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Les Grecs avaient déjà menacé de le faire. Soumis par l’Union européenne à une cure drastique devenue nécessaire après de longues années de laisser-aller et de laisser-faire, Athènes s’était en effet rebiffée, brandissant pour servir sa cause le spectre d’un éventuel retrait de l’Europe des 27 ; fort heureusement, on en était resté là. Les Anglais franchiront-ils, eux, le Rubicon ? Hier en tout cas les sujets de Sa gracieuse Majesté et les ressortissants du Commonwealth résidant en Grande-Bretagne étaient convoqués aux urnes pour se prononcer : pas moins de 46 millions de voix pour trancher le furieux débat qui oppose depuis des lustres les partisans du « remain », entendez « rester », à leurs contempteurs du « leave », c’est-à-dire « partir ».

Alors, “brexit or not brexit ?” comme titrait Libération dans l’une de ses éditions. Si les deux camps se tenaient au coude à coude dans les sondages, au moment où nous tracions ces lignes, nul ne savait si, méritant amplement son surnom, la perfide Albion allait franchir le Rubicon avec des conséquences à la fois politiques, économiques, financières, sociales et humaines incalculables ou si, au contraire, elle resterait attachée à l’Europe et à 40 ans de vie commune.

Mais quoi qu’il en soit et quel que soit le verdict des urnes, cet épisode laissera de profonds stigmates dans l’histoire de la construction européenne. Et pour nous autres Africains, notamment d’Afrique de l’Ouest, elle laissera le goût amer d’un bien mauvais exemple.

Il faut dire que depuis les indépendances, les chantres du panafricanisme n’ont cessé d’affirmer qu’à défaut de réaliser leur idéal des Etats-Unis d’Afrique, l’intégration serait l’unique planche de salut pour des Etats qui, pris isolément, ne représentent pas grand-chose.

Et ils sont nombreux, les proverbes qui dans nos langues nationales vantent les vertus de la solidarité : « une seule main ne saurait ramasser la farine », dit un adage mossi tandis qu’un autre soutient que « c’est forcément à plusieurs que l’on hisse le toit de chaume sur la case ».

C’est donc fort de cela qu’une multitude d’expériences intégrationnistes ont jalonné notre histoire : du Conseil de l’Entente à la CEDEAO et à l’UEMOA aujourd’hui, en passant par la CEAO (Communauté économique d’Afrique de l’Ouest) l’OCAM, (Organisation commune africaine et Malgache) ou la CEBV (communauté économique du bétail et de la viande) pour ne citer que celles-là. Tout le monde s’accorde à reconnaître que dans cette intégration par cercles concentriques qu’ont toujours prônée les panafricanistes réalistes, l’expérience ouest-africaine est sans doute la plus avancée… sur le papier du moins.

Et voilà qu’après des décennies de travail acharné doublé de patience à toute épreuve, tout cela pour la construction pierre après pierre de l’édifice commun, voilà le mauvais exemple nous vient de ceux qui, dans une certaine mesure, nous ont inspirés et sur les instances de qui nous avons calqué bon nombre des nôtres qui font aujourd’hui notre fierté.

Alors pourvu qu’à l’échelle régionale cette tache du brexit ne déteigne pas sur les anciennes colonies britanniques d’Afrique de l’Ouest pour les enfermer dans un réflexe de repli sur soi en porte à faux avec l’idéal que prônait un fervent panafricaniste du nom de Kwamé Nkrumah qui déclarait, alors que l’Organisation de l’Unité africaine était portée sur les fonds baptismaux. «L’Afrique doit s’unir ou périr ».

H. Marie Ouédraogo
L’Observateur Paalga du 24 Juin 2016