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Dans la suite logique de notre dossier sur « La corruption dans le football : L’univers secret des matches truqués », nous parlons aujourd’hui, entre autres, de scandales qui ont éclaboussé le football italien et allemand.

La Juve trichait en douce

Juillet 2006, les juges de l’opération « Pieds propres » ont la main lourde : la Juventus, la Fiorentina et la Lazio de Rome sont rétrogradés. Et l’un des championnats les plus cotés au monde s’avère n’être qu’une pantalonnade.

Dur, le réveil des tout nouveaux champions du monde !
Cinq jours durant, les Italiens ont pu savourer leur titre de champions du monde 2006. Le sixième jour, la justice trancha. Rien à voir avec le Weltmeisterschaft victorieux. Ce qui s’effondre avec fracas, c’est tout simplement le plus grand club de la péninsule.

Vingt-neuf titres de champion d’Italie, deux fois championne d’Europe et autant de succès en coupe intercontinentale. Un des plus grands clubs du monde : la Juventus de Turin. La respectable vecchia signora. Enfin, qu’on croyait telle. Bien qu’on eut déjà des doutes, en fait.

Déjà, un procès fameux, tenu de 2002 à 2004, avait dévoilé l’usage systématisé de la créatine, pour doper de 1995 à 1998 les performances des joueurs bianconeri. Créatine classée produit dopant en France… mais, alors, pas en Italie. Ce procès répertoriait aussi 281 types de médicaments dans la pharmacie du médecin du club !

Qui sera condamné en première instance, puis relaxé en appel… Avec Zinedine Zidane et Didier Deschamp dans l’équipe de l’époque. Des doutes aussi concernant l’impartialité des arbitres à l’égard du club piémontais. Souvent un petit pénalty pour forcer la décision… Mais ce qui n’était que soupçons est avéré : le club bianconero a triché.

Un vaste système orchestré par son directeur général Luciano Moggi a été mis en place, incluant petits arrangements sympathiques et autres échanges de faveurs. Pris la main dans le sac, ou plutôt la bouche dans le combiné du téléphone sous écoutes, à discuter de choix d’arbitres, réclamant la nomination de ceux estimés favorables au club, ou à évoquer des coups de mains sur la pelouse. Et Moggi ne parlait évidemment pas tout seul, lors de ces sulfureuses conversations !

Sont éclaboussés l’ancien président de la fédération italienne en personne, Franco Carraro, et le président démissionnaire de la ligue professionnelle des clubs, également vice-président du Milan AC, le club de Berlusconi, Adriano Galliani.


Le gratin du calcio dans la tourmente
: les matchs étaient truqués. Un championnat qui fait battre le cœur des tifosis par millions chaque dimanche complètement décrédibilisé. Maculé de la boue de la honte.

Alors donc, la Juve a pris cher : rétrogradation en Série B et 30 points de pénalisation au démarrage de la saison suivante, en même temps, retrait de ses deux derniers titres de championne d’Italie.

Mais l’accompagnent en deuxième division la Fiorentina et la Lazio de Rome. Les deux équipes partiront elles aussi avec un handicap, respectivement de 12 et 7 points.

Le Milan AC s’en sort mieux : il sauve sa tête en série A, mais se voit privé de Ligue des champions et affligé d’un retard de 15 points au démarrage de la saison.

Les sanctionnés, toute honte bue, disposent de trois jour pour faire appel. L’Inter Milan et l’AS Roma se frottent les mains devant ces condamnations. Mais ils sont bien les seuls. Le football italien, qui venait juste de toucher le paradis, replonge en enfer. Et treize des vingt-trois champions du monde évoluent dans les clubs condamnés.

Matches vendus aux parieurs en Allemagne


L’énorme scandale fait très mauvais outre-Rhin, peu avant la Coupe du monde 2006 :
23 matchs disputés entre le 10 avril et le 3 décembre 2004 ont fait l’objet de manipulations au profit de parieurs malhonnêtes.
Sur le banc des accusés, deux arbitres, un joueur et trois frères croates, initiateurs d’une opération qui les a vus brasser plusieurs millions d’euros.

Une des sociétés de paris sportifs aurait même averti la fédération allemande (ce qu’elle nie), dès juin 2004, de quelques anomalies comme la présence de mises importantes sur un match. Une affaire qui rappelle bien sûr le précédent du « Totonero » en Italie à la fin des années 70, qui avait notamment vu Paolo Rossi, futur champion du monde, accusé d’avoir truqué un match et condamné à deux ans de suspension.

Le gratin du foot portugais s’écroule

Coup de tonnerre au Portugal le 8 février 2008 : après presque deux ans d’enquête et 15 000 heures d’écoutes téléphoniques, 27 mises en examen frappent le gratin du football portugais, à commencer par le président de la Ligue nationale, Valentim Loureiro, accusé de 26 crimes de corruption active, notamment de l’achat d’arbitres « arrosés » pour laisser gagner l’équipe de la ville dont il est le maire, Gondomar, et lui permettre d’être promue.

Pas moins de 16 arbitres sont impliqués dans l’affaire joliment baptisée « sifflet doré », qui remonte jusqu’à l’ancien président et plusieurs membres de la très officielle Commission d’arbitrage de la Fédération lusitanienne. De nombreux petits cadeaux, des objets en or, en échange de faveurs arbitrales…

Jusqu’au président Pinto Da Costa du FC Porto, ancien champion d’Europe, qui est soupçonné d’avoir proposé à des arbitres des sommes d’argent et des… prostituées !

En République tchèque, ils sont également 16 arbitres à se retrouver mis en examen, trois clubs convaincus de tentatives de corruption et le vice-président de la Fédération démasqué lui aussi par des écoutes téléphoniques. Un dirigeant d’une formation de l’élite, le FC Synot, a été surpris par la police dans une station service en train de remettre 5 500 euros à un arbitre assistant qui venait d’officier le long de la touche lors d’une rencontre de son club. Si l’on touche sur la touche, tout hors-jeu est litigieux ! Pour une poignée de billets, un penalty suspect…


Quand l’arbitre dénonce

Alors les arbitres, maillons faible de la lutte contre ce cancer ? Au Brésil, la mafia des paris jette son dévolu sur des membres de la corporation criblés de dettes de jeu, financièrement acculés et donc forcément plus enclins à siffler du bon côté. Pas moins de 11 matchs du championnat national 2005 ont ainsi été truqués et rejoués.

C’est bien que lorsqu’on ne roule pas sur l’or, certains montants donnent le vertige : un mystérieux pays africain a offert 50 000 dollars à la star égyptienne de l’arbitrage, Essam Abdel Fattah, pour avantager son équipe lors d’un match éliminatoire pour la Coupe du Monde 2006. Le vertueux homme en noir l’a aussitôt dénoncé à la FIFA, et l’enquête est en cours.

Une qualification au Mondial allemand de 2006 rapportait au minimum – en cas d’élimination au premier tour – 3,9 millions d’euros à chaque fédération concernée. Alors qu’est-ce que 50 000 dollars ? Ou même un million (environ 901 000 euros), comme l’aurait proposé des émissaires grecs au président de la fédération arménienne pour obtenir la victoire de la Grèce… Là encore, l’enquête avait été ouverte.

Mais une chose est sûre : au vu des enjeux financiers concernés, de la valse des millions que danse la planète foot, il semble hélas que la corruption ait encore de beaux jours devant elle.


Combien ça coûte?

Professionnaliser totalement l’arbitrage, et garantir aux membres de sa corporation des revenus suffisants pour les mettre tant que possible à l’abri de la tentation, diminuerait bien sûr le risque de corruption… Ce qui est aussi valable pour les salaires que touchent les moins bien lotis des footballeurs.

Mais plus le niveau de vie grimpe, plus les corrupteurs mettent le paquet : 25 000 euros par joueur en Belgique pour « lever le pied » lors d’un match, c’est le tarif avoué aux enquêteurs par des footballeurs (mal payés, ils jouent dans le petit club de La Louvière) impliqués dans une affaire de paris (au moins 6 matchs de championnat truqués et une équipe sanctionnée par une rétrogradation).

En Italie, c’est dix fois plus : 250 000 euros, retrouvés dans la voiture du directeur général du club de Venise pour avoir laissé Gênes gagner et monter en Série A (montée caduque depuis la découverte de l’affaire).
En Pologne, on achète les arbitres pour 24 000 euros le match (deux sifflets arrêtés en mai 2005).

Et en Allemagne, 30 000 euros en échange d’une victoire grâce à un penalty imaginaire : c’est ce qu’avoue avoir touché Robert Hoyzer, jeune arbitre, à présent radié à vie. A suivre.

SEKOU TAMBOURA

24 Novembre 2008