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Le célèbre guitariste guinéen, Kanté Manfila, est décédé à 65 ans mercredi à Paris.

C’était l’un des plus grands solistes de la musique mandingue. Il s’est surtout fait connaître dans notre pays avec la « Ambassadeurs du Motel » de Bamako, puis les « Ambassadeurs internationaux » basés en Côte d’Ivoire. Il a ainsi été le compositeur et l’arrangeur de nombreux grands succès de Salif Keïta dont « Mandjou », « Seydou », « Primpin », entre autres. Avec le groupe, il fera plusieurs fois le tour du monde. Né en 1946 à Kankan, guitariste et joueur émérite de balafon, Kanté Manfila sera donc l’un des piliers des « Ambassadeurs internationaux », avec Salif Kéïta, Mory Kanté et Ousmane Kouyaté. Issu d’une famille de griots, Kanté Manfila s’initie au balafon puis apprend la guitare en autodidacte à l’âge de 16 ans.

jpg_mafila-2.jpgEn 1967 à Abidjan, il rencontre le saxophoniste malien Moussa Cissoko qui lui donne les bases musicales (solfège, accords, harmonie) et le forme aux musiques contemporaines. Il y retrouve Sory Bamba, ex-chef d’orchestre du Kanaga de Mopti, qui l’invite, en 1969 à venir jouer au Mali. Moussa Cissoko le persuade de rejoindre les « Ambassadeurs du Motel » dont il devient plus tard le chef d’orchestre. Le groupe accueille une des plus belles voix de la musique africaine, Salif Keïta. En 1978, Kanté Manfila et Salif Keïta décident de rejoindre Abidjan. Ils y fondent les « Ambassadeurs internationaux » et signent  » Mandjou « .

En 1980, tous deux s’envolent vers les États-Unis pour enregistrer les deux albums :  » Primpin  » et  » Tounkan  » puis s’installent à Paris. A partir de 1987, Kanté Manfila signe plusieurs albums majeurs. « Kankan blues » enregistré à Kankan éclaire sur l’apport spécifique de ce berceau griotique dans la musique mandingue ; « Tradition » (1988) fait revivre la musique malinké mise en valeur par la kora de Mory Kanté, le balafon d’Ibrahima Diabaté et les guitares ; « Diniya » (1990) offre un style orchestré très « léché » : sur la rythmique basse funk viennent se poser sa guitare aux sonorités mi-blues mandingue, mi-rock et des cuivres relevés soutenus par les synthés de Cheikh Tidiane Seck qui restituent les sons de balafon. Kanté Manfila est un artiste prolifique ouvert aux autres cultures.

Son morceau « Denko » (Dinya) enregistré avec les « Petits chanteurs de Paris » atteste notamment de son grand éclectisme musical. Véritable pionnier appartenant à la génération des fameux « guitar hero » mandingues à l’instar de Sékou Bembeya Diabaté ou de notre compatriote Djelimadi Tounkara, il fut notamment guitariste soliste. Il a accompagné d’autres chanteurs africains dont Baba Maal et Mory Kanté. Kanté Manfila a non seulement a interprété avec brio des classiques de la tradition mandingue comme « Kanakassi » ou « Duga », mais s’est aussi essayé avec bonheur à la composition originale. Bon nombre de ses compositions sont devenues aujourd’hui des références dans les pays de tradition mandingue

C’est le cas de son titre : « Agne Anko ». En 1990, il sort un second album « Dounia ». L’un de ses titres phares, « N’téssé », lui permet d’occuper la première place durant six mois dans tous les hit-parades au Mali. A la fin des années 90, il sort son album « Kankan blues 1 » produit en Guinée. En 2005, il est décoré de la médaille de Chevalier de l’ordre national du Mali par le président Amadou Toumani Touré en reconnaissance pour son apport à la musique malienne dans les années 70. Il était en studio pour un autre album qui sera intitulé « Agnouma -Thaa’ », quand la mort l’a arraché à l’affection de ses nombreux fans. Il laisse derrière lui 7 orphelins, deux veuves. Dors en paix Manfila.

Youssouf Doumbia

Essor du 22 Juillet 2011.