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Le Mali fait partie de 14 pays africains concernés par cette mesure d’annulation de la dette. Ainsi, ce sont 1042 milliards de francs cfa qui sont annulés pour le Mali dont 42 milliards pour la seule année 2005. Cette annulation est relative à la dette multilatérale que les pays concernés doivent aux institutions financières comme le FMI, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement.

Selon les informations disponibles, cette annulation de la dette est accordée aux pays pauvres qui se sont distingués par des améliorations substantielles dans le cadre de la gestion des affaires publiques, de la tenue de la bonne gouvernance démocratique qui sous-tend des efforts remarquables tant dans la gestion de la situation politique que dans celle des finances publiques et budgétaires. Cela conforte beaucoup le pouvoir actuel qui, malgré les multiples adversités, est en train de faire de son mieux pour renforcer la gouvernance démocratique.

QUELLES RETOMBEES SUR L’ECONOMIE ?

Il semble qu’à ce niveau il existe encore quelques imprécisions. Mais d’ores et déjà, ce que l’on peut retenir, c’est que les pays bénéficiaires de la mesure d’annulation de la dette ont désormais le fardeau allégé pour ce qui est de la dette multilatérale avec les trois institutions financières : Banque Mondiale, Fonds Monétaire International et Banque Africaine de développement. Cela signifie que l’Etat malien doit beaucoup moins à partir de cette mesure à ces bailleurs de fonds. Ce qui constitue des avantages économiques certains, en terme de réaffectation des sommes dues dans des secteurs prioritaires de développement comme l’éducation, la santé, l’agriculture entre autres.

Du moins, c’est à cette hypothèse que beaucoup de Maliens pensent en ce moment. Mais peut-on dire que tout sera rose pour notre pays, les autorités et les populations à partir de cette annulation de la dette ? Sûrement pas car, le problème fondamental auquel se bute notre économie est relatif au financement des investissements. Il demeure entier quand on sait que la commission du G8 qui a décidé de l’annulation de la dette a été dissociée de celle qui travaille sur les questions relatives à l’amélioration substantielle de l’aide publique au développement. Cette question reste pendante, mais, dans tous les cas, il est attendu par les autorités de nos pays une augmentation de l’aide publique au développement, à défaut de son doublement par les pays du G8.

L’augmentation de l’aide publique au développement est vivement sollicitée par nos pays pauvres qui ont des charges de plus en plus nombreuses et élevées en raison de la très forte demande sociale et de l’impérieuse nécessité d’investissement en faveur du développement socio-économique harmonieux et durable. Toutes choses qui sont indispensables à l’étape actuelle du processus démocratique pour la consolidation de la paix sociale et de la stabilité politique.

Lorsqu’on se réfère aux propos du ministre de l’Economie et des finances Abou Bakar Traoré et aux informations disponibles à ce département, on se rend compte qu’il faudra encore attendre un peu pour être suffisamment imprégné des retombées de cette mesure d’annulation de la dette sur l’économie nationale.

En effet, même du côté du ministère de l’Economie et des finances, au moment où nous mettions sous presse cette information, on était en train de multiplier les contacts pour recueillir suffisamment d’informations fiables auprès des institutions financières relatives à l’annulation de la dette multilatérale, à ses impacts sur notre économie, de même que la part annulée en fonction des différentes institutions financières. Dans tous les cas, conformément à l’adage qui dit « qui paie ses dettes s’enrichit », on comprend que cette annulation représente une aubaine pour les pays bénéficiaires.

Moussa SOW

A PROPOS DE L’ANNULATION DE LA DETTE DES PAYS PAUVRES

« Tant que le commerce n’est pas juste et équitable, les pays africains ne s’en sortiront jamais », a dit la présidente de Jubilé 2000

Le groupe des pays les plus riches du monde avec à leur tête les Etats-Unis d’Amérique et la Grande-Bretagne appelé <> vient de décider de l’annulation pure et simple de la dette des 18 pays qui comptent parmi les plus pauvres du monde dont le Mali et 13 autres pays africains. Par rapport à cette décision importante que d’aucuns qualifient d’”historique”, nous avons rencontré à chaud la présidente de la Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement (CAD-Mali) ex-Jubilé 2000, Mme Barry Aminata Touré.

Dans l’interview qu’elle nous a accordée au siège du CAD-Mali sis à Djélibougou, elle nous parle de la portée de cette décision, des actions menées par Jubilée 2000 dans ce sens, du commerce mondial, des subventions des pays développés à leurs agriculteurs, des mesures qui doivent accompagner cette décision…

Nouvel Horizon : Quel commentaire faites-vous par rapport à la décision des pays du G8 d’annuler 100% de la dette de 18 pays, comptant parmi les plus pauvres du monde dont le Mali ?

Mme Barry Aminata Touré : Cette décision est la bienvenue et nous réconforte d’ailleurs dans notre lutte. Vous savez, Jubilé 2000 n’a de raison d’existence que le combat de l’annulation totale et sans condition de la dette des pays du tiers-monde. Mais nous pensons qu’ils peuvent mieux faire ; la dette est un fardeau.
Au lieu de rembourser illégalement des dettes injustement contractées ; ces sommes pourraient servir à autre chose. L’annulation ainsi décidée, donnera quand même un souffle nouveau aux budgets de nos Etats.

Nouvel Horizon : En tant que présidente d’un groupe de pression à savoir Jubilé 2000 devenu Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement (CAD-Mali) les questions de dette vous ont toujours intéressés. Quel a été le rôle joué par votre mouvement dans ce combat de l’annulation de la dette ?

Mme Barry Aminata Touré : Jubilé 2000 a été créé pour l’annulation totale et inconditionnelle de la dette des pays du Tiers-Monde. Dans ce sens, nous avons fait beaucoup de recherches, nous avons informé et sensibilisé l’opinion publique dans ce sens. Nous sommes également parvenus à organiser un séminaire à l’intention des députés. Nous sommes membres de plusieurs réseaux qui luttent pour l’annulation de la dette dont Jubilé Sud International, le Réseau Sous-Régional Ouest Africain pour les Alternatives Dettes et Développement. Nous sommes également intéressés par l’AGOA. L’Accord de Cotonou. Jubilé 2000 est l’initiateur du forum des peuples qui est à sa 4è édition.

Nouvel Horizon : Quelles peuvent être les portées d’une décision d’annulation de la dette des pays du Tiers-Monde ?

Mme Barry Aminata Touré : La décision d’annuler à 100% la dette des pays les plus pauvres par les plus riches n’est qu’une réaction à leur propre promesse.
Depuis 1999, les pays les plus riches n’ont fait que des promesses. Mais ce que je veux dire, il faut être prudent, ces gens-là sont très malins. Quand ils donnent par la main droite, ils retirent par la main gauche. Tant que le commerce n’est pas juste et équitable, les pays africains ne s’en sortiront jamais. Ils subventionnent leurs agriculteurs et ils fixent à vil prix, le prix de nos matières premières.

Nouvel Horizon : Si vous me permettez l’expression, on peut dire que l’annulation du service de la dette du Mali avec d’autres pays est un acquis. Pensez-vous que cela est insuffisant et qu’il faut des mesures d’accompagnement ?

Mme Barry Aminata Touré : Oui bien sûr, la décision d’annulation est un acquis, s’il y a acquis, mais elle est très insuffisante. Ces pays qui se disent riches subventionnent leurs agriculteurs et en même temps, ils empêchent les dirigeants des pays du Tiers-Monde de subventionner leurs agriculteurs ; mieux, beaucoup de nos services qui aidaient nos agriculteurs ont été fermés sur décision de ces mêmes pays qui se disent “riches”. C’est grâce à notre pression qu’il y a eu cette annulation. Pour le moment, c’est une déclaration d’intention ; il faut qu’on voie d’abord cette annulation décidée par le Premier ministre Britannique Tonny Blair et Washington.

Nouvel Horizon : C’est aussi une décision de la France ?

Mme Barry : Non, l’initiative n’est pas française, c’est une décision unilatérale de Londres après avoir consulté Washington. La France quant à elle avait demandé une taxation sur les transactions financières ; des taxations sur les vols des compagnies aériennes pour éponger le service de la dette.

Nouvel Horizon : A votre avis, quelles peuvent être les mesures d’accompagnement de la décision des pays du G8 ?

Mme Barry : Ce dont les pays pauvres et pourtant producteurs des matières premières ont le plus besoin, c’est le commerce équitable et juste entre le Sud et le Nord. Il faut également un dédoublement, une augmentation non conditionnée de l’aide publique au développement ; le rapatriement des biens volés de nos Etats. Que les pays riches acceptent que les pays pauvres protègent leurs économies et leurs frontières… Voilà quelques mesures d’accompagnement.

Nouvel Horizon : Votre mot de la fin ?

Mme Barry : S’il est admis que le Mali est un bon élève du FMI et de la Banque Mondiale, c’est parce que nous acceptons tout ce qu’ils nous demandent. De toute façon nous, nous allons continuer à mettre la pression.
Interview réalisée par

Daba Balla KEITA

14 juin 2005