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Il n’y a pas rébellion au Mali. Une rébellion suppose et implique une insurrection armée contre l’ordre établi ou tout au moins, un début d’insurrection. Il n’y a rien de tel dans le Nord-Mali. Aucune action, si petite soit-elle, n’a été entreprise contre la sécurité publique. Ni même contre la vie ou les biens de qui que ce soit. Il y a tout simplement qu’un ex-officier de la Garde Nationale, le Lieutenant-Colonel Hassan Fagaga, qui ne doit d’ailleurs son galon qu’à la vague d’intégration dont ont bénéficié les ex-combattants touaregs à la fin de l’irrédentisme des années 90, a déserté l’armée depuis 18 mois. Et, à la faveur de l’ouverture d’un consulat libyen à Kidal, il est sorti de sa semi-clandestinité pour manifester son mécontentement devant ce qu’il considère comme les faveurs de l’Administration à la fraction des Ifogass, présentée comme rivale à sa propre fraction, celle des Ifirgoumissan. Il s’agit donc, au pire, d’une querelle interethnique qui, si elle requiert l’arbitrage de l’Etat à certains égards, n’autorise pas, loin s’en faut, l’utilisation du mot «rébellion». Celui-ci paraît, en la matière, inadéquat et hors de proportion.

Dans le Nord du Mali, notamment à Kidal, et plus précisément à Tin-Essako, il y a un malaise entre deux fractions touareg : les Ifogass et les Ifirgoumissan. La rivalité entre celles – ci date de plusieurs décennies. Mais, elle a pris des proportions inquiétantes lors des législatives de 2002, dans la circonscription électorale de Tin-Essako.

Et pour cause : l’ADEMA avait pour candidat Mohamed Ag Intallah, fils du patriarche Ag Intallah évacué récemment à Angers(France) par les autorités de Bamako pour y prendre des soins médicaux. Député sortant du parti de l’abeille, membre influent de la fraction des Ifogass, Mohamed, comme l’appellent les familiers, était opposé à un candidat RPM, cousin du Lieutenant Colonel Hassane Fagaga dont lui-même avait suscité la candidature.

A l’issue du scrutin le porte-étendard du parti de l’abeille a remporté la victoire. Mais la Cour Constitutionnelle a décelé de nombreuses irrégularités et a demandé la reprise de l’élection dans cette localité. Ce qui fut fait et l’ADEMA est sorti encore vainqueur. Depuis la tension est vive entre les Ifogass et les Ifirgoumissan.

Le Lieutenant-Colonel Fagaga, officier supérieur de la Garde nationale, intégré dans l’Armée malienne à la faveur de l’intégration des anciens combattants des Mouvements des Forces Unifiées de l’Azawad s’est senti humilié.

La conséquence de ce revers électoral, selon des proches du Lieutenant-Colonel Fagaga, est que celui-ci a été marginalisé au sein de son service et il rend les autorités politiques de Kidal responsables de cette situation.

Mais, en réalité, à en croire des sources bien au fait du dossier, notre bave Lieutenant-Colonel est un illettré à 100%, qui est de peu d’utilité à la hiérarchie militaire. Son galon de Lieutenant-Colonel n’étant, nous l’avons vu, que purement politique. Ce qui peut expliquer la «marginalisation» dont-il se plaint.

Par ailleurs, il semble que le Lieutenant-Colonel Fagaga ait demandé la création d’une nouvelle commune dénommée «Imboulale» en faveur de sa fraction. Une façon de réparer la perte de Tin Essako tombée dans l’escarcelle de la fraction rivale, les Ifogasse. A chaque fraction sa commune, en somme.

Cette dernière revendication n’aboutira pas non plus. A cause, dit-on officiellement, d’un manque de soutien politique et en raison de considérations d’ordre technique.
Dépité, Fagaga a déserté les rangs de la Garde nationale depuis environ 18 mois et s’est installé dans son Tin-Essako natal, sans fanfare ni trompette.

Ainsi, l’Etat Major des Armées n’a trouvé rien de mieux que de couper son salaire. L’intéressé n’a jamais protesté contre cette mesure comme s’il s’y était résigné. Et voilà qu’il y a deux semaines, la Libye a ouvert un consulat à Kidal afin, dit-on, de favoriser le développement des régions Nord du Mali.

Le Consul ayant pris des contacts avec la famille du patriarche Intallah(les ifogasse) qui, rappelons-le assume la chefferie traditionnelle et exerce le pouvoir local pour avoir gagné les législatives, la jalousie de la fraction rivale (les Ifirgoumissan) s’est manifestée en ces termes : tous les projets de développement que la Libye va financer dans la région seront pris en otage par les Ifogasse.

Cependant, l’Administration locale a signifié à ceux qui croient à cette thèse que le Consulat ne travaillera pas avec des fractions mais avec l’Etat et les représentants des collectivités en toute neutralité.

C’est cette rivalité entre fractions adverses que la région de Kidal connaît actuellement. Les notabilités et les religieux sont en train de réconcilier les frères d’une même ethnie mais, encore une fois, de fractions différentes. C’est donc une affaire familiale. Ce n’est point une quelconque rébellion. L’Etat n’est point concerné de façon directe.

Il n’y a eu aucune violence, aucun mort, aucune attaque d’un symbole de la République. Il n’existe pas non plus un corps organisé et armé qui s’apprête à prendre le maquis dans le Mali démocratique, havre de paix et de solidarité.

Il est vrai que certains pays voisins sont jaloux de la stabilité de notre pays et ne sont pas contents de l’ouverture d’un Consulat libyen à Kidal.

C’est d’ailleurs la raison principale qui a poussé notre voisin algérien à couper les vivres aux populations de Kidal. Celles-ci se ravitaillaient en denrées de première nécessité dans ce pays-là, situé à quelques encablures.

S’il y a donc un problème qui doit interpeller les autorités de Bamako, c’est bien celui du ravitaillement de ces populations. Et rien d’autre.

Chahana TAKIOU

21 février 2006.