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Les autorités semblent avoir décidé de lutter contre les marchands d’illusion. Du moins, c’est ce que laisse présager une descente de la gendarmerie nationale, hier matin, devant la Maison de l’Artisanat. Deux véhicules Toyota avec à leurs bords de nombreux gendarmes ont semé la panique au sein des vendeurs de miracles.

Les agents de la sécurité ont pu ainsi saisir un lot important de «produits» censés mettre fin à la souffrance des nombreux crédules qui croient aux «prescriptions» de certains charlatans, prétendus guérisseurs traditionnels.

Ces «produits» sont constitués essentiellement de perroquets morts desséchés, de hiboux, de peaux de reptiles, de restes d’animaux sauvages, de griffes de fauves, de viscères d’animaux inconnus, etc. Ils sont vendus de jour, sur la place publique, notamment en face de l’honorable et respectable Assemblée nationale du Mali.

Certains illusionnistes se sont spécialisés dans le commerce des restes de ces bestioles qui, en dehors du caractère douteux de leur efficacité, sont vendus dans des conditions d’hygiènes inexistantes.

Mais malgré tout, le commerce est très florissant et rentable depuis qu’une large portion de la population a sombré dans une épidémie collective dont profite un vaste réseau. Car ceux que les gendarmes ont appréhendés ne sont que des (re) vendeurs de «produits» prescrits par d’autres : ces faux guérisseurs mais vrais charlatans.

Ceux-ci sont ailleurs, officiant dans la discrétion des maisons de quartier, mais se faisant connaître à forts renforts de tapages médiatiques. Rares sont les radios émettant en FM qui résistent à leurs assauts.

Aussi, n’est-il pas fréquent d’entendre ces marabouts, guérisseurs et autres faiseurs de miracles qui passent sur les antennes pour vanter leurs mérites, magnifier leurs pouvoirs et appâter quelques malheureux qui ne savent plus à quel saint se vouer. Et effectivement, certains succombent à ces chants de sirènes. Ils les consultent pour diverses raisons : santé, pouvoir, argent, amour.

Et tous repartent avec «une ordonnance» qui n’est plus originale parce que tombée dans la banalité. Griffes d’oiseaux, dents de fauve, peaux de reptiles, pour soigner quoi ? pour envoûter qui ? La plupart du temps, «ces patients» font les frais de leur bêtise. Le cas le plus spectaculaire et le plus dramatique, est celui de ce braqueur qui s’est fait canarder par un agent, pendant qu’il était entrain de dévaliser une banque, en croyant aux vertus trompeuses de son accoutrement.

Les gris-gris et amulettes qu’on lui avait prescrits n’ont pas arrêté les balles ni ne l’ont rendu invisible aux yeux du tireur. Dans une moindre mesure, la même naïveté se traduit par le spectacle affligeant qu’offrent nos rues, surtout les matins : oeufs entiers ou écrasés, feuilles macérées ou cuites, traces de sang animal (et peut être humain).

Ces pratiques sont censées avoir des effets bénéfiques sur leurs pratiquants. Il est vrai qu’avec la cherté de la vie et la conjoncture économique, les frais «d’ordonnance» ont largement baissé. Ainsi, on ne vous demande plus un boeuf ou un agneau à immoler mais tout simplement un ou deux oeufs, un poulet, une peau de serpent, un dent de lion. C’est plus économique et facile à avoir.

Ceux-ci également, les charlatans, les gendarmes doivent les traquer, les dénicher et les mettre hors d’état de nuire, car ils constituent un danger permanent pour la société.

En attendant, l’action d’hier matin est à saluer et à encourager parce qu’à terme, c’est la devanture du Parlement et peut être tout le pays qui seront débarrassés de ce spectacle peu reluisant de paganisme et d’animisme. Le Mali n’a pas besoin de ça.

Ch. A Tandina

23 Mars 200