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Les méfaits de la mondialisation

La mondialisation, c’est le fait que les économies nationales soient soumises, que les grandes décisions les concernant viennent de l’extérieur, notamment de la Banque mondiale et du FMI. Les pays en voie de développement sont des “pays au sous-développement entretenu”. Cette domination se concrétise par la globalisation (anglicisme identique à “mondialisation”) des moyens de communication : 73% des informations ne sont pas produites par l’Afrique. C’est la coloniation intellectuelle, culturelle, par laquelle les modes de pensée, de communication et de consommation sont touchés.

On avait dit que la mondialisation, surtout après la chute du communisme, créerait la prospérité mondiale. La pauvreté a-t-elle baissé? En chiffres absolus peut-être, mais le fossé entre riches et pauvres est abyssal. Le continent oublié c’est l’Afrique. D’autre part, la paupérisation est un processus au cours duquel on observa une perte de pouvoir, d’être, de dignité. La délocalisation n’y fait rien, ni les PAS (Programmes d’ajustement structurel). Et même l’introduction d’un critère humain, comme l’indice de développement humain, n’a pas empêché des pays comme le Mali et le Niger de demeurer à la queue de la liste des pays pauvres. Quant au volet social que la Banque mondiale ajoute désormais à ses prêts, le conférencier l’a qualifié “d’aménagement cosmétique”.

Toutefois, a-t-il averti, il faut que les pays pauvres demeurent solvables et ne permettent pas à leurs cadres corrompus de piller ses ressources. Le président Mobutu avait 5 milliards de dollars dans ses comptes en Suisse, l’équivalent exact de la dette de son pays à la même époque ! Il est trop facile de prendre la position d’éternelle victime et d’oublier la trahision de l’élite politique. Et le conférencier de rappeler l’épopée glorieuse du président Sankara, héros de la lutte contre la corruption.

Un des remèdes qu’il préconise est la coopération Sud-Sud, au niveau des pays comme au niveau des masses, ce qu’il appelle l’économie de résistance. En Egypte, dans les années 40, en Malaysie, plus récemment, il s’est développé des coopératives, à l’initiative des populations, qui ont fonctionné avc succès, a dit le conférencier.

Quand la classe intellectuelle importe les discours du Nord, on assiste là à un processus de paupérisation. On ne voit pas l’élite intellectuelle qui doit élaborer la resistance intellectuelle, proposer une alternative.
Les altermondialistes sont d’accord contre l’ordre capitaliste mondial, mais n’ont pas de vision commune pour le dévelopement et sont même parfois opposés entre eux.


Quels enseignements tirer de l’Islam?

L’économie islamique est-elle une économie de la résistance? D’abord, il faut commencer par dénoncer les pays arabes riches (comme l’Arabie Saoudite) qui sont au coeur du système capitaliste mondial et le confortent en logeant leurs capitaux dans ses banques. Et le fait qu’il existe quelques établissements “halal” (opposés à l’intérêt) n’est que l’exception dolosive confirmant la règle.

Or la lutte conre la pauvreté fait partie de la foi, a poursuivi le conférencier. Celui qui oublie le pauvre et l’orphelin n’est pas avec Dieu, disent plusieurs hadiths. En effet, il s’agit de préserver la dignité de chaque être humain, car l’extrême pouvreté porte souvent atteinte à la foi. Si le capitalisme mondial secrète la pauvreté, y compris chez lui, l’Islam a le moyen de l’enrayer.
Il s’agit d’abord d’aimer le pauvre ; de s’éduquer à l’aimer. C’est là être résistant. La foi, la piété et la bonté se rencontrent, dans le Coran, dans le même mot “al birr”.

La deuxième chose qu’enseigne l’Islam à ce sujet est le paiement de la zakatt. Ce n’est d’ailleurs pas une aumône, et il convient de remplacer le mot “enseigne” par “ordonne”, car la zakatt est une taxe, même si elle est inséparable de sa dimension spirituelle, purificatrice. La zakatt, qui ne doit pas favoriser l’assistanat, vise plutôt l’autonomisation des pauvres. Pour sa collecte, les musulmans des pays pauvres devraient instituer des structures appopriées, et pour sa distribution, il faut des gens qui connaissent profondément le terrain et donc les personnes les mieux désignées pour la recevoir. Les musulmans ne doivent pas laisser les ONG faire ce travail à leur place.

Le Ramadan fait penser aux pauvres une fois par an, mais c’est à ce moment que le musulman doit se soucier du pauvre. Le Prophète (SAW) était plus doux avec les pauvres qu’avec les riches.

En conclusion, a dit le conférencier, il faut s’ancrer dans la résistance en ayant un discours critique et auto-critique sur le système économique en cours, un discours de la transformation, pas de l’adaptation, dans le cadre d’une éthique musulmane rejetant en particulier toute aliénation.

Ibrahima KOÏTA

21 août 2006.