Les “Halles de Bamako”, le plus grand marché moderne du Mali, situées à Sogoniko (commune VI) sont bâties sur une superficie de 6 hectares. Son inauguration en 2002 a été saluée par tous les Maliens, de l’intérieur comme de l’extérieur.
Cette joie fut de courte durée. En effet, beaucoup de gens pensent aujourd’hui que les Halles Félix Houphouët Boigny n’ont pas leur raison d’être si elles doivent demeurer dans cette situation d’inoccupation.
Les populations estiment que la cherté des magasins et la position géographique des Halles sont à la base de cette situation. Aussi, des rumeurs affirment que les alentours des Halles sont devenus des nids de bandits et que nombre de noctambules y sont arrêtés et dépouillés de leurs sous.
Nos enquêtes nous ont conduit sur les lieux. Sur place, nous avons rencontré les membres du Comité d’installation et de suivi qui donne ici son avis sur l’état actuel des Halles Félix Houphouët Boigny :
“Cet état des Halles s’explique par la conjoncture actuelle et la position géographique d’une part, et d’autre part, par la crise en Côte d’Ivoire. En effet, les Halles sont un peu éloignées de l’autoroute qui lie les communes V et VI au centre ville. Au départ, beaucoup de commerçants se sont installés sur le site, et après, ils sont répartis parce que le coin ne marche pas. A cela vient s’ajouter le problème de la Côte d’Ivoire. Les commerçants qui étaient prêts à faire des transactions à partir de la Côte d’Ivoire, sont désormais bloqués dans leur projet. Nous signalons aussi que 80% des magasins appartiennent aux fonctionnaires ou aux Maliens de l’extérieur qui, en général, ne sont pas commerçants de profession et préfèrent garder les clés des magasins sans les louer aux commerçants.
Par rapport aux conditions d’acquisition, les magasins sont payés au comptant. Le payement peut être par échelon seulement par l’intermédiaire de l’APEJ.
La largeur des magasins varie de 3 m2 à 48 m2 et le prix, selon qu’il s’agit d’un magasin à l’étage ou au rez-de-chaussée. Les magasins 3 m2 au rez-de-chaussée sont cédés à 3.000.000 ; ceux de l’étage à 2. 500 000 F cfa tandis que les magasins de 48 m2 sont cédés à 37.500.000 F cfa.
Pour donner aux Halles un éclat et les faire sortir de cet état actuel, nous avons d’abord procédé à des sacrifices en immolant des moutons et des boeufs.
Nous avons aussi transféré la “Rue Marchande” et la FEBAK aux Halles. Enfin, nous avons alloué des crédits aux associations féminines afin qu’elles payent des marchandises pour s’installer sur le site. Malheureusement, la plupart d’entre elles ont fait leurs valises.
En ce qui concerne les rumeurs relatives au banditisme aux alentours des Halles, nous signalons que nous n’avons enregistré aucun cas de délit ou de crime.
Nous disposons d’un nombre suffisant de gardiens qui surveillent l’intérieur et les alentours des Halles de jour comme de nuit”.
Recueillis par Moussa TOURE, Stagiaire
L’affluence toujours faible
Peut-on dire que les Halles de Bamako n’existent que de nom ? Une petite animation juste à l’entrée de la porte faisant face au goudron côté Sud ; un peu à l’intérieur, c’est quelques vendeuses de condiments qui y sont installées ; plus loin, le décor ressemble à un véritable dépotoir d’ordures ; çà et là, les magasins sont presque tous fermés. Voilà décrit l’état actuel des Halles Félix Houphouët Boigny. Face à cette situation, nous avons approché certains occupants des lieux pour en savoir davantage.
Mama Bassou, vendeur de tissus Wax : “Je suis là depuis une année. Par mois, je paye un loyer de 12 500 F cfa. Je reçois au maximum quatre clients par jour. A mon avis, le manque de moyens financiers fait que les gens préfèrent aller s’installer à des endroits où l’affluence est grande. Les autorités, pour inciter ou encourager les commerçants à venir ici, doivent baisser les frais de location des magasins”.
Salon de coiffure
“Maman Coiffure »: “Les magasins sont chers et le marché est insalubre avec une quasi inexistence de toilettes. Nous avons modifié cet endroit pour avoir suffisamment de place. Nous avons fait casser le mur qui séparait deux magasins pour n’en faire qu’un”. La presse écrite, la radio et la télévision doivent informer l’opinion nationale sur le fait que les Halles ne sont pas fréquentées. Nous payons un loyer mensuel de 25.000 F cfa. Ce qui est pire, c’est qu’il n’y a pas de clientes.”
Djibril Yacouba Maïga, vendeur de café : “Mes clients sont ces quelques boutiquiers que vous voyez. Leurs clients se faisant rares, par conséquent mon café ne peut pas marcher. Il nous manque ici vraiment des clients. Une solution doit être trouvée à ce problème. Un marché, c’est un ensemble de vendeurs et d’acheteurs”.
Salif Sidibé, boucher : “Je crois qu’il y a une main cachée derrière toute cette affaire. Les opérateurs économiques qui ont acheté les Halles de Bamako, ont placé la barre très haut en rendant trop chers les frais de location des magasins. C’est ce qui fait que les débrouillards comme moi ont peur de venir. Ce n’est qu’un problème d’argent. Les puissants voudraient gagner plus et nous voulons économiser autant que possible le minimum que nous gagnons. La solution, apparemment, est simple : les autorités doivent s’investir. Les places que vous voyez sont trop petites par rapport au loyer que nous payons. La situation est très difficile ici.”
Harouna Cissé commerçant dans la cour de l’ex-PEYRISSAC : “Une affaire commerciale d’une telle ampleur ne devait pas se faire sans avoir associé les commerçants. L’endroit choisi pour construire les Halles de Bamako est très éloigné. Sans clients, les commerçants n’ont pas leur raison d’être. Il semble que tout le monde est unanime que la distance qui sépare les Halles du centre ville est trop grande. C’est ce qui expliquerait le vide constaté dans ce marché. J’avais investi une très grande somme d’argent dans cette affaire. Lorsque je me suis rendu compte que le marché n’est pas du tout achalandé, j’ai purement et simplement retiré mon argent. Beaucoup de personnes dans cette cour ont procédé ainsi. Ce problème doit être résolu par le gouvernement.”
Notre commentaire
Malgré de nombreux problèmes évoqués par les uns et les autres, et en dépit de ce que nous avons vu sur place, il ne faut quand même pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il n’y a aucun doute, les Halles Félix Houphouët Boigny sont très bien construites et constituent un marché modèle en Afrique de l’Ouest. Il y a suffisamment de place pour tout le monde. Il suffit que chacun s’implique pour sortir ce somptueux marché de la situation dans laquelle elle se trouve. Les Halles de Bamako doivent être fréquentées et par les commerçants et par les clients.
KONATE Goudia, Stagiaire
Un triste sort !
La construction des Halles de Bamako avait suscité un grand engouement dans le monde des commerçants maliens. Mais après sa réalisation, ce patrimoine, situé en plein centre de la commune VI du District, a été boudé par les commerçants. Triste sort pour un marché qui a mobilisé, pour sa construction, plusieurs milliards de francs FCA.
Une visite aux Halles de Bamako nous a permis de découvrir le vrai visage de ce centre commercial dont la réputation a franchi les frontières nationales. Aujourd’hui, le visiteur est frappé par l’état actuel du site qui devait contribuer à l’essor économique de la capitale du Mali.
Selon nos informations, les Halles de Bamako ont été construites à l’image du grand marché d’Adjamé en République de Côte d’Ivoire. En l’apercevant, on tombe infailliblement sous le charme de ce géant architectural.
Mais, à l’intérieur de ce super marché, nous avons été surpris de voir des magasins fermés, faute de preneurs. De l’avis d’un commerçant déjà installé sur les lieux, le coût élevé des magasins est à l’origine de cette situation.
La construction des Halles de Bamako n’a pas tenu compte de certains aspects qui, pourtant sont très importants, signale un autre commerçant visiblement très frustré.
En effet, selon Hamma Maïga secrétaire général de la Coordination du groupement des associations des commerçants détaillants de la commune VI et secrétaire général du bureau national, la conception même des magasins des Halles de Bamako ne répond pas aux réalités du Mali.
Les magasins, de l’avis de ce dernier, répondent plutôt à des magasins de type très moderne comme on en connaît dans les pays occidentaux, très avancés en matière de commerce. Alors que le commerçant malien est beaucoup plus préoccupé par l’espace.
Exiguïté des places et coût élevé des magasins
De l’avis du secrétaire général de la Coordination du groupement des associations des commerçants détaillants de la commune VI, avec des magasins de 3 m2, il est impossible pour le commerçant de bien s’installer et d’étaler toutes ses marchandises.
Mieux, les Halles de Bamako auraient été réalisées avec des magasins en étage. Toutes choses qui peuvent rendre l’accès difficile aux clients.
Aujourd’hui, il faut des mesures incitatives pour faire occuper les magasins par les commerçants et rendre aussi le coût accessible, c’est à dire les mettre à la portée de ceux qui en ont besoin.
Dans la politique des responsables des commerçants du Mali, un bureau d’information et de sensibilisation a été ouvert. Cette politique, pour ses initiateurs, a pour but d’amener les commerçants à occuper les Halles.
Toutefois, il faut maintenant une véritable politique pour la mise à disposition de ces magasins aux commerçants, a signalé notre interlocuteur.
Et le meilleur moyen, souligne-t-il, réside dans la révision des coûts des magasins. Sur ce point, les responsables des commerçants en appellent à une réflexion, de concert avec les autorités de tutelle.
Laya DIARRA
09 août 2005