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La lutte pour l’indépendance du Mali courageusement menée par les pères fondateurs a pu aboutir grâce à la conjonction d’un certain nombre de facteurs dont le principal est la volonté inébranlable de recouvrer la dignité, et souveraineté nationale et internationale perdues par le fait colonial. Pour nous parler des actions politiques menées par les hommes et les femmes fondateurs de l’Union Soudanaise RDA, nous avons approché celui qui a fait parti de la toute première génération du Mouvement pionniers de la première République, Bakary Konimba Traoré dit Bakary Pionnier. Il évoque la lutte politique des premières heures du Mali indépendant et fait un rapprochement avec la lutte politique actuelle.

Pour Bakary Pionnier, les luttes politiques ont toujours pour finalités l’aboutissement à une situation meilleure. Il y a des aspects que toute lutte partage avec les autres. Toutefois, ajoute t-il, il peut exister des spécificités dans les modalités, dans les orientations, dans les objectifs et dans les moyens à déployer.

Parlant de la lutte politique pour l’indépendance, Bakary Traoré se souvient que la préoccupation fondamentale des Etats, sous domination coloniale, était de recouvrer leur souveraineté. « Le Mali, étant un pays comme les autres, qui est habité par des populations qui avaient leur histoire propre, un style différent, une culture différente, n’échappe pas à cette règle. Nous étions des colonies de l’Occident et particulièrement pour le Soudan français».

Pour lui, en raison de tout ce que le colon faisait supporter aux peuples colonisés en terme d’exploitation des enfants de 11 ans qui pouvaient travailler pendant 12 heures voire 18 heures d’horloge, ou même des femmes enceintes, les gens ont été obligés de créer dans un premier temps des mouvements ouvriers qui seront puissants pour pousser les chefs d’entreprises à leur accorder des faveurs. « La colonisation, donne obligatoirement lieu à des mouvements de libération, soit par des combats politiques, soit par la prise des armes. Certains pays, pour sortir de la colonisation, ont dû passer par la guerre », souligne t-il en insistant sur les cas de l’Algérie, de la Guinée Bissau et de l’Angola.

Les pères fondateurs de l’indépendance, aidés en cela par les mouvements politiques nés à la faveur de l’émancipation politique qui se dessinait au niveau des métropoles, et en accord avec les cadres des Etats colonisés qui avaient siégé au sein du gouvernement français et de l’Assemblée française (pour le cas du Mali), ont organisé des systèmes qui font que la notion d‘être libre, d’avoir la souveraineté pleine, est un droit pour tous les peuples.


Dans cette dynamique, ils ont imaginé les formes d’organisations syndicales et politiques qui n’étaient que les prolongements des partis qui existaient déjà au niveau de la métropole.
Un choix raisonné

Dans le contexte malien, confie le Pionnier de l’indépendance, on avait des pères qui, à leur jeune âge, ont vu soit leurs pères, soit leurs grands frères se battre contre la pénétration coloniale. De sorte que, par prudence, ils ont choisi comme stratégie de lutte de s’accommoder en se préparant dans la discrétion, tout en évitant l’approche frontale qui est synonyme de destruction certaine du pays par l’ennemi qui a, à sa disposition des moyens très redoutables comme les armes à feu.

« En 1946, nos pères fondateurs, les Mamadou Konaté, Modibo Keita, Fily Dabo Sissoko, Madeira Kéita, le Dr Konimba Pléa, Amadou Djicoroni, le vieux Massa Sidibé, sont entrés dans la lutte politique et ont été de ceux qui ont été très célèbres par rapport au mouvement politique.

Etant des gens qui avaient en eux encore les valeurs fondamentales, culturelles de notre pays en termes de dignité et d’amour pour leur pays, ils ont commencé les débats et les revendications », mentionne Bakary pionnier. Qui ajoute que cela n’a pas été facile car, ça leur a valu souvent d’être mutés arbitrairement, d’être privés pendant un moment de leurs salaires, d’être souvent relevés de leurs fonctions. Certains ont été souvent mis en prison ou menacés.

Pour l’actuel secrétaire politique du Rassemblement pour le Mali (RPM), le mouvement étant désormais enclenché, il était difficile de le freiner. Et de préciser que déjà dans la plupart des discours, un mot revenait sans cesse : l’émancipation. Un terme qu’on rencontrait également fréquemment au fil des écrits des poètes comme Léon Gontran Damas, Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire.

Pour celui qui était au moment des faits tout jeune pionnier, tout ce bouillonnement intellectuel sorti des poèmes, des pièces de théâtres, des romans, de la question des anciens combattants, de l’action des hommes politiques…, a constitué un cocktail de situations, de prises de conscience, de nécessité d’aller vers l’indépendance. Seulement, tempère t-il, eu égard aux rapports de force, aux complicités, aux amitiés et convictions, chacun, selon sa particularité, voulait imprimer à la lutte son cachet.


Profondément attachés aux valeurs du pays

Après l’éclatement de la fédération, l’US RDA qui était de loin le parti le plus fort, a bénéficié de certaines adhésions comme celles des militants du PAI (Parti africain pour l’indépendance). Il sera d’ailleurs suivi quelque temps après par le Parti progressiste soudanais (PSP) qui, en congrès, avait également pris la décision de se saborder en invitant ses militants à rejoindre l’US RDA. Ces actions et prises de positions politiques n’étaient point une surprise, car au début de l’indépendance, les conditions favorisaient d’un regroupement pour la création d’un parti unique.

Comparant la lutte politique au moment de l’indépendance et celle d’aujourd’hui, Bakary pionnier souligne que la différence fondamentale qu’on peut tirer entre ces deux périodes réside dans le comportement des pères de l’indépendance. Ils avaient été, à la différence des gens d’aujourd’hui, à l’ école coloniale et avaient eu des diplômes d’instituteurs, de sages femmes, de grands commis de postes, une formation de syndicalistes très solide. Mais, il s’agit également de gens qui avaient un attachement très profond aux valeurs de leurs pays.

Ce qui explique que dans les documents de base qui plaçaient les fondements de l’Etat nouveau du Mali, ils ont mis tous les grands axes en place, qu’il s’agisse de l’économie, de la justice, du système de l’école avec la reforme de 1962. Il y a le schéma directeur de Bamako qui date de 1963 et qui, à cette date déjà, avait prévu pour Bamako, 4 ponts. Aujourd’hui, on est au troisième qui doit être réalisé au niveau de Sotuba. Ce sont des projets auxquels, ils ont déjà pensé, mais que les régimes successifs, pour des raisons de velléités, n’arrivent pas toujours à réaliser.

L’autre point de différence c’est que, au moment des indépendances, il s’est agi de se libérer du pouvoir colonial.

De nos jours, avec la démocratisation, la lutte politique prend une toute autre dimension. Et se mène entre les citoyens d’un même pays, indique Bakary Konimba. Qui note, au passage, la perte de certaines valeurs par les hommes politiques actuels, qui renoncent au fait démocratique pour des intérêts personnels.

Pour lui, il s’agit d’une telle pratique qui ne fait nullement honneur aux hommes politiques, bien au contraire. Ce qui, observe t-il, ne peut et ne doit être une ligne conductrice pour l’homme politique au sens vrai du terme. « La politique doit être livrée par les hommes et les femmes qui posent les problèmes de fond d’une société. Donc, qui savent se mettre au service de leur peuple et non pas se servir de celui-ci ; servir son parti et non pas s’en servir pour des intérêts individuels».

OUMAR DIAMOYE

18 Septembre 2008