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Une réforme fiscale bien orientée, défavorable aux investissements peu productifs par exemple l’achat de terrain ou la construction d’immeubles de magasins et donc plus favorable à l’investissement dans les secteurs prioritaires de notre économie comme l’agriculture et les unités de transformation permettra de mieux mobiliser l’épargne intérieure.

La crise financière affecte l’activité économique par le biais notamment de la baisse du moral des ménages et des chefs d’entreprises, des difficultés rencontrées par les banques, du resserrement des conditions de crédits (hausse des taux d’intérêt, sélection plus forte des emprunteurs).

Ces facteurs pèsent sur la consommation des ménages et sur l’investissement des entreprises, provoquant une forte réduction de la croissance. Cependant, il faut remarquer que la demande mondiale ne s’est pas effondrée et il n’y a pas une crise profonde touchant les facteurs de production de l’économie.

L’économie réelle est affectée de plein fouet par l’éclatement des « bulles économiques », la crise de confiance des acteurs et le phénomène d’anticipation des acteurs économiques pris dans un cycle vicieux porté par un sentiment pessimiste.

Selon un rapport du FMI du début d’année 2009, les pays avancés connaissent leur pire récession depuis la 2e Guerre mondiale, la production devant se contracter de plus de 1 % en 2009. Sous l’effet d’une politique de relance monétaire et budgétaire, et d’une lente amélioration de la situation financière, la croissance devrait progressivement reprendre en 2010.

Un ralentissement de croissance est également prévu en Chine, en Inde, au Brésil et dans les autres économies émergentes, 6 % en 2008 à environ 3 % en 2009, du fait de la chute des exportations, de la diminution des flux de capitaux et du repli des cours des matières premières.

Dans un premier temps, la crise financière mondiale a touché de façons très différentes les pays avancés, les pays émergents et les pays à faible revenu. Les pays avancés ont tout d’abord souffert principalement de la crise bancaire systémique aux Etats-Unis et en Europe.

Les pays émergents, dotés de systèmes financiers bien développés, ont ressenti les effets défavorables des liens financiers transnationaux par le biais des flux financiers, des investisseurs boursiers et des taux de change. Dans les pays financièrement moins développés comme le nôtre, les effets sur la croissance et le commerce ont dominé. Cette situation a conduit certains à conclure que la crise mondiale ne concernera pas le Mali.

D’autres, du simple fait que la crise soit mondiale et que le Mali fasse partie du monde, affirment également sans réserve que cette crise ne peut nous épargner. En l’état, ces deux affirmations ont la même valeur. En effet, de notre presque totale inexistence sur les marchés financiers notamment ceux affectés par les « actifs toxiques », on ne peut être directement concerné par cette crise financière.

Par contre, cette crise financière entraînant une réduction de la croissance mondiale, donc de la production et de la demande mondiale aura nécessairement des impacts sur le Mali. Cependant, dans quelle mesure le Mali sera atteint ? Ces impacts constituent-ils véritablement des chocs exogènes négatifs ou de réelles opportunités pour lancer les bases d’une véritable économie axée sur nos avantages et orientée vers l’intégration sous régionale ?

Une tourisme de proximité

Tout le monde s’accorde à dire que la demande et la production se contractant au niveau des pays développés, les pays exportateurs seront affectées. Ceci est vrai, mais le Mali et ses voisins sont exclusivement des pays exportateurs de matières premières pour ne pas dire souvent des produits de cueillette (minières, agricoles…) à faible valeur ajoutée. Les trois produits d’exportations essentiels du Mali l’or, le bétail sur pied et le coton présente chacun des situations atypiques.

Depuis la crise l’or est utilisé comme une valeur-refuge par les investisseurs qui ont perdu confiance dans les marchés actions. Le coton est dans une crise profonde depuis le début des années 2000 et ne constitue plus forcément une richesse pour le Mali. Enfin l’exportation du bétail sur pied est le symbole même de l’échec de notre système de production à créer de la valeur.

Ensuite, les craintes, cependant justifiées, viennent du transfert de nos migrants qui seront directement affectés par la récession dans leur pays « d’accueil ». Cette situation doit finir de nous convaincre que l’utilisation presque exclusive de ces transferts dans des dépenses et non dans l’investissement productif créée les conditions d’appauvrissement et non de richesse.


Malheureusement
, le réveil risque de se faire dans la douleur mais nos migrants ainsi que les bénéficiaires internes doivent définitivement comprendre que la meilleure allocation de ces ressources si « chèrement » acquises n’est pas la dépense, mais l’investissement productif. Pour ce qui concerne l’aide publique au développement tant bilatérale que multilatérale les contours sont plus complexes.

L’argument principal tenu, suivant lequel l’aide au développement va diminuer, car les disponibilités des donateurs se trouvent plus sollicitées à l’interne est assez court. En effet, l’aide au développement octroyée par les pays développés constitue une part infinitésimale de leur capacité.

Il serait plus juste de soutenir que leurs considérations stratégiques et politiques pour l’octroi de l’aide aux pays pauvres seront modifiées, d’autres priorités et considérations prenant le dessus. Autrement dit, leur intérêt est ailleurs.

A partir de maintenant, il ne devra plus s’agir de penser est-ce que l’aide sera maintenue mais plutôt de développer les stratégies pour une meilleure utilisation qui ne devra plus être dictée par les donateurs. La rentabilité économique, au sens large, de l’aide doit pouvoir être estimée et appréciée. Le soutien de toute demande sociale ou la satisfaction de nouvelles demandes sociales basées sur l’aide constituent une erreur fondamentale.

Toute amélioration sociale doit pouvoir être financée par une ponction raisonnable de la richesse produite par le pays. C’est la seule condition de sa durabilité. L’aide devra être prioritairement orientée vers le développement et l’amélioration des infrastructures et des investissements essentiels à la compétitivité du secteur productif à court et moyen termes.

Une bonne politique fiscale

Au-delà des produits d’exportation du Mali dont il a été fait cas précédemment, l’autre produit pouvant être lié directement à la situation économique des pays développés est le tourisme. La saison touristique 2008/2009 sera affectée dans une moindre mesure essentiellement dû au fait que les décisions de voyage des consommateurs des pays développés sont prises et les montants provisionnés plusieurs mois sinon une année à l’avance.

Par contre, en restant dans la même logique de développement touristique, la saison 2009/2010 sera plus durement affectée. Cette crise doit donc être le déclencheur pour le développement d’un tourisme aussi interne.

Certes, la proportion de la population malienne qui peut être considérée comme « client solvable » est mince, mais il existe une part de clientèle réelle et solvable au Mali et dans la sous-région pour laquelle il n’a jamais été développé de produits touristiques spécifiques. Le besoin existe, aux acteurs économiques de ce secteur de concevoir des solutions/offres adaptées pour qu’il devienne demande.

L’autre crainte concernant le resserrement du crédit qui affecte les marchés financiers ne peut directement nous affecter. Il nous affecte indirectement dans la mesure où les conditions globales d’octroi sont plus difficiles et le volume global des disponibilités est moindre.

Mais spécifiquement dans le cas du Mali et des pays semblables, il n’a presque jamais été possible d’attirer suffisamment d’investissements directs étrangers parce qu’en concurrence avec les pays développés réputés et notés comme étant à risque faible et à meilleur rendement économique.

Sans affirmer que la situation est aujourd’hui renversée en notre faveur, on peut soutenir qu’il existe une réelle opportunité pour rééquilibrer la perception de la part des investisseurs. En effet, des valeurs notées AAA (la meilleure note) la veille se sont effondrées le lendemain entraînant une perte colossale pour les investisseurs.

En travaillant dans ce sens pour développer les argumentaires nécessaires et envoyer les signaux visibles, on peut espérer que les opportunités d’investissement dans l’économie réelle de nos pays ne sont plus aussi risquées que les mécanismes d’appréciation/notation mis en place ont pu le soutenir jusqu’à maintenant.

En continuant les réformes structurelles de nos économies, les investissements, en ce temps où les investisseurs sont plus exigeants, devraient pouvoir raisonnablement se diriger vers nos pays. Ce message doit s’adresser à tous les investisseurs, étrangers mais aussi nationaux.

Une réforme fiscale bien orientée, défavorable aux investissements peu productifs par exemple l’achat de terrain ou la construction d’immeubles de magasins et donc plus favorable à l’investissement dans les secteurs prioritaires de notre économie comme l’agriculture et les unités de transformation permettra de mieux mobiliser l’épargne intérieure.

Il serait temps d’utiliser la politique fiscale comme un instrument de développement économique et non plus seulement comme moyen de renflouer les caisses publiques pour faire face en grande partie aux dépenses de fonctionnement, certes nécessaire, de l’Etat.

Cette crise est effectivement la première crise de la mondialisation, c’est pourquoi il est indispensable de la comprendre et en fonction des réalités endogènes et de celles de l’environnement mondial de développer les stratégies adaptées à sa situation singulière.

Les analyses paresseuses nous conduiront inévitablement à un suivisme nous empêchant de saisir l’opportunité que cette crise peut présenter pour nos économies, au lieu de singer les attitudes de panique qui ne correspondent en rien à la réalité de nos économies. C’est maintenant qu’il faut se préparer, renforcer notre compétitivité car l’économie répartira avec ou sans nous, faisons en sorte de faire partie du voyage cette fois-ci.

Marc Ibrahim Traoré

(associé, Catek)

08 Avril 2009