« J’aime et je respecte l’Afrique… La France aime l’Afrique et se sent liée avec elle par les engagements de la fraternité, de l’histoire et du cœur », disait Jacques Chirac lors du dernier Sommet Afrique-France tenu les 15 et 16 février 2007 à Cannes. Le président Chirac aime l’Afrique parce qu’il s’est finalement habitué à « ses bruits et ses odeurs ».
« L’Afrique, ce sont des crises, des blessures au flanc du monde, dont la communauté internationale ne peut détourner les yeux car, aujourd’hui, les désordres régionaux ont souvent des répercussions planétaires », a déclaré M. Chirac devant les représentants de 48 Etats africains réunis à Cannes. C’était aussi en présence de la chancelière allemande, Angela Merkel, à qui il a demandé de « maintenir l’Afrique au cœur du prochain sommet du G8 en Allemagne ».
A l’occasion de son dernier Sommet Afrique-France, le président français a lancé un appel pour que, à l’heure de la mondialisation et de la globalisation, la communauté internationale « relève le défi du développement pour venir en aide à l’Afrique ». Il l’a aussi mis en garde contre « la facilité du court terme et les égoïsmes qui feraient que l’Afrique, avec ses immenses ressources naturelles, risque d’être une nouvelle fois, mise au pillage ».
Voix de l’Afrique
Loin de toute démagogie politique, force est de reconnaître que Chirac a été un grand avocat de l’Afrique dans les fora comme le G8. Il a beaucoup pesé dans l’annulation d’une grande partie de la dette de nombreux Etats dont le Mali et dans l’implication des pays riches dans la lutte contre des fléaux comme le paludisme, la tuberculose, le VIH/Sida, la pauvreté… Le président français a été, cette dernière décennie, la voix de l’Afrique dans toutes les rencontres internationales.
Ces dernières années, Jacques Chirac s’est présenté à ses pairs des pays du Nord comme un ardent défenseur des intérêts économiques des Etats africains. « Il est temps que les pays riches cessent de subventionner leurs producteurs au détriment de ceux du Sahel qui ont là leur unique source de revenu », n’a-t-il cessé de marteler joignant ainsi sa voix à celles des pays comme le Mali qui se battent pour sauver les filières coton. Une filière vitale pour leurs économies.
Il est vain de vouloir combattre la pauvreté en Afrique tant qu’on ne crée pas les conditions de l’insertion du continent dans les échanges internationaux. Tout comme des mesures s’imposent pour que ces échanges se fassent dans le respect de l’équité. Cela a aussi été un combat dans lequel l’Afrique a bénéficié du soutien de la France de Chirac.
Malgré son amitié avec une grande partie des dirigeants du continent, il ne manquait pas également de fustiger le « pillage » des réserves minérales du continent, tout en saluant au passage l’émergence d’une société civile africaine qui demande davantage de transparence dans l’exploitation des ressources.
Augmentation de l’aide publique au développement, mobilisation de la diplomatie française dans les instances internationales (G8) et association croissante de l’Union européenne en faveur de l’Afrique ont, entre autres, été les axes majeurs du soutien de Chirac aux pays africains.
Paradoxe d’une amitié
« J’ai tissé, de longue date, des liens personnels avec beaucoup d’entre vous et, vous le savez, j’aime et je respecte l’Afrique », a déclaré Chirac devant ses pairs du continent lors du dernier Sommet Afrique-France. Le paradoxe, c’est que bien qu’il se dise l’ami de l’Afrique, Chirac n’a pas su inverser les relations franco-africaines dans le sens souhaité par les peuples d’Afrique.
Les nouvelles générations, attachées aux principes démocratiques de la gestion du pouvoir, ne peuvent plus tolérer le soutien de Paris à des régimes politiques contestés comme au Tchad, au Congo-Brazzaville… Pour elles, ces interventions symbolisent le traditionnel « paternalisme » qui a toujours caractérisé les relations franco-africaines depuis la colonisation.
Pour de nombreux observateurs, Chirac, dans son rôle d’avocat, a beaucoup plus privilégié ses amitiés personnelles avec le fameux « cartel » des chefs d’Etats africains au détriment des vraies aspirations des peuples, notamment de la jeunesse africaine. Devant un parterre de 48 dirigeants africains (32 chefs d’Etat étaient présents physiquement, les autres avaient envoyé des représentants), Chirac a souligné la nécessité « de respecter un calendrier démocratique et d’observer la régularité des élections parce que les crises prennent souvent naissance dans des scrutins discutables qui entachent la légitimité ».
Même si cela découle d’une certaine évolution de la vision de celui qui disait, dans les années 1980, que « la démocratie est un luxe pour l’Afrique », on peut regretter que cela ne soit pas traduite en actions concrètes de soutien à la démocratie. La France a toujours complaisamment assisté aux modifications constitutionnelles qui ont maintenu au pouvoir des despotes africains comme Bongo, Compaoré, Deby… Pis, elle a même combattu des régimes démocratiquement élus comme celui d’Alpha Oumar Konaré dont le seul « crime » a été de n’avoir pas répondu à la convocation de Chirac à Dakar.
Aujourd’hui, Chirac part avec l’intime conviction qu’une « Afrique nouvelle est en marche » et qu’il a politiquement et économiquement contribué à cette renaissance africaine. Chirac l’Africain va bientôt s’éclipser de la vie politique active en promettant aux Africains que, « là où je serai, je ne vous abandonnerai pas ». Une promesse dont la tenue dépend en partie de la vision africaine de son successeur.
Moussa Bolly
14 mars 07.