra t-elle résister ? Là aussi, le législateur peut amener un changement.

Dans notre prochaine livraison : « Les femmes divorcées » !

Ladji Siaka Doumbia

L’Observateur du 11 septembre 2008