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Si le Sénégal a son monument de la Renaissance africaine, le Mali pourra bientôt aussi se vanter de son autoroute Bamako-Ségou. Sur ce plan, on va sur un match nul entre deux présidents qui se veulent des bâtisseurs à l’image des Pharaons d’Égypte.

Fort de son amitié avec la Chine, notre président, qui entend finir son règne dans l’apothéose le 8 juin 2012, a décidé de faire la plus longue autoroute (240 km) du pays, voire de la sous-région. Coup de l’opération : plus de 182 milliards de F CFA, 2 milliards de plus que la recette issue de la cession de 51 % de la Sotelma. C’est « maousse », comme l’aurait dit un de ses prédécesseurs.

On pouvait a priori penser à une saine émulation entre Dakar et Bamako. Mais à voir la chose de plus près, on se croit sorti d’un rêve cauchemardesque aux prises avec des loups-garous, car au moment où les doléances s’amoncellent sur la table du gouvernement, mettre 182 milliards de F CFA dans le bitume, même si c’est à crédit, n’est pas forcément un gage de… prévoyance.

Admettons que les revendications enseignantes sont perpétuelles, c’est-à-dire qu’elles n’émeuvent plus que ceux qui s’échinent à trouver des poux sur le crâne rasé des autorités, convenons-en cependant : la manne financière pouvait servir à mieux.

Et donc, pour marquer pour l’éternité son passage à la tête de l’État, le président aurait pu promouvoir des actions de salubrité publique comme le dragage du fleuve Niger, la reconstruction du tissu industriel… Toutes actions profitables au plus grand nombre à court, long et moyen terme.
En plus de la création d’emplois (port de plaisance, tourisme fluvial, pisciculture), la réhabilitation du fleuve Niger sur son parcours au Mali aurait été une contribution vitale du Mali à la sauvegarde de cette mamelle nourricière de l’Afrique de l’Ouest, qui se meurt chaque jour un peu plus.

Ressusciter le fleuve Niger au Mali, aurait été une bien belle façon de redonner l’espoir à tout un peuple. Non seulement les échanges avec un pays comme la Guinée-Conakry, dotée d’une façade maritime, auraient été davantage aisés, mais aussi le désenclavement des régions du Nord aurait été ainsi possible avec des bateaux assurant la liaison toute l’année. Des villes comme Koulikoro, qui se meurent, assurément allaient renaître.

A défaut de satisfaire les demandes des enseignants ou d’être investi dans l’aménagement du Djoliba, cet argent ne pouvait-il pas être investi ans dans la reprise d’Huicoma et sa réhabilitation dans l’intérêt de la nation ; à la création d’unités de production viables et pourvoyeuses d’emplois ? Hélas, les locataires d’Huicomabougou devront attendre encore belle lurette avant de voir leur rêve se concrétiser.

Qui donc profitera de l’autoroute Bamako-Ségou ? Les preneurs de 10 % ou la libre circulation des biens dans l’espace Cédéao pour nous obliger à consommer « étranger » ? Peu importe ! Mais le bitume, on le voit, ne rapporte pas beaucoup en l’occurrence ; il nous fait faire fausse route.

A. M. T.

10 Mai 2010.