Le mardi 1er mars 2005, le personnel du Centre Hospitalier Universitaire Gabriel Touré de Bamako a observé un arrêt de travail de 8 h à 12 h. La décision du sit-in avait été prise par l’assemblée générale du comité syndical du CHU pour protester contre l’arrestation, jugée irrégulière, humiliante et dégradante, d’un manoeuvre présumé avoir vendu du sang.
Tout est parti de la correspondance d’un certain Bangaly Camara, domicilié à Quinzambougou, dont le cousin est hospitalisé à l’Hôpital Gabriel Touré, adressée au directeur du CNTS (Centre National de Transfusion Sanguine, banque de sang). Bangaly Camara indique que le médecin traitant de son cousin, Moussa Koné, lui avait donné un bon de sang de 6 poches à retirer au CNTS, mais que là-bas on ne lui a donné qu’une seule poche de sang.
A son retour à l’hôpital, il a été surpris de constater qu’on avait vendu 2 poches de sang à sa tante, pour 5000 F Cfa. Sachant que la vente de sang est interdite, il a écrit donc au directeur du CNTS pour que l’affaire soit tirée au clair. Ce dernier, muni des références d’une des deux poches, a tôt fait de l’identifier et d’écrire au directeur de l’hôpital pour «l’informer que la vente illicite de sang se poursuit toujours au sein de l’hôpital». Le vendeur également sera vite identifié.
Il s’agirait d’un manoeuvre de l’hôpital. Il sera arrêté par les agents du Commissariat de police du 1er arrondissement. Ce qui a provoqué la colère du comité syndical de CHU-GT, c’est la manière et les conditions de cette arrestation jugée par les travailleurs dégradante et humiliante pour leur collègue. En effet, selon eux, le manoeuvre a été arrêté et menotté, publiquement et dans l’enceinte de l’hôpital, alors qu’il portait la blouse, sacrée à leurs yeux.
Ils estiment que les policiers auraient pu interpeller le suspect sans l’humilier et porter ainsi un préjudice à son honneur et à celui de tous les autres travailleurs. En outre, au moment de son arrestation, le manoeuvre était en plein boulot devant s’occuper de déménager plusieurs femmes qui venaient d’être césarisées.
Cela a causé des désagréments. Les responsables du comité syndical se disent contre la vente de médicaments ou de sang, donc qu’ils réprouvent la conduite du manoeuvre, mais se disent aussi contre la manière dont la police est intervenue au sein de l’hôpital. Une réunion, qui a regroupé le syndicat national de la santé, le syndicat des cadres médicaux et le comité syndical de l’hôpital, a permis de calmer la tension en mettant fin au sit-in. Pour quelques temps seulement car les travailleurs menacent d’aller en grève si leur collègue n’était pas libéré.
Le fait pourrait relever du simple fait divers si certaines zones n’étaient pas aussi sombres. En effet, comment un simple manoeuvre de l’hôpital a pu avoir accès à du sang provenant du CNTS ? Selon le Directeur du CNTS, Anotole Tounkara, l’une des poches incriminées a été prélevée le 24/02/2005 et a été donnée au nom d’une patiente sensée se trouver à Dioïla, le 25/01/2005.
Comment s’est-elle retrouvée à Gabriel Touré ? Une autre question est de savoir pourquoi les hôpitaux ne disposent pas de stocks de sang dans les armoires frigorifiques prévues à cet effet, et pourquoi ils ne sont pas régulièrement approvisionnés par le CNTS ? Troisième question : pourquoi le directeur de l’hôpital n’exige pas ce ravitaillement au besoin en faisant intervenir la ministre de la Santé ? Et aussi, si les hôpitaux ne sont pas ravitaillés que fait le CNTS avec le sang collecté et qui est remplacé sitôt donné ?
Ces questions peuvent servir à alimenter les rumeurs selon lesquelles, il existerait un véritable marché noir du sang. En tout cas, elles posent la question de la gestion du sang. Selon un interlocuteur, responsable syndical, l’administration de l’hôpital et la direction du CNTS n’auraient aucun intérêt dans une gestion transparente des stocks de sang, qui serait vendu dans des circuits parallèles.
Car selon ce responsable syndical, il y a trop souvent pénurie de sang au niveau du CNTS et des hôpitaux alors que les poches de sang sont vendues sous le manteau. Par ailleurs, il estime que dans le cas présent, la situation aurait pu être gérée à l’interne, conformément au règlement intérieur de l’hôpital qui prévoit des sanctions en pareil cas.
Alors pourquoi le directeur de l’hôpital est-il passé outre en faisant directement intervenir la police au lieu de laisser le comité syndical gérer la situation ? D’où la colère des syndicalistes qui estiment que leur directeur les a donné en pâture, à travers un des leurs.
A noter que l’arrêt de travail n’a pas complètement paralysé l’hôpital car, durant ces quelques heures, un service minimum était assuré et des équipes de gardes étaient prêtes à intervenir en cas d’urgence.
Ch. A Tandina – 2 Mars 2005