Plutôt la mort que le chômage forcé
Après avoir épuisé toutes les voies de protestations légalement reconnues, les travailleurs de l’Huicoma, qui squattent la Bourse du travail, observent depuis hier une grève de la faim en solidarité avec leurs familles qui, depuis six ans, tirent le diable par la queue. Ils ne lâcheront prise qu’à la satisfaction de leurs revendications.
Depuis hier lundi 10 mai 2010, les travailleurs de Huicoma qui vivent depuis des mois sous des tentes dans les locaux de la Bourse du travail (siège de l’UNTM), ont décidé de changer de stratégie de lutte pour se faire entendre. La grève de la faim est désormais l’arme que les travailleurs ont adoptée jusqu’à la satisfaction de leurs doléances.
Le président du Collectif de soutien des travailleurs de Huicoma, Bakary Berté, et son staff étaient face à la presse pour donner d’amples explications sur ce sujet. La décision de ne plus s’alimenter intervient après 183 jours d’occupation de la Bourse du travail.
Elle intervient aussi après l’épuisement de toutes les voies de protestation légalement reconnues : marches, meetings et autres démarches auprès de la société civile, des chefs religieux, des partis politiques et du président de la République.
La grève de la faim, selon le président du Collectif fait suite à la volte-face du Premier ministre, Modibo Sidibé, qui depuis le 5 mai a récusé le paiement des indemnités négocié avec le plan social et rejeté la mise en place d’une administration provisoire pour Huicoma « de peur que Tomota n’attaque le gouvernement en justice ».
Informé depuis Dakar par le SG de l’UNTM, Siaka Diakité, le Collectif des travailleurs, selon leur président, affirme que les déclarations du PM sont contraires aux assurances antérieures données par le SG de la centrale syndicale.
A la veille de la fête du 1er mai, (le 30 avril précisément) au cours de la conférence de presse qu’il a animée, Siaka Diakité avait donné l’assurance aux travailleurs que le dossier Huicoma allait connaître un dénouement au plus tard le soir du 30 avril avec un plan qu’il a proposé au gouvernement. C’est-à-dire le feu vert par l’État dans la mise en place d’une administration provisoire, le paiement des arriérés de salaire avant la signataire du plan social.
Le Premier ministre, Tomota et…
Les travailleurs disent ne pas comprendre le double langage du Premier ministre à qui ils attribuent la responsabilité de leur calvaire. Dénonçant le mépris manifeste des plus hautes autorités à leur égard, Bakary Berté et les siens disent ne pas comprendre que les travailleurs de la Sotelma, CMDT qui ont été privatisées après l’Huicoma puissent bénéficier de plan social avec indemnités négociées ? « L’UNTM est en mesure de trouver la solution. Seulement la solidarité syndicale a manqué », ont-ils martelé.
A en croire les conférenciers, la grève de la faim en solidarité avec leurs familles « qui depuis six ans souffrent, ne mangent plus à leur faim », ne prendra fin que lorsqu’ils auront gain de cause. Il s’agit du retrait de Huicoma au Groupe Tomota pour cause de mauvaise gestion avérée et pour violation du cahier des charges ; l’ouverture d’une enquête judiciaire contre Alou Tomota et son groupe, la réintégration de tous les travailleurs à leur ancien poste et catégorie, la régularisation de la situation administrative des travailleurs.
Aussi ont-ils exigé le paiement des arriérés de salaire dont 5 mois pour les travailleurs en activité et 32 mois pour les supposés travailleurs licenciés avec en plus des dédommagements, le reversement des cotisations à l’INPS mais également la reprise des activités de l’Huicoma.
Sentant l’arme de la grève de la faim, l’UNTM, a dit le président du Collectif, a envoyé une correspondance le 5 mai à la Primature pour lui dire « qu’elle n’est pas responsable de ce qui va se passer à la Bourse du travail ».
Sibiri Diarra, porte-parole du Collectif, et Mme Diakité Sana Tall, responsable qualité à Huicoma, sont revenus sur la violation fragrante du contrat de cession par le repreneur qui, en son temps, avait tout pour hisser l’Huicoma au premier plan des usines industrielles en Afrique.
« Aujourd’hui Huicoma n’existe que de nom à cause de la politique de haine de Tomota à l’égard des travailleurs », ont dit les conférenciers. Et d’ajouter que « Tomota qui a la protection des plus hautes autorités n’est pas plus Malien qu’eux. Nous sommes dans un État de droit ».
Une chose est sûre : les travailleurs se disent déterminés à être des martyrs pour que justice soit faite.
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Potins :De l’huile de mauvaise qualité à Huicoma
Jadis référence en matière de production d’huile et de savon dans la sous-région et même au-delà, l’Huicoma n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle serait même passé maître dans l’art de produire de l’huile de mauvaise qualité. C’est la révélation faite par Mme Diakité Sana Tall, responsable qualité. Pour elle, des prélèvements ont été faits par le Laboratoire national de la santé sur la qualité de l’huile. Aujourd’hui, « l’huile d’Huicoma est loin de répondre aux normes Uémoa ». Et de noter que les savons « Koulikoro », mondialement connus, se sont laissés submerger par les savons ivoiriens sur le marché malien.
Lâchés par leurs femmes, ignorés par leurs enfants
Le calvaire que vivent les travailleurs de Huicoma a occasionné de nombreuses conséquences dans de nombreux foyers. Selon les témoignages de Sibiri Diarra, devant la conjoncture très difficile, des épouses de travailleurs se sont « sauvées » en laissant dans la misère leurs époux. Et les enfants dans la faim ont préféré abandonner les bancs pour se retrouver dans la rue ; ils ne veulent même plus voir en peinture leurs pères.
Le secours des partis politiques, organisations…
Pendant les 183 jours d’occupation de la Bourse du travail (depuis le 10 novembre 2009), le Collectif des travailleurs de Huicoma, dépourvu de moyens financiers, a été secouru par des organisations, des personnes de bonne volonté et des partis politiques. Chacun a mis la main à la poche pour donner de quoi manger aux travailleurs et à leurs femmes qui leur sont restées fidèles. Pour le meilleur et pour le pire.
Amadou Sidibé
11 Mai 2010.