Partager

Et quand, par miracle, elles franchissent cet obstacle, elles ne sont pas pour autant sorties de l’auberge si l’on s’en tient aux moqueries sourdes dont elles sont l’objet, par moments, victimes de la part de ceux pour qui elles cuisinent. A vrai dire, la tomate, l’oignon, l’ail, le persil, la carotte, l’échalote (la liste n’est pas exhaustive) dépassent désormais le pouvoir d’achat des consommateurs. D’ailleurs, ce n’est pas plus leur cherté que leur fraîcheur qui pose problème.

Par mauvaise conservation ou en raison d’un long voyage, ils sont souvent talés alors qu’ils prennent la part du lion dans les budgets de consommation. Et pourtant, ils sont loin d’être des produits de luxe à l’usage des seuls riches. Sources de vitamines et d’oligo-éléments, ils assurent, enseigne-t-on, l’équilibre alimentaire de l’individu.
On pouvait encore accuser la nature (elle a décidément le dos large) de n’avoir pas été généreuse. Mais, cette année, il faut être vraiment fou à lier pour ne pas s’apercevoir qu’il pleut abondamment. Il y a donc de l’eau à gogo. C’est l’espace qui manque le plus. Et de ce point de vue, la culpabilité de l’homme malien est entière.

Saviez-vous par exemple que le quartier de Bougouba et une partie de Sotuba, naguère QG des maraîchers du district, ont été lotis et vendus ? Rien que de superbes villas en lieu et place ! Saviez-vous que l’ACI-2000 était une zone de production par excellence de fruits et légumes ? Que des malades blanchis de la lèpre tiraient leur subsistance de cette activité ?

Qu’en est-il aujourd’hui du lit du fleuve à Bamako alors qu’hier seulement on pouvait y acheter pour 500 F CFA de salade et en distribuer à tout un « carré » ? Avec le même montant, on aurait du mal, de nos jours, à tromper la faim d’un gamin. Bref, dans la capitale, il n’y a plus une seule coudée pour les espaces verts, à plus forte raison pour le jardin potager.

Dommage ! Mille fois dommage ! Par soif de terre ou par simple désir de paraître, fut-il au détriment du bien-être commun, on a ignoré les cris de désespoir des producteurs, dont les baux emphytéotiques ont été résiliés en plein midi par des dépositaires de l’autorité publique. Les maraîchers, chassés, exercent désormais loin de la capitale. Et comme ils n’ont pas vocation à vendre à perte, ils décident des prix en fonction du coût de production. C’est aussi simple que cela. J’aurais tendance à dire que c’est bien fait pour nous.

Mais, je me contenterais simplement d’indiquer et non de prophétiser qu’au train où vont les choses, la cherté des légumes ira crescendo, car c’est toutes les zones de culture qui sont convoitées au Mali où notre narcissisme, matérialisé par un engouement sans précédent pour l’immobilier, nous aveugle chaque jour un peu plus, nous étouffe et finira par nous perdre.

Je n’en veux ni aux producteurs ni aux revendeurs, ils sont presque dans leur droit. J’accuse l’Etat, j’accuse les hommes politiques, j’accuse la société civile parce qu’ils jurent la main droite sur le cœur de nous protéger alors qu’ils nous laissent agir contre nous-mêmes. Mais pourquoi diable ne remettons-nous pas une bonne fois pour toutes les choses à l’endroit ? Brrr !

A. M. T.

30 aout 2010