Ainsi donc, le 26 mars 1991 n’était pas l’aboutissement d’une quête pluraliste légitime mais un complot visant simplement à chasser Moussa Traoré du pouvoir ?
D’année en année, c’est ce que laissent penser les débats organisés en marge de la célébration de cette date pourtant cruciale de notre histoire nationale. Banalisé par les accolades entre le bourreau et la victime et parasité par toutes sortes d’ambitions, le 26 mars est devenu, en effet, l’occasion entre acteurs du mouvement démocratique de régler leurs comptes et mécomptes.
On l’avait remarqué l’an dernier, où Zarawana dut présenter ses excuses à Ali Diallo pour les excès de l’Aeem à l’époque.
Cette année, à la faveur du cinquantenaire de l’indépendance, du débat du 26 mars organisé par l’Ams-uneem à celui du Craj animé le lendemain par Issa N’Diaye qui dénonce la démocratie libérale, c’est-à-dire le projet de société qui résultat de l’après mars 91, la formule qui aura le plus prospéré est celle-là : le Mali c’est huit ans d’indépendance et 42 ans de néo-colonialisme. De Seydou Badian Kouyaté à Victor Sy en passant par Amadou Traoré Djikoroni et Mohamed Tabouré.
Et par le tandem de ce quatuor toujours superbement mobilisé et de la jeune relève qu’elle a soigneusement préparée pour « répéter », on en est presque réduit à raser le mur si l’on se revendique du « mouvement démocratique ». Une façon honteuse de signifier « capitaliste », selon les défenseurs des 8 ans de Modibo Keita.
Que l’on juge nettement supérieurs aux 23 ans de Moussa Traoré qui ne seraient différents ni des dix ans de Alpha Oumar Konaré ni de ceux en passe d’être bouclés de Amadou Toumani Touré. Et chaque critique de la IIIè République déclenche des applaudissements d’une ampleur sismique.
Le pire, c’est que les acteurs de celle-ci semblent acquiescer qu’ils sont les promoteurs d’une corruption sans précédent dans l’histoire de ce pays. La Iè République surfe sur son bilan des trente quatre unités industrielles de Modibo Keita. La IIè République évite le débat parce qu’elle ne veut pas subir le tribunal des vainqueurs.
La IIIè République est inhibée par le procès de la corruption et de l’école. A ce train, elle finira par aller demander pardon, et à genoux, au Général Moussa Traoré.
Adam Thiam
Le Républicain du 29 Mars 2010.
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Point de Vue : 26 Mars 1991 – 26 mars 2010 : Doit-on réhabiliter Moussa Traoré ?
Le Mali a célébré vendredi dernier les 19 ans de la révolution du 26 mars 1991, qui a débouché sur la chute de la dictature de Moussa Traoré et l’instauration de la démocratie.
Depuis, le Mali a changé. Les conditions de vie et de travail du corps social se sont améliorées. Depuis, il y a plus d’écoles, plus de centres de santé, plus de routes. Depuis, il existe toutes les libertés: individuelle, collective, d’expression, de réunion, de va et vient…
Depuis, le président déchu, Moussa Traoré, a clamé son innocence au cours du double procès (crimes économiques et crimes de sang), sanctionné par la condamnation à mort du tombeur du défunt Modibo Kéïta. La suite est connue. Moussa Traoré ne sera pas exécuté comme un certain Saddam Hussein à Bagdad. Il est, depuis juin 2002, gracié par l’ex- président Alpha Oumar Konaré. Il vit aujourd’hui une retraite pieuse et débonnaire.
En effet, il consacre une bonne partie de son temps à Dieu et une autre à des activités sociales, notamment sa participation à des mariages, décès et baptêmes de ses proches. C’est au cours de ces événements que l’on se rend compte de la popularité de l’homme. Imposant et charismatique, Moussa Traoré dérange certaines autorités à chaque fois qu’il se trouve dans un même lieu qu’elles.
Aujourd’hui, et de plus en plus, beaucoup pensent que Moussa Traoré « n’a rien fait ». Il y a, en fait, une certaine compassion envers lui. A commencer par le président ATT, qui lui accorde des avantages indus, car il a perdu juridiquement ses droit d’ancien chef d’État.
A la discrétion de Koulouba, plusieurs avantages lui ont été attribués: la villa d’État qu’il habite dans le quartier de Djikoroni Para, une garde personnelle, des véhicules et une rente avoisinant les 1200 euros par mois (près de 800 000 FCFA), selon Jeune Afrique N°2560 du 31 janvier au 6 février.
Les victimes de Moussa Traoré souffrent pendant que lui, condamné puis gracié, bénéficie de la clémence de l’État démocratique d’ATT.
Moussa Traoré a, certes, été gracié mais il n’est pas réhabilité. Il n’a pas reçu le pardon du peuple, qui passe par une loi d’amnistie que seuls les députés peuvent voter. Moussa Traoré n’a pas été réhabilité, mais il profite de l’argent public. Cela n’est pas normal et relève du politiquement incorrect.
La question que l’on se pose est de savoir s’il va continuer, après le départ d’ATT du pouvoir, à bénéficier de ces subsides? Si oui, mieux vaut engager un projet de loi devant l’Assemblée nationale, pour qu’enfin il soit véritablement réhabilité en recouvrant ses droits civils. A 73 ans, même éligible, Moussa Traoré n’osera pas se présenter à une quelconque élection. Doit-on réhabiliter Moussa Traoré? Un pas a déjà été fait dans ce sens. Maintenant, faut-il aller au bout de la logique?
Voilà toute la problématique.
Chahana Takiou
Le 22 Septembre du 29 Mars 2010.