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Indexée

web-26.jpgQuelques mois plus tard, l’inévitable survint. Hawa Diallo tomba en état de grossesse. Les femmes du quartier connaissant son passé, n’arrêtaient pas de se moquer d’elle et de la tourner en dérision. Elle était montrée du doigt chaque fois qu’elle passait dans une rue. Sa situation devint intenable après la fuite de son concubin. Famakan Keïta ayant constaté la grossesse de Hawa, avait pris ses cliques et ses claques pour une destination inconnue. Guère courageux, il ne devait pas être fâché de fuir les quolibets qui s’abattaient quotidiennement sur leur couple.

Restée seule avec sa fille de 4 ans issue de son mariage, Hawa Diallo quitta à son tour Kita pour se réfugier à Bamako. Pensant qu’elle pouvait se fondre facilement dans la cohue de la capitale, elle espérait ne pas être repérée et persécutée par les ressortissants de son village.
A Bamako, elle parvint sans peine à se faire engager comme femme de ménage chez Ali Oueleguem, un notable bien connu à Kalabancoura ACI. Ali, très généreux, considéra la nouvelle « bonne » comme un membre à part entière de sa famille. Il lui réserva une chambre dans sa cour. Le vieux s’occupait de la fille qui accompagnait Hawa au même titre que ses propres enfants. Tout allait comme sur des roulettes pour la dame Hawa Diallo. Elle se sentait parfaitement intégrée dans l’entourage de ses nouveaux « parents« .

Sa grossesse évoluait normalement. Au début de la semaine dernière, la nuit tombée, Hawa sentit que le temps de la délivrance était proche. Des douleurs la taraudaient au niveau de l’abdomen. Mais elle se garda d’en aviser les femmes de son patron. Vers 2 heures du matin, elle donna naissance sans assistance à une fille. Après avoir procédé à sa toilette intime, elle réveilla une de ses logeuses et l’informa qu’elle avait accouché d’une fille. La femme se prit la tête devant l’aveu d’une telle étourderie. Elle lui demanda pourquoi elle n’avait pas voulu les réveiller pour se faire conduire au dispensaire du quartier.

Hawa Diallo estima qu’il n’y avait pas lieu de déranger les gens pour un accouchement. Elle ajouta qu’elle n’en était pas à sa première maternité et qu’elle était en mesure de s’en sortir seule. Elle venait d’en administrer la preuve. Le nouveau-né était déjà drapé dans un pagne neuf et la chambre ne recelait plus la moindre goutte de sang.

L’argument convainquit les membres de la famille qui avaient défilé dans sa chambre pour souhaiter longue vie au nouveau-né, une jolie petite fille. Le lendemain, lorsque le chef de famille apprit la nouvelle, il fit conduire Hawa Diallo au centre de référence de la Commune V dans une de ses voitures. Elle reçut des soins des mains des spécialistes. De retour, Ali Oueleguem obtint de ses épouses de laisser Hawa se reposer le temps qu’il fallait pour récupérer. La parturiente a été priée de ne plus rien faire, jusqu’après le baptême prévu une semaine plus tard.

Cris de bébé

Dans la nuit du 28 au 29 août, un jeune homme membre de la famille rentrait tardivement d’une promenade nocturne. Il entendit l’enfant de la femme crier très fort. Il ne prêta pas attention aux pleurs du bébé et alla se coucher. Quelques instant plus tard, toute la famille se retrouva sur pied. Hawa Diallo criait et s’arrachait les cheveux. Aux questions qui fusaient de partout, elle expliqua que sa fille aînée avait fait ses besoins. Après l’avoir nettoyée, elle s’était rendue dans les toilettes pour balancer l’eau usée. A son retour, elle avait découvert que son nouveau-né avait été volé. Il y eut effervescence dans la famille. Tout le monde se mit à chercher et à fouiller les moindres recoins de la maison et ses alentours. Ali se munit d’une lampe torche et voulu visiter les toilettes. Hawa Diallo l’en dissuada en lui expliquant qu’elle avait déjà cherché de ce côté.

Après de vaines recherches, le chef de famille se rendit à la police pour faire une déclaration de vol de bébé. L’inspecteur Chaka Traoré, le chef de la brigade de recherche et de renseignements, reçut sa déposition. Il convoqua Hawa pour l’auditionner et envoya des policiers inspecter les toilettes. L’audition et la fouille ne donnèrent rien. Mais cela ne découragea pas le policier curieux. Il soumit la femme à un interrogatoire serré. Celle-ci finit par craquer et avoua qu’elle avait tué sa fillette par strangulation. Elle avait jeté le corps au fond de la fosse septique de la famille. L’inspecteur Chaka alerta le service de la Protection civile, qui se rendit sur les lieux. Il a fallu une journée entière aux sapeurs-pompiers pour défaire les dalles des latrines. Ils repêcheront le pauvre bébé le cou serré dans un nœud inextricable. Dans ses derniers spasmes, le nourrisson avait rejeté du sang et du lait maternel par les narines.
La mère indigne a reçu la visite de L’Essor dans sa cellule. Elle a justifié son crime par la crainte de porter un bébé dont le père, son copain, l’a abandonnée à son sort, alors qu’il était la cause de son rejet par son mari et la société. « Je sais que j’ai commis un crime. Mais je préfère passer tout le reste de ma vie en prison que de garder un enfant dont le père n’a pas voulu m’épouser. J’ai été prise en flagrant délit d’adultère en sa compagnie. Et j’ai été bannie du village Dafila à cause de cet homme« , nous a-t-elle confié.

Hawa Diallo qui ne semble pas mesurer la gravité de son acte, a été déférée au parquet de la Commune V. Un juge d’instruction lui apprendra qu’elle est une criminelle dont la société doit se protéger. Sa fille de 4 ans a été confiée à la brigade des mœurs qui se chargera de la renvoyer à Dafila.

G. A. DICKO | Essor

05 septembre 2007