Après très peu d’Africains, (Réné Maran, Yambo Ouologuem, Alain Ma-banckou) unanimement salués pour leur apport fondamental au rayonnement des lettres, et après des monuments comme Aymé, Celine, Aragon, Clauzel, le prix Renaudot, décerné ce lundi, vient honorer, Thierno Mone-membo, pour son dernier roman, le Roi de Kahel, 261 pages, paru au Seuil en mai 2008.
L’écrivain guinéen qui s’exila en 1969 pour ne pas finir au Camp Boiro alors applaudi par les « progressistes » africains, ne sera, sans doute, pas infatué par cette distinction. D’abord, parce que les fastes et les paillettes ne doivent pas être la tasse de thé de ce biochimiste atypique de 61 ans dont la capacité d’autodérision est impressionnante tout autant que l’abondance profonde de son œuvre : neuf romans et une pièce de théâtre entre 1979 et 2008. Ensuite, parce plus d’une de ses œuvres avait été proposée à de célèbres distinctions avant que le destin n’en décidât autrement.
Le choix porté sur le Roi de Kahel qui, au-delà la Guinée, honore toute l’Afrique n’est pas fortuit : l’œuvre est à la fois dense et originale, dressant par-ci le procès-verbal de l’impuissance : « feuille par feuille, palmier par palmier, l’Afrique, doucement, refermera ses mystères », par là la satire de la démesure et le procès des gouvernances locales ramenées à leur dimension natale. Donc, pas plus loin que le nombril en lieu et place du projet collectif. Sauf, peut-être, celui du chemin de fer qui constitue la trame du récit du roman primé.
Mais qui sait si ce projet n’aurait pas fini par porter le nom de Sanderval ? En tout cas, de Crapaud brousse, à le Roi de Kahel, un beau parcours, méritoirement couronné, parce que la plume est belle et la thématique cohérente et pertinente : la trahison des clercs, l’infatuation des intellectuels, la tyrannie de l’exil, le soleil velléitaire des indépendances. D’où cet hommage sincère auquel s’associeront tous ceux qui sont « enceintes » de l’Afrique. Janjo simplement et sincèrement pour une tête bien faite.
Adam Thiam
Le Républicain du
11 Novembre 2008