Loin d’être une visite de travail, la présence de Nicolas Sarkozy à Bamako était une opération de charme à l’adresse des Maliens et des autorités maliennes. Cette loi suscite des polémiques aussi en France que sur le continent africain. Le Ministre français de l’intérieur était venu s’expliquer puisqu’il sait que cette loi d’immigration choisie qui vient d’être adoptée en France vise en premier lieunos compatriotes qui vivent en France.
Des compatriotes qui, par ailleurs, contribuent fortement au développement économique de notre pays à travers les importants transferts d’agent qu’ils effectuent. Ainsi, ces conséquences de l’application de cette nouvelle loi sont en effet énormes chez nous. D’où la colère qui a accueilli l’hôte d’hier. Nos compatriotes, qui sont d’une hospitalité légendaire, ont dit non à cette présence de Sarkozy à travers les manifestations hostiles organisées dans les rues de Bamako.
C’est ainsi qu’après la marche organisée par certaines associations de la société civile la veille de son arrivée, le Conseil national des jeunes du Mali et d’autres citoyens maliens se sont rassemblés pacifiquement hier devant le Consulat général de France au Mali. Ils scandaient des slogans hostiles du genre : « contre la visite de Sarkozy au Mali ; contre la loi d’immigration choisie ; au Mali, l’hospitalité n’est pas choisie« .
Malgré la présence d’une cinquantaine de policiers sur les lieux, ces manifestants ont pu se faire entendre. Au même moment, Nicolas Sarkozy visitait le consulat. Sans prêter attention aux manifestants, le ministre français prennait un petit bain de foule avec les demandeurs de visa qui souffraient le martyre au Consulat de France.
Certains de nos ministres s’affichaient fièrement avec Nicolas Sarkozy. En compagnie de nos ministres, l’hôte a ensuite visité deux « exemples réussis » de réinsertion de certains migrants revenus au pays. Un jardin d’enfant a été visité par le ministre d’Etat français. Sa promotrice ? Une femme qui a résidé en France pendant 13 ans. Avec la politique de co-développement, cette malienne a accepté de revenir au bercail contre une pécule de 7 000 euros.
Deuxième endroit visité : un salon de coiffure et d’esthétique manucure et pédicure appartenant à Djénéba N’Diaye qui a bénéficié de 4 000 euros. Côté officiel Si la visite de Nicolas Sarkozy peut être qualifiée de tumultueuse dans les rues de Bamako, côté officiel, les autorités maliennes ont fait leur cette phrase de ATT : « l’hospitalité n’est pas choisie au Mali« .
Les séances de travail qui ont réuni les délégations maliennes et françaises tant à l’Administration territoriale et des Collectivités locales qu’à la Primature ont permis de faire le point de la coopération entre les deux pays dans les domaines de la sécurité, l’état civil et le co-développement.
A la Primature, le Premier ministre, Ousmane Issoufi Maïga, a affirmé : « les relations franco-maliennes sont très importantes pour nous, la France étant le premier partenaire au développement de notre pays« . Cependant le Premier ministre ajouta : « nous apprécions hautement cette visite et le choix porté sur notre pays au moment même où par le hasard des choses l’Assemblée nationale de votre pays votait la loi sur l’immigration, un sujet hautement sensible pour un peuple de migration comme le nôtre« .
Ousmane Issoufi Maïga a aussi estimé : « le gouvernement du Mali ne confond pas et ne fait pas d’amalgames en recevant l’illustre ministre d’un pays qui accueille une forte communauté malienne« . Selon lui, nos compatriotes, ceux d’ici, comme ceux de l’extérieur ont certainement des préoccupations fortes que nous comprenons et que nous respectons. « Ces préoccupations, leurs inquiétudes et leurs espérances, le gouvernement du Mali a souci de les partager avec vous, et espère trouver des réponses adéquates à leur donner« .
Occasion pour Nicolas Sarkozy de s’expliquer sur sa fameuse loi. L’immigration est sensible Selon lui, l’Europe et l’Afrique ont un destin lié par rapport à l’Ouest, aux Amériques et par rapport à l’Est, l’Asie : « nous réussirons ou nous perdrons ensemble« . Le ministre français dira qu’il n’ignore rien de « la responsabilité particulière de la France vis-à-vis de l’Afrique« .
La France étant le premier partenaire bilatéral du Mali. « S’agissant de la question hautement sensible de l’immigration, affirma Nicolas Sarkozy, c’est encore un point commun entre le Mali et la France. L’immigration est sensible ». Qu’avons nous voulu faire ? s’interrogea-t-il.
Pour Nicolas Sarkozy : « nous ne voulons plus que se reproduise en France le scandale de ce qui s’est passé au mois d’août dernier avec des Maliens, hommes, femmes et enfants qui meurent parce qu’ils sont entassés dans des taudis« . Parlant de dignité évoquée par le Premier ministre Malien, le ministre français estime : « la seule façon de garantir la dignité, c’est de comprendre que le premier ennemi du Malien en France en situation régulière c’est celui qui est en situation irrégulière, qui arrive et crée l’amalgame« .
Il révéla qu’il y a eu 22 000 demandes de visas pour la France l’an passé dont près de 15 000 ont été acceptées, soit 70 % de satisfaction. « Nous sommes prêts à aller plus loin notamment pour les étudiants« , a promis Sarkozy. Avant d’ajouter : « notre politique est simple, plus de droit pour le Malien en situation régulière et moins de maliens en situation irrégulière« .
Aucun pays d’Etat de droit, selon lui, ne peut nous reprocher cette politique. « Notre intérêt, l’intérêt de la France, dira Sarkozy c’est que le maximum d’étudiants apprennent le français. « Nous connaissons les règles de l’humanité : c’est la patrie des droits de l’homme, la France et parmi celles-ci le droit au regroupement familial. Et le droit au regroupement familial c’est pas le droit de s’entasser dans un taudis pour trouver ses enfants morts asphyxiés, c’est le droit de faire venir sa famille du fruit de son travail« , explique-t-il.
Selon Nicolas Sarkozy, il n’y a aucun malentendu à voir dans l’immigration choisie. Il y a d’abord immigration et immigration. Elle peut être une opportunité pour qu’elle soit conçue, voulue, organisée. « Des deux côtés – du Mali et de la France – qu’on plaide encore sans tabous, sans non-dit avec le souci de respecter les hommes et les femmes et de nous inscrire dans la tradition qui est celle de l’émigration pour le Mali et celle de l’immigration pour la France« .
La France, selon Nicolas Sarkozy, est une nation généreuse mais la France ne veut pas de « la bonté, de la xénophobie, du racisme« . Sarkozy dira enfin : « si nous ne faisions rien, c’est la xénophobie raciste qui montera ; si nous ne faisions rien, ce sont les extrêmes qui prendraient les dessus par rapport à une tradition d’ouverture de notre pays« .
Birama Fall
19 mai 2006.