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En dépit de ses avantages apparents, le rattachement d’un pays à la zone franc et à l’une des deux unions monétaires fait naître, même s’il est déficitaire, toute une série de problèmes.

En principe, chaque pays a une banque centrale qui émet sa propre monnaie légale. A lui de «se débrouiller» pour assurer au mieux la gestion de cette monnaie selon ses objectifs et ses contraintes.
En Afrique, 30 banques centrales ont été fondées mais deux d’entre elles ont un caractère multinational. Autrement dit, elles émettent la même monnaie légale pour plusieurs pays : le franc CFA (Colonies françaises d’Afrique).

Il s’agit de la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et de la BEAC (Banque des Etats de l’Afrique centrale).
La plupart des pays africains ont des monnaies inconvertibles. Autrement dit, ces monnaies sont seulement à usage interne. Personne ne peut les échanger contre des devises.

En conséquence, ces pays ne peuvent acheter des marchandises à l’étranger que dans la mesure où le produit de leurs exportations, en devises, le leur permet. Si leurs exportations sont insuffisantes, ils sont dans l’obligation :

1 -soit de s’endetter ;
2 -soit de réduire leur importation (… si c’est possible), finalement, pour un certain nombre d’entre eux (les plus pauvres !), le fait d’avoir une monnaie et indépendante ne changerait pas grand-chose. Le prix d’une monnaie convertible, dans le monde capitaliste, se détermine à peu près comme le prix des poulets, c’est à dire, selon l’offre et la demande. Ce prix, exprimé en unité des autres monnaies convertibles, porte le nom de taux de change.
Exemple : 1 Euro = 655 F CFA.

La balance des paiements détermine le solde des entrées et des sorties des devises introduites par les opérations d’importations et d’exportations des biens et de services et par les transferts des capitaux.

Exemple : j’importe des U.S.A pour 200.000 dollars de marchandises. J’achèterai ces dollars contre des francs CFA auprès de ma banque. Je manifeste ainsi une demande de dollars (et une offre de CFA).
J’exporte des chaussures aux U.S.A pour 500.000 dollars, je convertirai ces dollars en franc CFA auprès de ma banque qui, en contrepartie, va donc créer des C.FA, je manifeste ainsi une offre de dollars et une demande de C.F.A).

Si la balance des paiements d’un pays est durablement déficitaire, ce qui est justement le cas des pays les plus pauvres, et que ces pays possèdent une monnaie convertible et indépendante, le prix de sa monnaie exprimé dans les autres monnaies va s’effondrer. En effet, l’offre de monnaie nationale est toujours supérieure à sa demande.
A la différence des pays à monnaie inconvertible, les pays de l’Union monétaire ouest africaine (U.M.O.A) et ceux qui relèvent de la BEAC appartiennent à la zone franc.

Cette appartenance à deux implications majeures, qui de prime abord, semblent très avantageuses :
3 – cette monnaie est librement convertible en franc français ;
4 -ces pays bénéficient de la garantie monétaire de la France.


Qu’est ce que cela signifie ?

S’il y a libre convertibilité, n’importe qui à l’intérieur de la zone, peut changer sans aucune limite, et à taux de change de fixe 5 F CFA et 5euros, des francs CFA contre des francs euros et vice versa.
Exemple : une entreprise étrangère qui possède une filiale dans un pays de la zone, peut rapatrier, sans restriction, tout ou une partie de son bénéfice après impôt…

Le commerçant de la zone peut transférer des fonds en France et finalement en Europe en toute liberté.


Qu’est ce que la garantie monétaire ?

Les pays de (l’U.M.O.A), et ceux qui relèvent de la (B.E.A.C) mettent en commun leurs avoirs en devises et ces devises sont gérées par le trésor français dans un compte spécial qui porte le nom de «compte d’opération».

Exemple : la Côte d’Ivoire vend du café à la Suisse, en contre partie, elle reçoit des francs Suisse ; le Sénégal vend de l’arachide à la Grande Bretagne, il reçoit des Livre sterling.

Les produits de ces ventes en devises sont transformés en franc français et gérés par le trésor français. Il est très puissant, c’est le trésor français qui applique à l’Afrique zone CFA les politiques de la Banque mondiale.

Autrement dit, les pays de l’UMOA fonctionnent du point de vue de leurs réserves en devises, comme s’ils constituaient un seul pays. Même chose pour les pays de la B.E.A.C.

Maintenant ce compte en devise peut-être globalement excédentaire ou déficitaire. C’est là qu’intervient théoriquement la garantie monétaire de la France. En effet, si le compte d’opération est déficitaire, la France s’engage à l’approvisionnement autant qu’il en est besoin pour couvrir le déficit.

Tout se passe en théorie, comme si la France s’engagerait à payer sans limite les dettes que les partenaires pourraient contracter à l’extérieur ! Mais, jusqu’à présent, cette garantie n’a jamais eu «l’occasion» de s’exercer concrètement. En effet, les excédents des uns ont toujours compensé le déficit des autres.

Ainsi toujours que le compte d’opération demeure excédentaire, la France se trouve donc dans une situation avantageuse, puisqu’elle peut utiliser à son gré, l’excédent de devises.


Y rester ou en sortir ?

En dépit de ses avantages apparents, le rattachement d’un pays à la zone franc, et à l’une des deux unions monétaires fait naître, même s’il est déficitaire, toute une série de problème…
La libre convertibilité à l’intérieur de la zone facilite l’évasion des capitaux… vers l’étranger et l’épargne locale s’en trouve réduite d’autant.

A l’époque, où les banques centrales pratiquaient des taux d’intérêts extrêmement bas, la tentation était grande d’emprunter sur place, pour placer à taux d’intérêt beaucoup plus élevé en Europe, et d’empocher la différence.

Aujourd’hui, cette incitation a disparu dans la mesure où la B.C.E.A.O et la B.E.A.C pratiquent des taux d’intérêt ajustés aux taux mondiaux. Il est néanmoins probable que certains trouvent toujours avantageux d’approvisionner un compte en Suisse… ou ailleurs !
Au sein de chacune des unions, chaque banque centrale pratique la même politique monétaire (c’est-à-dire la même gestion de la monnaie). Or les Etats peuvent connaître des conditions de développement différentes qui peuvent exiger des politiques monétaires elles aussi différentes.

Exemple : le Mali qui a une balance des paiements déficitaires connaît une hémorragie de monnaie centrale (en effet directement ou indirectement toute sortie de devises entraîne une destruction de monnaie).

La Côte d’Ivoire connaît généralement une situation inverse. De même, l’uniformité et la fixité des taux de change franc euro/franc CFA peuvent constituer un obstacle au développement de certains pays.
Supposons, par exemple, que le franc euro se «déprécie» par rapport au dollar : le franc CFA va connaître le même sort.
(A suivre)

Philippe Engel hard

23 Septembre 2008