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M. D. est une jeune lycéenne de Bamako. Comme d’autres jeunes filles de son âge, son rêve a toujours été d’aller vivre aux USA auprès d’une de ses sœurs. Elle était prête à tout pour réussir son projet. Ses parents étaient même consentants.

Pour avoir le visa américain, M. D. est passée par une méthode aussi simple que risquée. Elle sollicita le concours de sa sœur aînée, qui vit aux USA depuis des dizaines d’années et qui est naturalisée américaine. Celle-ci lui envoya son passeport américain qu’elle devait utiliser pour son voyage.

Le plan fonctionna à merveille à l’aéroport de Bamako Sénou où M. D. a pu franchir toutes les barrières de contrôle et s’embarqua à bord d’un avion d’une compagnie aérienne internationale. Ses cousins et frères qui l’avaient accompagnée à Sénou étaient revenus dire en famille que le départ s’est passé sans problème.

Chacun était content que M. D. ait pu enfin s’envoler pour les USA. Ses père et mère ne cessaient de bénir la sœur aînée qui est venue en aide à sa frangine.

En aucun moment, sa famille ne se doutait d’un quelconque échec. Mais c’était sans penser que le pot aux roses pouvait être découvert à tout moment.

C’est ce qui arriva justement à l’escale de Paris-Roissy, où elle devait prendre la correspondance de son vol. M. D. échappa au contrôle de la police de l’immigration, qui n’a pas pu la distinguer de sa sœur.

Elle devait ensuite faire face à une autre épreuve : celle de l’escalier roulant ou escalator.
M. D., qui n’avait jamais franchi les frontières du Mali, fut trahie par sa méconnaissance de la technologie. Elle ne pouvait jamais s’imaginer qu’il existait dans ce monde ici-bas des escaliers mobiles.

A Paris-Roissy, elle tomba sur un escalator qui mène dans la salle de transit. Au lieu de se mettre simplement sur l’engin, M. D. essaya de franchir les marches croyant qu’elle était sur un escalier immobile. Elle trébucha et se retrouva à terre.

Le policier, venu à son secours, lui demanda ce qui lui était arrivé. Le porteur d’uniforme prit son passeport qu’il feuilleta. Il fut étonné par la quinzaine de visas qui se trouvait sur le document.

Il lui posa une question simple : « En 1998 où est-ce que vous étiez Mme ? » M. D. était restée bouche bée. Une autre question : « Vous avez effectué combien de voyages en dehors des USA ? ». Toujours sans réponse. Elle avait pourtant appris par cœur les destinations et le nombre de visas sur le passeport.

Etonné du silence de M. D., le policier fit appel à une collègue antillaise qui a pu découvrir les traits de dissemblance entre elle et sa sœur.

La candidate à l’immigration n’a pas pu nier les faits et éclata en sanglots. Son voyage américain s’arrêta ainsi à Paris d’où elle fut rembarquée dans le premier vol en partance pour Bamako.

Le coup fut dur pour toute la famille. Sa mère qui avait ventilé la nouvelle de son départ dans le quartier n’avait que ses yeux pour pleurer. M. D. est restée couchée pendant quelques semaines pour fuir les mauvaises langues.

L’immigration est devenue aujourd’hui le totem de M. D. Elle consacre sa vie à la gestion d’une cabine téléphonique… en attendant d’avoir un mari.

Abdrahamane Dicko

04 mai 2006.