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A quoi sert finalement l’effort d’un président qui fait, en deux temps trois mouvements, plus que tous ses prédécesseurs réunis en matière d’infrastructures si ses compatriotes continuent de tirer le diable par la queue ?

Moi, ça ne m’exaspère pas qu’on prétexte des routes, échangeurs et MCA, pour dire que le pays est sur la rampe du développement parce que celui-ci, me semble-t-il, repose tout d’abord sur l’organisation, la discipline et un zest de coercition. Or, tout le monde sait que l’État, ici, a décampé depuis belle lurette. C’est « chacun pour soi, Dieu pour tous », une sorte de jungle où « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Tant pis pour ceux qui ne savent pas se décarcasser ou louvoyer ou faire preuve de roublardise !

En revanche, ceux qui le peuvent se la coulent douce. Point à la ligne. C’est ainsi que l’administration est devenue pire qu’un marché aux puces où tout se vend et s’achète. C’est donc de bonne guerre que l’infime minorité qui se gave des 10 % incommode les autres avec sa description idyllique du système. Ivre de bonheur personnel, elle ignore d’un pied hautain l’enfer que vivent certains de ses proches mêmes. Ha, j’oubliais : « l’enfer, c’est les autres », a dit l’auteur !

Ç a ne me dérange pas qu’on allègue des aménagements agricoles, de la mécanisation de l’agriculture, de l’ »Initiative riz » pour en déduire que le pays est sur le point d’atteindre la sécurité, voire l’autosuffisance alimentaire. J’en connais qui ont des revenus réguliers, qui sont loin d’être des tire-au-flanc, mais qui se contentent d’un seul repas par jour. D’ailleurs, ne sont-ils pas en quelque sorte assis à la droite de Dieu quand on considère la déferlante humaine qui commence à ignorer l’utilité d’une marmite ?

A quoi cela sert-il d’essayer de me convaincre que dans ce pays, sans justice, sans école, sans santé, sans pitié… l’on est en train d’exécuter les Sept Merveilles du monde ? N’est-ce pas ici que des décideurs concurrencent des opérateurs économiques attitrés ? Un adage bambara dit que « toutes les choses capables de procréer donnent naissance à leurs enfants, sauf la parole qui accouche de sa mère ». Autrement dit, à défaut de regretter ce qu’on n’a pu donner à son pays, il faut éviter de tirer vanité de ce que l’on fait.

Du reste, il n’y a aucune commune mesure entre le Mali de 1975 et celui de 2010 en termes de demande sociale. Et en leur temps, les présidents ont fait la même chose, sinon plus tout en laissant les Maliens juger de la pertinence de l’œuvre. Comparaison n’est donc pas raison.

Sinon, si tel était le cas, on en arriverait presque à regretter les régimes les plus détestés que le Mali a connus à cause précisément de l’inégalité des chances de plus en plus affirmée. A présent, on ne naît plus égaux en droits et en devoirs.

On a laissé chacun devenir un loup pour l’autre, la loi est piétinée par certains et appliquée à d’autres dans toute sa rigueur, le minimum de patriotisme est devenu facultatif.

Sur un plan de l’esthétique, on doit à l’honnêteté de reconnaître une certaine beauté, mais pour être vraiment sincère, on se doit de rappeler cet autre dicton qui dit qu’ »il est vain de vouloir guérir une plaie sur du pus ».

A. M. T.

15 Mars 2010.