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Le Président français Nicolas Sarkozy a effectué une visite éclair à Bamako, dans la nuit du mercredi 24 au jeudi 25 février 2010. Il était minuit 30 mn lorsque le cortège présidentiel arriva sur le perron de Koulouba.

Tête-à-tête entre les deux chefs d’État dans le salon « Songhoï », rencontre Sarkozy- Pierre Camatte dans la salle « Macina », message de Sarkozy à l’endroit des journalistes français (ceux du Mali ont été tenus à l’écart) ont ponctué la première étape de la visite du président français à Koulouba.

Ensuite, les deux chefs d’État ont fait chacun une déclaration à la presse (journalistes français et maliens réunis, cette fois-ci).

Le premier intervenant fut Nicolas Sarkozy, qui a commencé ses propos par des remerciements à l’endroit du président Touré et du peuple malien. « La France n’oubliera jamais ce geste. Le Mali peut compter sur nous. Je veux dire au peuple du Mali que, dans sa lutte contre Al-Qaïda, la France sera à ses côtés de façon déterminée et aux côtés des autres Etats concernés qui luttent contre ces terroristes. Je pense notamment à la Mauritanie et à l’Algérie… Nos collaborateurs viendront travailler avec ceux du président Touré pour savoir dans quelle mesure l’on peut aider le Mali dans son combat et assurer la stabilité et la sécurité dans son si vaste espace national » a déclaré le président français.

Dans sa déclaration, le président ATT s’est, quant à lui, dit très touché par la visite inattendue de Sarkozy dans notre pays. Ce dernier avait quitté le Gabon et devait se rendre à Rwanda, mais avant de rejoindre cette destination, il était passé par Bamako, pour manifester sa gratitude au président Touré qui avait permis, vingt-quatre heures auparavant, la libération du français Pierre Camatte.

Sans mettre de gants, ATT a dit asséné ses quatre vérités:  » Le Mali est aussi victime et otage de cette situation. Voilà une histoire qui ne nous regarde pas, des Salafistes qui ne sont pas Maliens qui se retrouvent sur notre territoire. Toutes les menaces qui ont fleuri dans la bande sahélo-saharienne sont d’ordre transfrontalier.

Aucune de ces menaces n’est née au Mali et aucune n’est destinée au Mali… Je ne pouvais en aucune manière laisser exécuter Pierre Camatte, qui a décidé librement de venir vivre avec nous depuis des années « .

Avant d’ajouter que les terroristes arrêtés en possession d’armes de guerre puis libérés étaient entrés sur notre territoire sans visas, c’est-à-dire sans l’accord des autorités maliennes.

« Après leur arrestation, nous avons fait appel à tous les pays frontaliers concernés, et même à d’autres, pour venir les entendre, mener des enquêtes et partager avec nous les matériels de guerre que nous avons récupérés.

Ils ont envoyé leurs services pour les besoins de cette affaire. Alors, qu’est ce que l’on peut me reprocher? Nous sommes allés même jusqu’à signer une convention les autorisant à poursuivre des terroristes sur notre territoire et à organiser des patrouilles mixtes. Seul le Niger a fait des chasses sur notre territoire » a expliqué ATT.

Celui-ci est convaincu que l’évolution de la situation dans la bande sahélo-saharienne est due à un déficit de coopération sous-régionale en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité.

Cependant, ATT ne désespère pas et tend la main à ses voisins, notamment la Mauritanie et l’Algérie qui ont rappelé leurs ambassadeurs pour consultation, une manière de dénoncer la libération des quatre terroristes, pour se mettre ensemble et « nettoyer la bande sahélo-saharienne « .

A en croire ATT, l’armée malienne est prête. Il reste donc aux autres de se décider, car le Mali n’ira pas seul au charbon.

Chahana Takiou

Le 22 Septembre du 01 Mars 2010.

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Éditorial : Alger-Bamako, je t’aime moi non plus

Tant mieux pour nous : Camatte est chez lui. Des péripéties vraies ou inventées de sa détention, il cherchera à faire un thriller à la dimension du héros méconnu pour lequel il se fait déjà passer. Déjà, du peu qu’il a dit à la presse, on voit que l’ex otage a le sens du merveilleux. Et il a d’autant plus le physique de l’emploi qu’une bourde surréaliste d’un conseiller élyséen lui a restitué son statut d’espion et qu’on n’y peut plus rien. Mais tant pis pour lui et pour la France.

jpg_att-alger.jpgPeut-on dire tant pis pour l’Algérie et la Mauritanie pour avoir rappelé leurs ambassadeurs suite à la gestion par le Mali de l’affaire Camatte? Non hélas. La Mauritanie, il est vrai, n’a pas la force de nuisance de notre puissant voisin algérien et elle a tout autant besoin du Mali que celui-ci a besoin d’elle. Et même si les Etats n’ont que des intérêts et pas des amis, il serait étonnant que Sarkozy ne cherche pas à apaiser nos relations avec le pays de Abdel Azziz.

De même qu’avec l’Algérie, sans beaucoup d’illusions de ce côté, vu que sur Alger le pouvoir de Paris est tout sauf illimité. Ce sera donc au Mali de gérer l’après-Camatte avec le pays de Bouteflika qui lui n’a pas perdu une minute pour montrer à Bamako de quel bois il se chauffe.

Outre le rappel pour consultation de son ambassadeur officiellement reconnu, l’Algérie confèrerait actuellement avec l’ancien groupe rebelle dirigé par Bahanga, dans le cadre du fameux accord d’Alger. Un droit qu’on peut d’autant moins lui dénier que l’Algérie est signataire de cet accord.

Or pour couper court à l’immixtion d’Alger, Bamako aurait de la peine à récuser ce traité sans se mettre à dos des parties prenantes (population de Kidal, démobilisés intégrés, notamment) qui lui sont restées loyales. La partie algérienne que les Maliens ont toujours soupçonnée d’avoir suscité ou attisé les rébellions du Nord continuerait donc de peser sur le septentrion malien.

D’ailleurs, son pouvoir le plus grand reste l’arme alimentaire. Les Régions de Gao, Kidal et Tombouctou importent même leurs boîtes d’allumette d’Algérie, par le biais d’un trafic sur lequel Alger a fermé les yeux.

Cette situation est un atout de taille entre les mains de notre puissant voisin et Bamako le sait qui réfléchira par deux fois à la réciprocité en la matière, à savoir rappeler son chargé d’affaire en poste à Alger.

Moralité de tout cela : alors que le sort d’autres otages est en jeu et que leur libération ne manquerait pas d’envenimer les rapports entre les trois pays frères en passe d’être ennemis pour de bon, le Mali a besoin d’anticiper.

Notre Nord doit reconquérir sa souveraineté alimentaire et économique, quel que soit le prix à payer. Il a également besoin de se donner les moyens et les arguments par lesquels Alger le respecte, pour de bon. A cet égard, la crise diplomatique actuelle est une opportunité. En tout cas pour Bamako.

Adam Thiam

Le Républicain du 01 Mars 2010.