Le chef de la junte guinéenne Moussa Dadis Camara, blessé lors d’une tentative d’assassinat et en convalescence au Burkina Faso, a appelé dimanche à Ouagadougou les Guinéens à « apporter le soutien nécessaire » au président de transition, le général Sékouba Konaté.
« Je vous demande de lui apporter le soutien nécessaire pour la cause de la démocratie, que nous appelons de tous nos vœux dans notre pays », a-t-il indiqué dans une « adresse à la Nation » prononcée au palais présidentiel du chef de l’État burkinabè, Blaise Compaoré, médiateur dans la crise.
Il s’agissait de sa première déclaration publique depuis la tentative d’assassinat menée par son propre aide de camp, le 3 décembre dans un camp militaire de Conakry, à la suite d’une dispute relative au massacre de plus de 150 opposants le 28 septembre.
« Je vous déclare que ma santé s’est grandement améliorée et que ma vie est hors de danger. Mais pour consolider cet état, j’ai besoin de repos, donc d’une convalescence suivie, que je suis libre de passer où je voudrais », a ajouté le capitaine Camara, assis aux côté du général Konaté.
Avant d’ajouter un peu plus tard, sans plus de précision: « je serai parmi vous bientôt ».
Habillé d’un blouson beige, portant des lunettes de vue, il a lu un texte de cinq pages d’une voix faible et hésitante. Il a marché d’un pas lent. Pour monter et descendre les escaliers menant à la salle de la présidence, il a dû être soutenu par deux personnes.
Il est ensuite revenu sur l’accord de sortie de crise signé vendredi à Ouagadougou par lui-même et MM. Konaté et Compaoré, prévoyant son maintien en convalescence à l’étranger et la tenue d’une élection présidentielle « dans six mois ».
« Cette déclaration est notre déclaration, elle ne m’a pas été imposée, elle ne nous a pas été imposée », a-t-il insisté.
« La question de ma candidature et celle des autres membres du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD, junte) aux futures élections présidentielles est définitivement réglée », a-t-il poursuivi.
« Le ministre de la Défense (le général Konaté, devenu président de la transition) a eu, de moi, la charge d’assurer l’intérim de la présidence de la République », a-t-il rappelé.
« Le président intérimaire et moi-même continuerons la concertation dans l’intérêt d’une transition réussie qui aboutira à l’élection d’un président démocratiquement choisi par les Guinéens », a précisé le capitaine Camara, arrivé mardi dernier au Burkina après une hospitalisation de plus d’un mois au Maroc.
Le capitaine Camara, arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’État militaire le 23 décembre 2008, s’est ensuite adressé à ses partisans.
« Depuis que je suis arrivé ici à Ouagadougou, je sais que beaucoup de gens ont pris d’assaut l’aéroport de Conakry et certaines rues de la capitale, réclamant ainsi mon retour au pays », a-t-il assuré.
« Je vous comprends. Je vous demande de regagner vos domiciles et de vaquer à vos occupations dans le calme car des personnes mal intentionnées pourraient profiter de ces regroupements pour commettre des forfaitures et nous en faire ainsi porter la responsabilité », selon lui.
OUAGADOUGOU (AFP) – dimanche 17 janvier 2010 – 19h14 –
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Dadis est out, mais Sekouba n’est pas totalement ‘in’.
Pour sa première apparition médiatique depuis le 3 décembre dernier, Dadis faisait de la peine à voir : gestes lents, regard impavide. La balle de Toumba ne lui a pas laissé que des cicatrices à la tête. C’est triste de voir le chaleureux et volubile capitaine réduit à cet état, même s’il est vrai que ses victimes du 28 septembre ont eu beaucoup moins de chance. Aux affaires comme aux affaires cependant : l’accord du 16 janvier constitue un bon deal pour la Communauté internationale, Sekouba Konaté et Compaoré.
Ce dernier est revenu, de manière inespérée, dans une médiation dont les derniers développements portaient plus la griffe franco-américaine que sa signature. L’éclaircie de Ouaga sauve donc l’image du principal facilitateur des crises ouest africaines qu’est devenu le Président du Faso, même si avoir à gérer Dadis à Ouaga ne sera pas une partie de plaisir, quoique le miraculé de Rabat n’aie pas grand intérêt à brandir un bon certificat médical en raison de la menace Cpi.
La communauté internationale a obtenu ce qu’elle voulait et qui n’est pas loin des exigences premières des forces vives : un premier ministre de transition, des élections plus tôt que tard, le rétablissement des libertés fondamentales, des observateurs de la Cedeao dont la mission reste, toutefois, à préciser.
Il ne manque que les sanctions du massacre du 28 septembre, mais cette mention était à rayer car elle ouvrait la boîte de Pandore et de toute manière l’Onu reste saisie de ce dossier. Sékouba Konaté aussi et surtout lui doit se sentir libéré d’un lourd cas de conscience.
La signature de Dadis qui reste officiellement le président de la République, en tout cas sur le papier de l’accord lui confère la légitimité qui lui manquait jusque-là, et c’est un terrible signal pour l’opposition du général qui se recrute plus dans le Cndd que dans les Forces vives.
Reste que le dernier carré des pro-Dadis, Pivi et les autres ne seront pas réduits par un simple accord, mais un compromis qui les rassure ou par une défaite. La cohabitation avec les Forces vives ne sera pas, elle non plus, sans difficultés maintenant que les contradictions secondaires vont devenir les principales après la mise à l’écart de Dadis.
Enfin, la mise en œuvre de certaines parties de cet accord, notamment l’interposition des observateurs de la Cedeao, se révélera périlleuse pour le nouvel homme fort d’une Guinée jalouse de son indépendance.
Sans compter les délais très courts pour organiser des élections acceptées de tous et le difficile devoir d’équidistance vis-à-vis des composantes de la classe politique. Car de celles-ci, l’alliance sacrée, parions le, ne résistera pas longtemps à l’enjeu de la présidentielle attendue.
Adam Thiam
Le Républicain du 18 Janvier 2010.
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Ligne de force : Exit Moussa Dadis Camara
Moussa Dadis Camara va rester à Ouagadougou pour poursuivre sa « convalescence » à moins qu’il ne préfère tout autre lieu, mais il ne retournera pas à Conakry, en tout cas pas dans un délai prévisible.
Il ne sera pas non plus candidat à la prochaine élection présidentielle annoncée dans les six mois à venir, à l’instar de tous les autres membres du Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD) dont il reste le président symbolique.
Aucun des 101 membres du Conseil National de Transition, qui tiendra lieu d’Assemblée législative provisoire, ne pourra briguer non plus la magistrature suprême de la Guinée. Pas plus que les membres du Gouvernement d’union nationale, y compris son Premier ministre issu du Forum des forces vives et les membres des forces de défense et de sécurité en activité.
Voilà les axes majeurs de la déclaration dite de Ouagadougou, que Moussa Dadis Camara a dû signer en faisant violence sur lui-même, à en juger par la froideur de glace qu’il affichait au cours de la cérémonie, à la télévision burkinabé.
Il a dû ressentir ces décisions prises d’un commun accord – imposées conviendrait mieux à la réalité – avec le médiateur Blaise Compaoré et le Général Konaté, le nouvel homme fort de Conakry, comme une déposition en douceur.
En effet, voilà compromise son ambition de devenir le prochain président élu de la République de Guinée, pour laquelle il n’a pas hésité à marcher sur les cadavres de 157 à 200 de ses compatriotes, selon les chiffres avancés par Human Wrights Watch et la Commission d’enquête des Nations Unies.
Dadis mis hors jeu par son propre aveuglement suicidaire et en attendant que la Cour pénale internationale (CPI) se détermine sur le point de savoir si elle doit l’inculper ou non pour « crime contre l’humanité » la déclaration de Ouagadougou ouvre de réelles perspectives pour le retour de la paix, de la stabilité et l’instauration de la démocratie dans ce pays meurtri et désarticulé par soixante deux ans de dictature féroce et une misère sans nom.
Mais à la condition que ses acteurs politiques et sociaux prennent la mesure de leur rôle historique, fassent preuve d’un sens élevé de la responsabilité et, c’est le cas de l’écrire, démontrent qu’ils aiment la Guinée et la placent au dessus de leurs intérêts mesquins.
Il faut aller vite et de façon judicieuse dans le choix des hommes et des femmes qui vont animer les organes de la transition, taire les rivalités politiciennes ou crypto-personnelles, travailler quotidiennement à trouver des réponses adéquates aux problèmes urgents des Guinéens tout en préparant soigneusement le processus électoral.
Et garder constamment à l’esprit que les partisans irréductibles de Moussa Dadis Camara, au sein de l’armée et une partie il est vrai insignifiante de la classe politique, contraints de ravaler leurs rancœurs, n’attendent qu’un trébuchement de leur part pour tenter de rependre la situation en main, au risque de basculer le pays dans un nouveau bain de sang aux conséquences incalculables.
Pour le reste, ceux qui auront la lourde mission d’arrimer la Guinée sur les rails de la démocratie savent qu’ils peuvent compter sur l’appui de la communauté internationale, principalement la France et les Etats Unis d’Amérique, qui ont joué un rôle décisif dans la mise à l’écart de Moussa Dadis Camara.
Saouti Labass HAIDARA
L’Indépendant du 18 Janvier 2010.