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L’honorable député Kadari Bamba, 1er vice-président du Rassemblement pour le Mali (RPM) et président du groupe parlementaire RPM-RDT à l’Assemblée nationale, décédé jeudi, a été porté en terre vendredi au cimetière de Torokorobougou.

La levée du corps de l’élu de la nation en Commune V du district a eu lieu à son domicile à Torokorobougou en présence du président de la République, du Premier ministre, des membres du gouvernement, du président de l’Assemblée nationale, de présidents d’institution de la République, de responsables de partis politiques, de parents, amis et connaissances.

L’ancien ministre des Mines, de l’Energie et de l’Hydraulique sous la Transition a été fait commandeur de l’Ordre national à titre posthume par le chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré.

Toute sa vie durant, Kadari Bamba s’est battu pour le triomphe des libertés individuelles et collectives.
Dans son oraison funèbre le président de l’Assemblée nationale, président du RPM, Ibrahim Boubacar Kéita, a qualifié le défunt, ancien secrétaire général de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEAO), de « patriote, d’homme juste, de guerrier et de serviteur passionné dont la voix grave, mais calme ne résonnera plus dans la salle Modibo Kéita de l’Assemblée nationale ».

Prenant la parole, le grand chancelier de l’Ordre national, le colonel Koké Dembélé, a indiqué qu’avec le décès de Kadari Bamba, la nation perd un grand serviteur. « Nous sommes témoin d’une douleur qui n’a pas d’expression humaine », a ajouté Koké Dembélé, qui a affirmé « que M. Bamba mérite éloge parce qu’ayant été utile à la nation ».

Ingénieur en bois formé dans les grandes écoles françaises, Kadari Bamba a en effet occupé d’honorables fonctions dans l’administration malienne. Directeur de l’usine d’allumettes de la Société nationale de tabac et allumettes du Mali, il a été DGA de la Sonatam avant d’être nommé directeur national des industries au milieu des années 80.

Kadari Bamba, qui aurait fêté ses 70 ans en janvier prochain, est décédé des suites d’un accident de la circulation jeudi matin peu avant 10 h alors qu’il se rendait à l’Assemblée nationale.

Sa voiture, une Peugeot 307, est entrée en collision avec un véhicule 4×4 de la présidence de la République sur l’échangeur du cinéma Babemba à l’entrée nord du quartier de Darsalam. Ce jeudi-là, nous avions rendez-vous avec M.

Bamba à 11 h pour une interview à l’Assemblée nationale. Hélas, le destin, cruel, l’a décidé autrement.

Le journal Les Echos s’associe à la grande douleur de ses parents, compagnons, collègues, amis et connaissances.

Puisse Allah, Le Tout-Puissant, Le Miséricordieux l’accueillir parmi les élus du Paradis.

Dors en paix M. Bamba !

Denis Koné

SOUMEYLOU PARLE DE KADARI BAMBA :

« Sobre, déterminé et intègre »

Soumeylou Boubèye Maïga, qui a été l’un des compagnons de lutte de Kadari Bamba dans la clandestinité et depuis l’avènement de la démocratie, lui rend hommage à travers les lignes qui suivent. Il retrace, à travers sa vie, l’histoire récente du Mali, des sacrifices consentis pour un meilleur avenir pour tous.

« Kadari Bamba a fait ses débuts dans les rangs du PAI en France, à Besançon avec les Moriké Konaré et a poursuivi la même lutte une fois rentré au pays. Il faut rappeler que le PAI-Soudan avait été créé le 13 septembre 1958 pour organiser la lutte pour l’indépendance.
A la proclamation de l’indépendance le 22 septembre 1960, il y a eu une scission au sein du PAI-Soudan. Une partie a fait alliance avec l’US-RDA et a créé le Parti malien du travail (PMT) en juillet 1965. Apportant un soutien critique à l’US-RDA, les militants du PMT ont apporté leur part à la consolidation de l’indépendance nationale, à l’éducation des masses sans ménager leurs critiques sur les insuffisances du régime. A l’époque, Kadari Bamba était directeur de l’usine des allumettes de la Sonatam. Il secondait Bakari Camara, directeur de l’entité cigarettes et directeur de l’ensemble de l’usine.
Le 20 novembre 1968, le PMT a diffusé une déclaration dénonçant le coup d’Etat du 19 novembre 1968 et appelant « le peuple à la résistance et les patriotes à s’unir pour faire face contre la re-colonisation du pays, pour le retour à une vie constitutionnelle normale » par « le retour des militaires dans les casernes et l’instauration d’une vie démocratique et pluraliste ». A la suite de cette déclaration, Kadari Bamba a été arrêté. Heureusement, il avait eu le temps de transférer les documents du parti de chez lui, sur la colline de Badalabougou au Quartier-Mali, chez un oncle à lui.
Détenu pendant 22 mois et 19 jours avec sanction disciplinaire de 6 mois à l’avancement, avec le regretté Abdrahamane Baba Touré, Bernard Sissoko, Oumar Yattara, Monoben Ogo Niangaly, Mamadou Doucouré dit V-Zéro, Santigui Mangara. A sa libération, le 14 mars 1971, il réintègre la direction du parti avec Bouba Sy, Birama Diakité, Abdoulaye Traoré n°2.
Kadari Bamba a été à tous les rendez-vous de l’histoire politique du Mali. Il a été un homme sobre, déterminé et intègre. Il a été en quête permanente de l’unité des patriotes et des démocrates. Kadari a été la cheville ouvrière, avec Abdrahamane Baba Touré, des contacts avec l’US-RDA et le PMRD. Il a également été au centre de la plate-forme du FNDP en décembre 1986, une plate-forme qui lançait le mot d’ordre de la généralisation de la lutte contre la dictature pour l’avènement de la démocratie pluraliste.
Il est également signataire de la lettre ouverte d’août 1990 adressée au président Moussa Traoré pour une ouverture démocratique. Il est membre fondateur de l’Adéma/Association le 18 octobre 1990 et de l’Adéma-PASJ le 25 mai 1991. Il a également été membre du gouvernement de Transition comme ministre des Mines, de l’Hydraulique et de l’Eau
Le seul combat qui doit lui survivre est l’unité des démocrates
».

Soumeylou B. Maiga

UN VOISIN DE QUARTIER TEMOIGNE :

« Kadari Bamba fut une icône »

Il m’arrive rarement de parler d’un homme. Mais permettez-moi aujourd’hui d’évoquer feu Kadari Bamba, député à l’Assemblée nationale, un homme que j’ai appris à connaître et dont la vie est un exemple à partager, à suivre.
Ce témoignage n’est pas un témoignage de circonstance, mais un devoir, une obligation morale. J’aurais aimé le faire en des occasions heureuses. Mais l’Eternel Dieu en a décidé autrement. C’est Lui qui donne la vie et c’est Lui qui la retire. Gloire à Dieu !

Kadari fut une icône. Je l’ai connu quand j’avais à peine 5 ans. Je retiens de l’homme des vertus comme l’humilité, la loyauté, la sagesse. Il était surtout intègre et profondément croyant. Un musulman pieux ! Il incarnait à lui seul toutes ces vertus et personne dans le quartier ne peut dire le contraire.

L’homme avait bon cœur. Nombreux sont les chefs de famille qui, à des heures indues, le réveillaient soit pour conduire un malade à l’hôpital soit pour amener une femme en parturition. Les enfants, nés presque dans ses bras, sont nombreux dans le quartier. Non pas qu’il était à l’époque le seul propriétaire de véhicule, mais parce qu’il était le plus disponible.

Son esprit de sacrifice devra être un exemple pour tout le monde. On le rencontrait à toutes les cérémonies du quartier au milieu des gens sans se faire remarquer. Peu bavard, mais très convaincant, l’homme était un vrai exemple de sagesse. Nous nous abreuvions de ses conseils. Il encourageait le travail, mais surtout le travail bien fait.

Son amour pour ce pays a fait de lui un grand travailleur, qui ne connaissait guère le repos. C’est à travers lui que les jeunes du quartier ont compris la notion sacrée du bien public. En effet, il a toujours utilisé à bon escient le bien public.

On l’a toujours vu garer le véhicule du service après le travail et faire ses courses à pied. Combien de chefs de service ou cadres de ce pays ont ce sens élevé de la chose publique ?

Kadari Bamba forçait l’admiration et le respect. C’est dans ce sens qu’il a élevé ses enfants et ses fils adoptifs. Il a vécu plus de 30 ans à Torokorobougou, il n’a eu la moindre anicroche avec qui que ce soit. Le quartier peut en témoigner. Kadari Bamba a tant et si bien joué sa partition ici-bas que nous nous devons de suivre son enseignement.
Panafricaniste, il était un démocrate qui aimait la justice et la liberté. Le Mali et l’Afrique tout entière viennent de perdre en lui un valeureux et digne fils.

Puisse son passage terrestre nous servir d’exemple ! Dors en paix Bamba comme t’appelait affectueusement tout le quartier.

Levy Dougnon
(Radio Jamana Djenné)

7 novembre 2005.