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Libre, indépendant, responsable de ses écrits et de ses paroles, le journaliste, -que ce soit en cas de guerre ou de paix, doit se garder des manifestations de la classe politique, refuser les discours de haine et, sans transgresser les règles qu’impose la déontologie professionnelle, tout faire pour favoriser la réconciliation et aider au rétablissement de la cohésion sociale.

Tel est l’essentiel du message livré par les 200 journalistes francophones rassemblés à Abidjan et Yamoussoukro (Côte d’Ivoire), en ce début de Décembre 2007, pour les 39èmes Assises de l’Union Internatonale de la Presse Francophone (UIPF).

Les points de vue d’un chercheur

Pour moi, les médias ne sont pas faits pour faire la paix, ni la guerre. Ils son là pour informer et analyser. Ils doivent laisser une place au sens critique du lecteur“, déclarait en substance Marc Lavergne, un chercheur français du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS) qui, depuis plus de vingt ans, travaille en Afrique, notamment au Darfour, au Soudan.

A propos de la neutralité et de l’impartialité du journaliste, le chercheur affirme : “Respecter la déontologie, c’est faire la part entre son sentiment personnel et son travail. C’est compter sans les contraintes qui pèsent plus ou moins sur n’importe quel journaliste ayant à rendre compte des faits“.

Et d’ajouter : “Il s’agit des contraintes politiques, économiques, techniques…, mais aussi celles engendrées par les nouveaux médias. Aujourd’hui, tout citoyen peut diffuser son opinion, sans garde-fou, sans respecter des règles du journalisme. C’est en somme un nouveau défi…”.

Toujours selon Marc Lavergne, “le journaliste doit en permanence faire preuve de diplomatie vis-à-vis de la hiérarchie et des autorités politiques, mais sans cesser de se battre pour sa liberté d’expression“.

Journalisme et libre arbitre

Le journalisme est l’un des rares métiers où, pour une phrase ou un mot, on risque non seulement sa tête, mais aussi celle des autres. Et “donner une information peut tout aussi bien donner la mort“, selon un haut responsable du programme Médias à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), M. Tidiane Dioh. La règle à ne jamais transgresser est donc de donner l’information en respectant le caractère sacré des faits.

Mais pour cela, il faudra que le journaliste soit libre de toute contrainte, particulièrement en matière morale. Car, comme le constate M. Tidiane Dioh, “quand un journaliste a peur, quand un journaliste a faim, il n’est plus du tout libre“. En somme, c’est comme dirait l’autre : “Ventre affamé n’a point d’oreille, encore moins… de plume”.

De façon inconsciente, le journaliste adhère au politiquement correct. Mias face à sa conscience, il lui reste une part de libre arbitre. Aussi, Tidiane Dioh, de remarquer que “partout, il y a des journalistes qui résistent à la pensée unique (NDLR : entendez, le mode dictatorial de gouvernance, en général).

Mais il est vrai que de nos jours, on les (les journalistes, NDLR) entend moins. Aussi, pour résister, le journaliste doit éviter de suivre les lignes de fracture politique, aller au coeur de l’action pour saisir l’information. Mais quand un journaliste dit : “J’ai fait tomber untel”, alors, il n’est plus dans le journalisme“.

Ne pas se brûler les ailes

Aux dires de Tidiane Dioh, il ne revient pas au journaliste de créer des conflits ou de faire la paix. En fait, les médias amplifient le plus souvent la parole qui crée le conflit : allusion faite à la fameuse radio “Milles Collines“. Mais la parole est celle des politiuqes qui savent… que les médias amplifient leurs paroles.

C’est pourquoi un confrère de l’organe “The Post” (Kinshasa, RDC), M. Cyrille Kiléba, remarquait tout en avertissant : “Le journalisme n’est pas le pouvoir, même si on a coutume de dire qu’il est le quatrième pouvoir. Le journaliste qui approche donc les politiques de trop près risque un jour de se brûler les ailes“. Autant dire… que la plume du journaliste ne peut pas faire long ménage avec le feu du politique.

En définitive, les médias sont tributaires de la réalité sociale de leurs pays respectifs. C’est précisément dans ce contexte que le journaliste peut être faiseur de paix… ou de guerre. Cependant, même dans les plus grands pays -à l’instar des Etats Unis-, on peut instrumentaliser la Presse.

C’est encore dans cet ordre d’idée que le journaliste doit savoir “naviguer avec prudence entre les eaux, surtout lorsqu’elles sont troubles”. Car, si la Presse n’a pas le pouvoir proprement dit, elle a néanmoins le pouvoir d’influencer l’opinion, pour que cette dernière impose, aux politiques, la voix et la voie de la paix.


Oumar DIAWARA

12 Août 2008