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Sitôt dedans, sitôt dehors
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Le mari de la dame étant transporteur de son état, donc toujours absent et presqu’invisible, sa maison était considérée comme un habitat sûr pour son remplaçant auprès de sa femme. A tel point que bien des voisins, qui ignorent de quoi retournait l’affaire, pensaient tout simplement que le coureur, ou du moins le cavalier de la dame, et le mari ne font qu’un. Bref, c’est dire que le voleur de femme était comme chez lui, c’est-à-dire… en terrain conquis.

Mais un adage bien de chez nous dit que tous les jours sont pour le voleur ; mais viendra bien un jour qui sera pour le propriétaire. Il arriva donc que ce jour-là, le mari légitime se trouvait à la maison : exceptionnellement, il n’était pas parti en voyage à cause d’un empêchement de dernière minute. Durant toute cette journée, sa femme n’avait donc eu ni le temps, ni l’occasion de prévenir son amant.

jpg_2.jpgOr ce jour-là (heureusement ou malheureusement, c’est selon), il pleuvait tellement dru qu’on aurait pensé au déluge. Aussi, notre voleur de jupons courait à perdre haleine sous la pluie, vers la maison de “sa femme” (plutôt celle de l’autre), tout content à la seule idée de passer du bon temps, comme d’habitude. D’ailleurs, ne dit-on pas qu’après la pluie, c’est le beau temps?…

Une fois arrivé dans la maison, il se rua en trombe dans la chambre à coucher et, sans réfléchir une seule seconde, il lança à haute voix, en haletant : “Ah, Dieu soit loué ! Maintenant que je suis bien à l’abri, il peut pleuvoir même des cordes !”.

Il était tellement sûr de lui qu’il n’avait même pas pris le soin de vérifier la présence d’une tierce personne : il était si habitué à ne pas être inquiété. Et ce n’est certes pas la dame qui allait lui mettre la puce à l’oreille, surtout à ce moment précis. C’est alors qu’il entendit une grosse voix, provenant du fond de l’anti-chambre lui répondre, plutôt lui demander, comme sortie d’outre-tombe : “Qu’il pleuve des cordes ou pas, où comptais-tu aller comme çà ?“.

jpg_3.jpg Alors, les cheveux du “voleur“ se dressèrent subitement sur sa tête ; et son sang n’eut même pas le temps de faire un tour dans ses veines : il s’y glaça tout simplement. Automatiquement, il revint à la dure réalité ; et sans réfléchir (en avait-il seulement eu le temps ?), il s’entendit répondre à la question, tel un zombie : “Où je comptais aller? Mais dehors, bien sûr !!!”.

Joignant le geste à la parole, il effectua un bond prodigieux qui le propulsa au dehors, sous cette pluie… de cordes. Et tel un fantôme, il s’évanouit dans la nature, aussi vite qu’il était venu. Pour lui, ce serait plutôt : après la pluie, le mauvais temps!

Oumar DIAWARA / Soir de Bamako

06 octobre 2008