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Sous des dehors de bouffons pour amuser la galerie, les membres de cette société secrète véhiculent une véritable sagesse. Ils jouent un grand rôle dans la cohésion sociale.

Notre pays a inscrit «La société secrète des Kôrêdugaw, rite de sagesse du Mali» sur la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente de l’Unesco en 2011. De nos jours, cette société secrète des Kôrêdugaw est fortement menacée, même si des jeunes continuent à l’intégrer. 

« Les modes traditionnels de transmission sont menacés, à cause de la diminution du nombre d’initiés, en raison de la prédominance des modes de vie urbain parmi les jeunes générations, enfin, à cause du fait que les pratiques rituelles sont de moins en moins régulières », souligne Klessigué Abdoulaye Sanogo, ensignant-chercheur au Conservatoire des arts et métier multimédia Balla Fasséké Koyaté.

Ce chercheur qui fut également directeur national du patrimoine culturel, explique que la société secrète des Kôrêdugaw est un rite de sagesse qui occupe une place centrale dans l’identité culturelle des communautés bambara, malinké, senoufo et samogo. Les initiés revêtent des haillons ornés de colliers de fèves rouges et d’objets divers. Ils suscitent l’hilarité par leur comportement glouton, leur humour caustique et leur malin esprit, mais ils font aussi preuve d’une grande intelligence et d’une tranquille sagesse.

Le chercheur explique que la société secrète éduque, forme et prépare les enfants à affronter les épreuves de la vie et à gérer les problèmes sociaux. Ses membres font aussi office de médiateurs sociaux et jouent des rôles fondamentaux à l’occasion des fêtes et à de nombreuses autres occasions. Mieux, «les Kôrêdugaw sont aussi des herboristes et des thérapeutes traditionnels dont la connaissance des plantes est utilisée pour guérir les maladies, conjurer les mauvais sorts, traiter les femmes sans enfants et faire des bénédictions», souligne-t-il. 

Les «Kôrêdougaw» incarnent la générosité, la tolérance, la maîtrise du savoir et appliquent les règles de conduite qu’ils préconisent aux autres. «Les membres proviennent de toutes les couches socioprofessionnelles, sans distinction d’ethnie, de sexe ou de religion. Le statut de Kôrêduga est hérité ; l’instruction se fait par les esprits ou par un maître», précise notre interlocuteur. 
Le Kôrêduga est désigné sous les vocables : bouffon, clown, bateleur, pitre, comique, baladin, paillasse, troubadour. 

Vautour du Kôrê, il tient, comme son nom l’indique, du Kôrê, mot désignant le fétiche et la société secrète dont le but est d’atteindre la spiritualisation et la divination de l’Homme. Le Kôrê ou l’ancien est l’aboutissement du savoir, et l’interrogation perpétuelle sur l’homo en situation dans la faille métaphysique qui sépare et relie la mort à la vie : la première supplantant la seconde, la seconde ayant toujours raison de la première. 

Ce cycle infernal mort – vie / vie – mort, prolonge indéfiniment le désir de connaissance de l’homme tout autant que sa crainte de ne rien savoir à fond, et finit par l’assujettir à la force céleste, explique Kléssigué Abdoulaye Sanogo.

Youssouf Doumbia

Source: L’Essor