Déjà éprouvés par des difficultés de toutes sortes, des Maliens qui vivent au niveau réel du pays sont encore appelés à se saigner à blanc afin d’honorer le sacrifice d’Abraham. C’est que, malgré sa disponibilité sur le marché, le mouton demeure toutefois inaccessible pour la majorité.
Des bêtes, qui coûtent entre 30 000 et 40 000 F CFA, sont, en cette veille de fête, proposées, aux musulmans par des musulmans, entre 80 000 à 100 000 F CFA. Certains indiquent que des « béliers » à peine plus gros que des chatons coûtent présentement 50 000 F CFA. Allah Akbar ! Une incongruité dans un pays à vocation pastorale et où le Smig n’atteint pas la moitié de ce montant ? Non, nous sommes simplement dans un Etat où chacun a décidé de faire la peau à l’autre, c’est-à-dire à exploiter au maximum son avantage du moment.
Les spéculateurs ont décidé une fois de plus de nous sacrifier sur l’autel du qu’en-dira-t-on si jamais nous n’avons pas le bélier de Tabaski. Ils savent que nous aurons maille à partir avec nos tendres moitiés qui n’accepteraient pour rien au monde d’être l’objet des commérages de mégères sur le chemin du marché au cas où… Ils savent que nous craignons nos enfants si jamais « leur » mouton n’est pas plus gros que celui des voisins…
Quoique pauvres comme Job, nous sommes donc obligés de nous mettre au diapason des autres ; de faire semblant pour échapper au jugement de la société. Car en plus du mouton, il faut que nos épouses et leurs enfants sentent l’événement, en étant parés de beaux et nouveaux habits, de chaussures griffées et en portant les effluves enivrants de parfum ou d’encens de classe.
Où trouver l’argent nécessaire à la satisfaction de toutes ces lubies ? A force d’imagination, certains tirent leur épingle du jeu, quitte à transgresser des règles de conduite et à s’attendre à des lendemains rudes ou pourquoi pas à se faire hara-kiri dans un contexte de crise financière mondiale qui ne concerne pas le Mali, mais dont le Trésor public est vide depuis plus d’un an.
Alors que Dieu recommande la modération en toutes choses, le pays prône l’excès et fait étalage d’une abondance virtuelle. Alors que Dieu prescrit le partage et la solidarité le jour de la Tabaski, beaucoup ne voient plus que leur viande, jalousement « gardée » et consommée sur plusieurs jours, leurs femmes et enfants plus « sapés » que ceux des autres. Alors que Dieu décrète le pardon et la compréhension mutuelle, d’aucuns raillent leurs prochains pour des futilités. Quel pays ! Quelle interprétation erronée des Ecritures saintes !
A. M. T.
01 décembre 2008