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Une façon de voir les choses qui ne correspond pas
toujours à celle des historiens, ainsi que cela est
ressorti du débat retransmis à la télévision
sénégalaise. Sur ce plateau très relevé, il y avait le
Sénégalais Iba Der Thiam, le Malien Bakary Kamian, les
Tchadiens Tchago Bouimon et Mahamat Saleh.
Thiaroye

En 1944, des tirailleurs sénégalais, de retour du
front, réclament un traitement égal à celui des
soldats français. Devant le refus des autorités
militaires françaises il se révoltent dans leur
garnison de Thiaroye, petit village sénégalais. Ils
sont alors massacrés par surprise par les soldats
français. La revendication d’un salaire égal est
étouffée dans le sang.

En 2003 la France décide de
“décristaliser” les pensions des tirailleurs
sénégalais. Cela veut dire que désormais elles peuvent
être augmentées, pour être indexées sur le coût de la
vie. On ne devrait donc plus entendre parler de ces
pensions misérables de 18 000 francs par semestre.

Mais il n’est pas question de faire plus qu’une
augmentation raisonnable, forcément inégale d’ailleurs
parce que indexée sur le niveau de vie dans chaque
pays de l’ex-immense empire colonial. En aucun cas,
pourtant, il n’est question d’indexer les pensions des
anciens combattants noirs sur celles des Français.

D’ailleurs il y a eu plusieurs Tiaroye, a expliqué le
Pr Tchago Bouimon, à des échelles plus ou moins
grandes. Les populations africains n’ont jamais adhéré
à la présence de l’ennemi français, qui parfois avait
simplement su camoufler le caractère agressif de
celle-ci.

Quand elles l’ont su, elles ont pris les
armes parfois près de deux décennies après “la
pacification
”, mettant fin au mythe de la France amie
et protectrice des Noirs.

Il y a eu ainsi les révoltes
bobo, marka, targui. La révolte malgache a été noyée
dans le sang, avec 110 000 tués ; la guerre d’Algérie
a fait 1 million et demi de tués et celle d’Indochine
(Vietnam) environ un demi-million.

Quelle est la valeur de cette journée ?

Le Professeur Iba Der Thiam de l’Université Cheick
Anta Diop a relevé que c’est à partir de l’engagement
des Noirs dans les deux guerres mondiales que la
France, par reconnaissance envers ses colonies, a
entrepris en leur direction des actions de
développement, notamment la création de ports, la
construction de voies ferrées, l’institution d’un
Fonds rural, d’un Fonds de développement économique et
social, la création d’une école d’enseignement
supérieur qui allait devenir l’embryon de
l’Université.

Les Noirs étaient donc des combattants
de la liberté, qui s’étaient rangés aux côtés de la
France patrie des Droits de l’Homme, dispensatrice de
la civilisation.

Quant au Pr Kamian, il a, au contraire relevé que la
solde du tirailleur sénégalais a toujours été
maintenue en dessous de celle du Blanc par une volonté
expresse des autorités françaises, citant à l’appui la
recommandation d’un gouverneur général en la matière.

Dans tous les cas, décristallisation ou pas, on se
pose toujours des questions sur la valeur de l’action
des anciens combattants. Ne furent-ils pas enrôlés de
force?

Avant d’aller combattre l’Allemagne, les
tirailleurs (joli nom au passage) n’ont-ils pas été
employés d’abord contre leur propre patrie, lors de
la conquête coloniale, contre El Hadj Oumar, Samory,
Ba Bemba et bien d’autres?

Ne sont-ils pas alors
comparables aux harkis, ces Algériens qui combattirent
du côté des Français pendant la guerre d’Algérie? Et
puis, pourquoi les ennemis de nos colonisateurs ne
seraient-ils pas nos amis? De quoi se mêlent ces
tirailleurs (rassemblés par le député Blaise Diagne),
dans une guerre entre impérialistes, cherchant à
asservir les peuples du monde?

Les colonisateurs français, qui ont fait sauter (au
Tchad) un homme à la dynamite pour faire un feu
d’artifice de 14 juillet, qui ont fait mourir des
milliers d’hommes aux travaux forcés sur le barrage de
Markaka, sur les voies ferrées, seraient-ils vraiment
moins barbares que les Allemands?

Et puis, quand la
France cesse de fêter le 11 novembre (armistice
mettant fin à la 1ère Guerre Mondiale) par amitié pour
l’Allemagne, faut-il que les Africains choisissent la
journée du tirailleur ?

Ibrahima KOÏTA

12 septembre 2005.