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Méfiance réciproque entre GIE d’assainissement et populations, sous équipement des services techniques, manque de coordination des actions d’assainissement, tels sont les facteurs qui concourent à encourager la prolifération des déchets liquides et solides dans le District de Bamako. Cet état de fait s’accentue avec l’indifférence des autorités qui cachent leur laxisme pour indexer l’incivisme de la population.

La capitale malien-ne se métamorphose terriblement et perd son statut de ville coquette. Elle se trouve, de nos jours, confrontée à une dégradation accentuée de son cadre de vie. Cette dégradation, due principalement à des facteurs humains, s’accentue en dépit de l’abondance des textes législatifs qui exigent la bonne tenue du cadre de vie. Au rang de ces facteurs de dégradation du cadre de vie de la ville, nous pouvons retenir la prolifération des déchets solides, la mauvaise gestion des eaux usées domestiques, artisanales ou même industrielles, le bourrage des caniveaux dans la majeure partie des quartiers.

Au Mali, une multitude de règles législatives prônent la protection des villes contre ces nuisances. Ces règles sont défendues par des structures administratives, en l’occurrence les directions régionales de l’assainissement, du contrôle des pollutions et des nuisances (DRA CPN), les municipalités à travers des services urbains de voirie et d’assainissement, etc., qui doivent instaurer une politique de gestion des déchets. Mais à Bamako, l’unanimité est faite sur le phénomène de l’insalubrité. Au rythme des rencontres, les populations confient leurs inquiétudes face à cette situation déplorable du cadre de vie.

La Constitution ma-lienne dispose, en son article 15, que «toute personne a droit à un environnement sain. La protection, la défense de l’environnement et la promotion de la qualité de la vie sont un devoir pour tous et pour l’Etat». Au-delà de cette disposition de l’acte fondamental, le décret N°01-395/P-RM du 6 septembre 2001 fixe les modalités de gestion des eaux usées et des gadoues. L’article 2 de ce décret précise : «la gestion des eaux usées et des gadoues a pour objet la prévention et la réduction de la nocivité des eaux usées et des gadoues ; l’utilisation des eaux traitées pour divers besoins…».

Ainsi le branchement des eaux usées domestiques, le raccordement des établissements in-industriels, artisanaux et commerciaux aux ré-seaux d’égouts et la gestion des gadoues sont précisés.

Les activités qui portent généralement atteinte à la qualité de l’environnement se multiplient au mépris du décret N°03-594/P-RM du 31 décembre 2003 relatif à l’étude d’impact sur l’environnement et du décret N°06-258/P-RM du 22 juin 2006 fixant les conditions d’exécution de l’audit environnemental. Ces différents décrets exigent la prise en compte de la problématique environnementale dans les activités artisanales. Tout porte à croire aujourd’hui que les autorités municipales sont en panne d’initiative ou d’engagement pour l’assainissement de Bamako.

Le hic est la «pourriture» de nombreuses rues des quartiers résidentiels. Ni les autorités municipales, ni les propriétaires d’immeuble, encore moins les sociétés immobilières ne manifestent la moindre volonté de réhabilitation de ces rues aujourd’hui transformées en mare. Idem pour la zone industrielle.

La détérioration des conditions d’hygiène due à la mauvaise gestion des déchets solides et liquides est certainement pour quelque chose dans la proportion inquiétante prise par la précarité de la santé de la population. Des statistiques sanitaires témoignent de la persistance de certaines maladies telles que le paludisme, la diarrhée, les infections respiratoires aigües, la fièvre typhoïde.

Du point de vue technique, il existe un réseau de collecteurs et de caniveaux d’un peu plus de 400 km pour le drainage des eaux pluviales à Bamako. Ces collecteurs et caniveaux sont envahis essentiellement de matériaux solides qui entravent la circulation des eaux. Ce qui sous-tend que la ville n’est pas à l’abri d’une inondation.

Il est avéré que de nombreuses familles de la capitale ne sont pas abonnées aux GIE d’assainissement trouvant pour motif que les coûts de transport de ces déchets par les GIE sont trop élevés. Aussi, les familles qui se sont abonnées à ces GIE observent de sérieux retards dans l’évacuation de leurs ordures. Il faut dire que le dispositif d’assainissement précise que les GIE sont chargés d’acheminer les déchets ménagers vers les dépôts de transit. Et les autorités administratives éprouvent de sérieuses difficultés à mettre la population sur la voie d’un cadre de vie propre. Ils se cachent alors derrière leur laxisme pour dénoncer l’incivisme de la population.

Faut-il souligner que l’assainissement doit être considéré comme un phénomène qui conditionne fortement la santé d’une population. Le réseau de mini-égouts et des petits caniveaux d’assainissement enterrés existant à Bamako ne peuvent encore desservir que 3 % de la population. Aussi, l’insuffisance ou le manque de proximité des dépôts de transit légaux a encouragé l’expansion des dépôts anarchiques. Cet état de fait s’accentue avec l’absence d’une décharge finale officielle.

La direction du service urbain de voiries et d’assainissement (DSUVA) estime que ses efforts ne peuvent venir à bout de l’évacuation de tous les déchets anarchiques de la capitale. On estime que la population produit en moyenne 766 500 m3 de déchets solides par an sur lesquels la capacité d’enlèvement de la DSUVA ne peut excéder 60 %. Il est dénombré environ 100 dépôts anarchiques dans chaque commune du District de Bamako.

Nous retenons qu’un site de 51 hectares situé à Noumoubougou (à 1 km de Tienfala) est retenu pour être la décharge finale. Ce site, dont le coût d’aménagement est évalué à 11,8 milliards de F Cfa, cherche désespérément un financement depuis des années.


Seydou Coulibaly

11 Septembre 2008