Voilà quelques extraits du discours du Président de l’Assemblée Nationale, Ibrahim Boubacar Kéïta, prononcé hier lundi 3 avril, à l’occasion de l’ouverture solennelle de la session d’avril.
Ces critiques, très sévères, n’en sont pas moins objectives et ne devraient laisser indifférent aucun acteur ou responsable de la vie publique au Mali. Il y va de la sauvegarde et de la pérennité du système démocratique au Mali.
La traditionnelle cérémonie solennelle d’ouverture de la session ordinaire d’avril s’est ouverte hier, lundi 3 avril, dans la salle des délibérations de l’Assemblée nationale qui porte le nom du président feu Modibo Keita.
C’était en présence du chef du gouvernement, Ousmane Issoufi Maiga, de certains ministres de la République, des présidents des institutions de la République, des hauts gradés de l’armée, des représentants des partis politiques et de la société civile.
Les ambassadeurs et représentants des organismes internationaux au Mali y étaient également présents. C’est devant ce beau monde que le président de l’Assemblée nationale, Ibrahim Boubacar Keita, a prononcé un discours vivant qui a épinglé la médiocrité du système démocratique malien. Il s’est, d’abord, interrogé sur la construction d’une vraie démocratie, d’un véritable Etat de droit.
Avant d’affirmer que: “nous parlons avec emphase au nom d’un peuple qui, aujourd’hui, objectivement, nous boude si ce n’est pire. Nous organisons des consultations dont il se méfie, ne se sent aucunement pas concerné par elles. Lorsque dans un pays, les choix sont déterminés par un pourcentage aussi dérisoire du corps électoral, il est difficile de parler d’expression démocratique. Nous sommes donc tous, autant que nous sommes et quel que soit notre niveau de responsabilité, tous interpellés“.
En véritable homme d’Etat, il a dit, haut et fort, les maux qui rongent lentement mais sûrement la démocratie actuelle. Aussi, s’est-il encore demandé “comment pouvons nous continuer à faire semblant, à jouer aux champions de la démocratie au Sud du Sahara alors que notre système de représentation est si fortement mis en cause et ébranlé dans ses fondements mêmes“. “Bien sûr que non“, s’est -il exclamé.
IBK est dépité par le faible taux de participation des électeurs aux scrutins et souhaite que les uns et les autres s’interrogent sur les raisons profondes de ce désaveu du corps électoral et de cette désaffection des urnes par notre peuple.
Il a, ensuite, rappelé qu’il est des pays, des Etats où l’on considère le minimum de 50% comme requis pour valider une consultation électorale et la considérer comme fondatrice de légitimité.
” Mais comment convaincre un peuple averti comme l’est le nôtre que l’on est sérieux, tant qu’on lui donne à penser que son vote n’aura aucune importance, n’aura aucune influence sur le résultat annoncé, préparé et imposé par tous les moyens sauf contrarié par un sursaut de dignité populaire révoltée. Dès lors, ne nous étonnons point de ce qui arrive aujourd’hui et qui doit ôter le sommeil aux vrais démocrates et patriotes sincères que compte encore ce pays” a déclaré le président de l’Assemblée nationale.
Il croit, dur comme fer, que l’on pourra multiplier à l’envi les tables rondes et autres symposiums, rien n’y fera, tant que nous n’aurons pas le courage d’affronter ensemble, avec lucidité, l’ensemble de cette problématique.
Pour le premier des députés, les arguments faciles et légers qui sont le plus souvent avancés sont une insulte à l’intelligence, parce qu’il estime que tout le monde sait et voit ce qui se passe dans la réalité.
Aussi, a t-il dénoncé le béni oui-ouisme actuel des acteurs politiques en déclarant : “Alors, ayons le courage de dénoncer ce qui doit l’être, d’encourager une tendance lorsqu’elle est bonne, et surtout de nous convaincre qu’en tout état de cause, nous ne tromperons jamais que nous mêmes. L’histoire nous suit attentivement et son jugement sera sans complaisance. Nous fûmes une grande espérance de l’Afrique qui avance, fière et digne. Le sommes- nous demeurés“?
Le président de l’Assemblée nationale n’a pas manqué de relever qu’il ne procède à aucune auto flagellation collective et que tous ceux qui s’inquiètent sincèrement des choses de la patrie, savent de quoi il est question.
Ce qui lui fera dire qu’un “sursaut national est plus que jamais nécessaire. En début d’année, je suis revenu sur la question nationale. A la lumière des faits récents, notre unité nationale est menacée, je le redis avec force et conviction. Chacun de nous, au niveau où il est appelé à servir ce pays, devra répondre de la manière dont il aura su contribuer à conforter et à maintenir la cohésion de notre peuple et de notre nation. Chers collègues, plus qu’aucun autre, nous sommes interpellés“.
En outre, il a informé les députés qu’au cours de la présente session, plusieurs projets de loi seront examinés et qu’actuellement treize nouveaux dépôts de textes dont deux propositions de lois déposées par Me Kassoum Tapo et Daouda Touré respectivement sur l’abolition de la peine de mort et le VIH Sida.
Par ailleurs, il s’est montré préoccupé par la situation au Moyen Orient et a salué avec force l’élection de Yayi Boni à la présidence du Bénin et celle d’une femme à la présidence du Libéria. Idem pour la dynamique de paix en Côte d’Ivoire.
Chahana TAKIOU
04 avril 2006.