Il s’agissait, au cours de cette conférence, de présenter les principaux résultats issus du traitement des données de l’enquête Afrobaromètre menée au Mali, du 20 juin au 07 juillet 2005, auprès d’un échantillon aléatoire de 1.244 adultes des deux sexes et dans toutes les régions administratives du pays.
Les principaux animateurs étaient M. Massa Coulibaly, professeur à l’Université de Bamako; Amadou Ballo, président de séance également professeur à l’Université de Bamako; avec comme modérateur M. Chébane Coulibaly, professeur d’université. Dans la salle, on pouvait noter la présence du Pr Ali Nouhoum Diallo, député à l’Assemblée Nationale, membre influent de l’ADEMA et M. Ousmane Sy, ancien ministre de l’Administration Territoriale etc.
DES REVELATIONS
Si les avis des Maliens sont partagés quant à leur perception de la démocratie; tout de même, il n’y a pas d’alternative crédible à l’option élective de la constitution du pouvoir. Seulement 19% des personnes enquêtées souhaitent le retour de l’armée aux commandes en 2005 contre 24% en 2002.
A la même période, environ 19% pensent que le règne du parti unique est la meilleure forme de gouvernance; tandis que 14% affirment que le président de la République doit seul tout décider.
Les couches sociales les plus satisfaites du fonctionnement de la démocratie malienne sont constituées par des gens exerçant une profession libérale (75%), suivis par les militaires (67%); ensuite viennent les artisans (62%), les employés (62%).
A l’autre extrême, c’est à dire les couches sociales non satisfaites du fonctionnement de la démocratie sont constituées par des commerçants (45%), les élèves et étudiants (46%) les ouvriers (39%), les agriculteurs 40% et les ménagères 36% . De façon générale, 57% des personnes interviewées en 2005 se disent satisfaites contre 63% en 2002. En milieu rural, les insatisfaits en 2005 étaient de 37% contre 29% en 2002. A la même période les femmes insatisfaites étaient de 42% en 2005 et 37% en 2002.
S’il y a lieu de faire un jugement de valeur sur l’option du Mali, nous dirons que la voie libérale (démocratie libérale) ne souffre d’aucune ambiguïté.
DU FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS
Le rapport d’enquêtes d’Afrobaromètre-Mali, troisième du genre, mentionne que la satisfaction des citoyens avec le fonctionnement de la démocratie résulte d’un certain nombre de considérations dont:
– La confiance des citoyens aux institutions ;
– L’appréciation que les citoyens ont de la politique économique mise en oeuvre par le gouvernement.
Dans ce labyrinthe, l’Office de Radio et Télévision du Mali (ORTM) et l’armée apparaissent comme étant les premières institutions auxquelles les citoyens font confiance 87% chacune. Elles sont suivies du Président de la République (81%) des conseils communaux 74%; la police 73%; l’Assemblée Nationale 70%.
Parmi les institutions auxquelles les citoyens n’ont pas confiance, il y a les partis politiques d’opposition (41%); les tribunaux (40%); la CENI (30%); les partis au pouvoir (26%). 11% des personnes enquêtées ne font pas confiance aux chaînes ou télé privées et à l’Essor contre respectivement 68% et 56%. Seuls 13% des citoyens ne font pas confiance aux journaux privés tandis que 52% leurs font confiance.
Par rapport à la manière dont vivent les populations, il y a eu une détérioration des conditions de vie en 2005 (année de l’enquête) comparativement en 2004. 60% des citoyens trouvent qu’il y a une pire disponibilité des biens de consommation, contre 36% en 2002. Les opportunités d’emploi se sont retrécies à la même période. 58% des enquêtes trouvent pires les opportunités d’emploi contre 37% en 2002.
LE PAYS VA MAL
Les conditions économiques du pays et des populations vont de mal en pis. Le fossé entre riches et pauvres s’élargit davantage. 73% des citoyens trouvent mauvaises les conditions de vie en 2005, contre 67% en 2002.
L’insécurité alimentaire apparaît comme la principale préoccupation des Maliens 72% en 2005, contre 67% en 2002; les problèmes d’accès à l’eau potable arrivent en seconde position (29% ) suivi de la santé (28%), l’éducation (16%)
LES MOBILES DE L’ABSTENTION
Quinze ans après l’avènement de la démocratie au Mali, il y a lieu de s’arrêter et de s’interroger sur les tares. Parmi ces tares, le taux d’abstention record est le plus inquiétant. Les enquêteurs du GREAT révèlent que “la désaffection des urnes est difficile à traquer par des sondages d’opinions, car les enquêtés ne disent pas toujours leurs comportements réel, 78% de participation annoncée pour des taux officiels qui dépassent difficilement le 40%. Les couches sociales qui votent le moins sont les ruraux (26% de participation); les jeunes de moins de 30 ans, 22%; les femmes, 19%; les analphabètes, 17%; les ménagères, 12%.
Qu’est ce qui explique cela?
Parmi les raisons évoquées pour expliquer la désaffection des urnes par les citoyens il y a l’absence d’une longue culture de vote libre et honnête; la non possession d’une quelconque pièce d’identité; la corruption électorale comme tentative privilégiée d’amener les citoyens aux urnes; la crise de la démocratie représentative.
Le système salarial apparaît comme l’élément déterminant du vote; c’est ainsi que le taux de salariés votants (58%) dépasse celui des non salariés (34%). Plus on est instruit, plus on vote.
Quoi qu’il en soit, les enquêteurs du GREAT ont conclu que la démocratie comme mode de gouvernance est incontournable. De 1992, (année des premières élections multipartistes) à maintenant, il est établi que les Maliens votent peu.
Cette abstention s’expliquerait par le déficit de confiance entre les électeurs et les hommes politiques et par l’incompétence du gouvernement ou des élus à satisfaire les besoins des populations.
Les interventions de l’assistance ont été des contributions plus que des questions. Plusieurs intervenants ont loué la qualité du rapport d’enquête produit par l’équipe d’Afrobaromètre au Mali. Afrobaromètre est un réseau de recherche regroupant à ce jour 18 centres de recherche africains et l’université de l’Etat de Michigan.
Ce réseau produit une série comparative d’enquêtes nationales à l’aide d’un questionnaire de mesure de l’atmosphère sociale, politique et économique en Afrique, portant essentiellement sur les attitudes des citoyens envers la démocratie, le marché et la société civile.
Daba Balla KEITA
22 mai 2006.