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C’est un secret de polichinelle : la Sotelma-Malitel et Orange-Mali nourrissent entre elles, une guéguerre impitoyable. Laquelle se traduit par la course aux abonnés, la compétition technologique, etc. Cette compétition a tout l’air d’une guerre froide. Car les deux opérateurs se battent par structures interposées. Le procès de Remacotem appuyé par la Sotelma-Malitel contre Orange-Mali et Call Me montre à suffisance cet état de fait. Face à cette situation, le gouvernement du Mali est interpellé à assumer sa pleine responsabilité en organisant mieux le secteur des télécoms pour le bien-être du peuple.

Le procès intenté par le Réseau malien des consommateurs de téléphonie mobile (REMACOTEM) contre l’opérateur privé de téléphonie, Orange-Mali, pour amener la justice à ordonner l’ouverture de la ligne 802 27 27, attribuée par Orange Mali au Consulat de France au Mali pour les prises de rendez-vous de visa aux utilisateurs de Sotelma-Malitel a commencé, mercredi 17 septembre, au Tribunal de première instance de Bamako, en commune IV.

Qui a assisté à l’audience comprend sans ambages que les deux opérateurs de téléphonie au Mali sont en train de se battre par structures interposées. Autrement dit, ils sont les protagonistes d’une guerre froide.

A la barre, l’avocat de Orange-Mali, Me Mamadou Touré, a soutenu

«Mon client n’a rien fait pour empêcher les clients de la Sotelma-Malitel d’avoir accès au numéro 802 27 27. C’est une question d’interconnexion. La Sotelma-Malitel ne s’est pas entendue avec le prestataire Call Me. En réalité, l’opérateur historique de téléphonie au Mali n’est pas techniquement solide pour assurer un service de qualité à ses clients».

Quant à celui de Call Me, Me Moctar Mariko, il a soutenu, mordicus, que son client n’est nullement impliqué dans la crise d’interconnexion qui oppose les deux opérateurs téléphoniques. Ainsi, a-t-il affirmé : «Call Me n’est ni une filiale de France télécom, ni de Orange Mali. Le rapport qui nous unit à ces structures n’est rien d’autre que celui d’affaires. Nous avons démarché le Consulat de France et d’autres structures pour signer des contrats de travail. Nous ne sommes pas un opérateur téléphonique et nous ne créons pas de numéro. Call Me est en dehors de cette bataille. S’il y a une discrimination contre le peuple malien, les deux opérateurs en sont les responsables et non Call Me».

Les avocats de Remacotem et de la Sotelma-Malitel n’ont fait qu’accuser Orange-Mali de discrimination notoire et de concurrence déloyale en violation des dispositions de l’Ordonnance N°99-43P-RM du 30 septembre 1999 régissant les télécommunications en République du Mali. Bref, il apparaît, à la lumière des débats entre les avocats que la Sotelma-Malitel et Orange-Mali sont les deux parties en guerre. Le Remacotem et Call Me ne sont rien d’autre que des structures interposées.

Rappelons que la guéguerre a commencé en 2003. L’interconnexion entre les deux réseaux était devenue un problème. Les clients Sotelma-Malitel ne pouvaient pas communiquer avec ceux d’Ikatel devenu Orange-Mali, le 30 novembre 2006 et vice-versa. En son temps, l’opérateur historique de téléphonie du Mali avait été accusé d’être le responsable du blocage. L’Etat l’a contraint à jouer franc-jeu. Afin de bien organiser le secteur des télécommunications du Mali, le Comité de régulation des télécommunications du Mali (CRT) a été créé.

Depuis 2005, il se bat, sans succès auprès des deux opérateurs de téléphonie au Mali pour obtenir un terrain d’entente pour l’interconnexion des réseaux. Ils n’y sont pas encore arrivés. La derrière rencontre sur le sujet s’est déroulée, lundi 15 septembre, à la demande et sous la présidence du CRT.

Malheureusement, elle s’est soldée par un échec. La Sotelma-Malitel, au nom du nationalisme, refuse toute concession visant à la surtaxation des tarifs de communication au détriment des populations. Quant à Orange-Mali, elle estime que les affaires sont les affaires.
Le Comité de régulation des télécommunications est décidé à résoudre définitivement cette crise. Il est à pied-d’œuvre pour prendre une décision définitive à laquelle les deux mastodontes seront obligés de se soumettre.

Moralité : le gouvernement du Mali est le premier responsable de cette crise qui a mis la charrue avant les bœufs. Il aurait dû boucler le processus de privatisation de la Sotelma-Malitel avant de libéraliser le secteur des télécommunications.

En donnant la licence à Ikatel, en lui faisant bénéficier de toutes les mesures d’exonération au détriment de la société d’Etat qui végétait dans les difficultés de trésorerie, l’Etat a favorisé la concurrence «déloyale» entre les deux opérateurs. S’il y a discrimination, c’est encore lui qui en est le premier instigateur.

Somme toute, c’est le peuple malien qui est la victime expiatoire de toute cette crise. Il est pénalisé financièrement et privé de son droit de communication. Prions pour que l’arrivée d’un troisième opérateur téléphonique au Mali puisse être une planche de salut pour tous.

Abdoul Karim KONE

19 Septembre 2008