Depuis mars 1991, le Mali a centré sa politique sur la démocratie et le développement, deux conditions nécessaires à la promotion socio-économique des femmes. Dans cette optique, l’intervention de Mme Barry Aminata Touré, présidente de la Coalition des Alternatives Africaines, Dette et Développement (CAD-Mali) et coordinatrice l’Alliance contre la Pauvreté au Mali. (AP/Mali), le thème de “l’environnement politique, social et économique, la pauvreté des femmes et les impacts de la mondialisation”, prend toute sa valeur.
Rappelons qu’au Mali, les femmes représentent 51,1% de la population. Les études réalisées dans le cadre de la préparation du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) ont montré que les femmes constituent la frange sociale la plus touchée par la pauvreté avec 69%, contre une incidence globale de 68,8%.
Femmes, société et développement
Selon Mme Barry Aminata Touré, dans les sociétés traditionnelles, la très forte dominance culturelle et religieuse consacre, à la femme africaine, un caractère de mythe et de sacralité, en raison de sa féminité. Elle est exclue de certains rites d’initiation, et sa participation se résume à une consultation informelle, plutôt qu’à une implication réelle à la prise de décision.
Il s’agit bien des sociétés patriarcales au sein desquelles le pouvoir de décision revient totalement à l’homme, le chef de famille incontesté. Il n’en demeure pas moins, cependant, que la femme est le pilier de la famille. Elle s’occupe de l’éducation des enfants, de la cuisine, et est chargée d’assurer le maintien des liens sociaux de la famille.
C’est la femme qui transfère les us et coutumes de la société, du fait de son rôle de mère qui la rend beaucoup plus proche de l’enfant. La femme, en milieu rural, est essentiellement confinée dans le travail domestique (travaux de ménage, cueillette de fruits, ramassage de bois, recherche de l’eau, etc.) ; très souvent elle possède un lopin de terre près de sa maison, pour faire du maraîchage dont les produits servent à enrichir le plat collectif, et aussi, à augmenter le revenu familial.
En milieu urbain, les femmes sont très actives dans le secteur informel. Elles pratiquent des activités de petit commerce, d’aides ménagères, et d’employées de bureau. Ces activités leur permettent de contribuer à augmenter le revenu et le bien-être des familles. Aussi, la participation des femmes aux actions d’assainissement et d’hygiène publique contribue à l’amélioration du cadre de vie et la diminution des dépenses familiales.
Le devoir de citoyenneté et l’implication à la gestion de la vie publique a imposé aux femmes une participation plus importante dans la vie militaire, par sa participation au service de maintien de la paix et au règlement des conflits en milieux civils et dans les zones de conflits militaires.
Depuis l’ouverture démocratique survenue dans notre pays, en mars 1991, on assiste à l’émergence de nombreuses femmes-leaders politiques, en plus de celles déjà actives avant et au cours des années d’indépendance. Cette activité des femmes contribue au renforcement des capacités des associations et ONG de femmes qui excellent dans le développement à la base.
Les femmes et la mondialisation néolibérale
Toujours selon Mme Barry, ce n’est pas un paradoxe de lier le binôme “Femme et mondialisation”. Avec l’application des programmes d’ajustement structurel, nos Etats se sont désengagés de tout ce qui est services publics, procédé à la privatisation des sociétés et entreprises d’état, et par conséquent, diminué le personnel des services de l’administration publique. Ce qui a contribué à l’effondrement des conditiosn de vie sociale et économique de la femme et de sa famille.
En effet, ajoutera-t-elle, “les institutions de Bretton Woods, bien ancrées dans le système capitaliste, que ce soit l’ONU et ses agences, comme le FMI et la Banque mondiale, ont perturbé le bien-être des femmes qui était déjà précaire, à cause de l’analphabétisme et des préjugés sociaux. Le système capitaliste, dans lequel c’est le marché et les plus riches qui ont le pouvoir, a, comme effet, la marginalisation des femmes dans la mondialisation, puisque beaucoup ne sont pas instruites, n’ont pas la liberté de travailler au même rythme que les hommes et n’ont pas les moyens nécessaires (moyen de production, et d’accès au marché et les techniques nécessaires).L’un des objectifs des Accords de Partenariat Economique (APE), qui est l’intégration des économies ACP dans l’économie mondiale, n’est qu’une ouverture de leurs marchés aux importations européennes. Les pays ACP, avec leurs contraintes internes, seront confrontés à la superpuissance économique et commerciale de l’Union Européenne, car les produits agricoles consommés seront couverts par les règlements sanitaires et phytosanitaires (SPS).Le renforcement du leadership des femmes, dont se gargarisent les institutions onusiennes et multilatérales, se greffe en effet sur des relations inchangées, où le travail des femmes n’a pas été modernisé depuis, et où l’exploitation prédominante se situe encore en dehors de la sphère monétarisée officielle.”
Aussi, la présidente de CAD-Mali concluera :“A ce niveau-là, les initiatives sont nombreuses : il y a, par exemple, une opération de grande envergure de récupération de tout ce qui peut être subversif dans la lutte des femmes, de ce qui a constitué un modèle de développement féministe véritablement porteur de transformation. L’analyse des impacts des politiques de la BM, du FMI et de l’UE démontre que, bien que la femme contribue, au niveau de la société, au développement du pays, elle reste encore démunie et marginalisée. Il est donc impératif, pour les acteurs, de se mobiliser davantage pour lutter contre la pauvreté et atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement”.
Mariétou KONATE
25 juillet 2007.