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Hier, place de la République, les élus de la nation ont interpellé le gouvernement sur la crise née des subprimes aux États Unis et qui s’est progressivement étendue à l’Europe et à l’Asie, sur les conséquences possibles sur l’Afrique donc sur le Mali et sur les moyens d’y faire face.

Le ministre des finances Abou-Bakar Traoré et son collègue de l’Économie de l’Industrie et du Commerce, Ahmadou Abdoulaye Diallo, étaient face aux députes pour la circonstance.

La commission des Finances, de l’économie, du plan et de la promotion du secteur privé a produit un rapport introductif sur la crise financière et ses différentes. Puis les deux ministres ont successivement présenté un exposé liminaire sur la crise, son impact sur notre pays et ce que celui-ci fait pour se protéger.

Les députés ont ensuite posé des questions propres à approfondir leur compréhension de la situation.

Effet boule de neige

Dans son rapport, la commission des Finances, de l’économie, du plan et de la promotion du secteur privé a rappelé que la crise est née de prêts hypothécaires à risque accordés par les banques américaines à des bénéficiaires qui se sont avérés insolvables. Le rapport aborde ensuite les effets de cette crise sur les économies aux plans mondial, sous régional et national.

L’amplification de la crise, rappelle la commission, est liée du fait que nombre de banques présentes sur le marché des finances structurées ont réalisé, à partir des crédits consentis et des hypothèques reçues, des montages complexes de produits de titrisation auxquels ont souscrit des fonds spéculatifs à partir de ressources empruntées auprès des mêmes banques initiatrices de ces opérations.

Le relèvement des taux aux États Unis a créé une situation où les fonds d’investissement ne pouvaient plus encaisser les remboursements d’obligations sécurisées souscrites. L’enchaînement des défaillances a produit un effet boule de neige largement amplifié par les réactions des investisseurs sur les marchés financiers. La contagion à l’échelle mondiale s’explique par l’interconnexion des économies.

Au Mali, comme dans toute l’UEMOA, les banques ne sont pas engagées dans des opérations portant sur les produits financiers à risques. Il faut cependant comprendre qu’une crise durable qui affecte les partenaires du Mali ne peut pas ne pas avoir un impact sur notre économie.

Ainsi la baisse de la demande mondiale entraînera un repli de nos exportations et un recul de leurs prix. Un autre risque est lié aux difficultés d’accès au crédit des investisseurs auprès de leurs banques et un reflux des investissements étrangers, analyse le rapport.

« En définitive, la baisse de la demande mondiale se traduira nécessairement par la contraction de nos recettes exportation, par une diminution des rapatriements de fonds des immigrants et par un ralentissement de l’activité touristique, le pouvoir d’achat des ménages en Occident étant déjà profondément affecté par la crise », y lit-on.


Cellule de veille

Les recettes d’exportation sont passées de 730,5 milliards en 2007 à 742,9 milliards en 2008, les transferts des migrants de 140,4 milliards F CFA à 137,6 milliards durant la même période.

Dans son exposé liminaire, le ministre des Finances est aussi revenu sur les origines de la crise avant d’insister les dispositions prises ou à prendre pour en juguler les conséquences.

Outre les mesures du ressort des autorités monétaires de la BCEAO, Abou-Bakar Traoré a rappelé les dispositions au niveau de l’État avec la mise sur pied d’une cellule de veille par le Premier ministre. Il a toutefois estimé faibles les effets directs et immédiats de la crise sur le système bancaire et financier du Mali et de l’UEMOA.

Des conséquences à moyen terme sont cependant à redouter comme les effets du ralentissement de la croissance économique mondiale, les difficultés de la filière coton….

Quant, au ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Commerce, il a analysé le développement de la crise financière, sa transformation en crise économique, les incidences de cette récession économique sur l’économie malienne (l’économie réelle, l’inflation, les comptes extérieurs, les banques les finances publiques…) et les réponses du gouvernement à cette récession.

Parmi ces réponses, Ahmadou Abdoulaye Diallo cite la poursuite de l’opérationnalisation de notre stratégie de croissance accéléré, basée sur trois axes (réalisation massive d’infrastructures, développement de l’entreprenariat privé dans l’agriculture, les mines et les services, soutien aux secteurs sociaux de base) et la mise en œuvre de la stratégie de développement de la micro finance et de son plan d’actions 2008-2009.

D’autres mesures ont trait à la redynamisation du projet d’appui aux commerçants détaillants, au financement accru de l’économie par les banques et établissements financiers. Il a aussi cité la reconduction de l’Initiative riz et l’accélération du processus de création de 4 entreprises structurantes.

Importantes économie de devises

Il s’agit en premier lieu de la cimenterie de Diamou dont la convention d’établissement devrait être signée avant la fin de l’année pour permettre, dans trois ans, à notre pays d’être autosuffisant en ciment. Aujourd’hui nous importons 900.000 tonnes de ciment pour un coût de 130,5 milliards.

Une fois mené à terme, ce projet permettra de nous approvisionner à 80.000 F la tonne. La cimenterie qui coûtera 66 milliards offrira un millier d’emplois.
La seconde entreprise structurante est la réhabilitation de la société d’exploitation des phosphates du Tilemsi.

Ici les investissements de 12 milliards fourniront au final entre 1000 et 1500 emplois et permettront de réduire significativement nos importations d’engrais.

Il y a aussi le projet sucrier de Markala : 158,5 milliards d’investissements, une production de 140 000 tonnes de sucre, création de 7.200 emplois.

Enfin le projet Sukala, avec 75 milliards d’investissement produira 104 000 T de sucre par an, créera 700 emplois avec une contribution de près de 2,5 milliards par an au budget.

« La réalisation de ces 4 projets structurants changera la structure de notre balance des paiements en ce sens que nous ferons d’importantes économies de devises du fait que nous n’importerons plus de ciment, ni de sucre et que nos importations d’engrais diminueront fortement », a résumé le ministre en soulignant que toutes les mesures prises par le gouvernement trouvent leur source dans le PDES.

Après cette première séquence d’exposés, les députés se sont succédé à la tribune. Leurs questions ont porté sur les risques d’arrêt des subventions, des aides publiques et des exonérations, la stabilité de notre système financier. D’autres interrogations ont été formulées sur la baisse des cours du pétrole, la dette intérieure, les privatisations.
Nous reviendrons sur cette partie de l’interpellation dans nos prochaines éditions.


A. LAM

28 Novembre 2008