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Chacun des vendeurs rencontrés a son propre commentaire ou sa propre définition de la maladie qui fait trembler déjà plus d’un au marché Dibida
: « la grippe aviaire est un nouveau complot des blancs« , « c’est une maladie qui n’attrape que les volailles d’origine occidentale« , « c’est une maladie des pondeuses« , etc. Autant de commentaires qui n’ont naturellement rien à voir avec la grippe aviaire qui existe bel et bien.

Au marché Dibida de Bamako-coura, hier était un jour ordinaire pour Sidiki Diarra, du haut de ses 45 ans et vendeur de volaille depuis plus de 15 ans. Assis avec un regard hagard, il s’interroge sur ce qu’adviendra demain si jamais la grippe aviaire s’introduisit par malheur au Mali.

« J’entends parler de cette maladie à la télé, mais je n’y comprends rien« , indique M. Diarra qui explique que depuis l’annonce de cette maladie les ventes ont beaucoup chuté. Elles sont passées de 20 à 30 poulets par jour avant l’annonce de la maladie contre 3 à 4 poulets par jour aujourd’hui.

Ce n’est pas heureusement le même constat que fait Lassine Mariko, vendeur de poulets depuis 1991, près du cimetière de Hamdallaye. Il estime avoir entendu parler de la grippe aviaire à travers des échanges avec ses propres clients qui n’hésitent pas souvent à lui poser des questions sur l’existence de la maladie afin de se rassurer et se protéger.

« Mes clients n’ont pas encore arrêté de venir payer mes poulets et pintades. Alors je n’ai senti en aucun moment les effets d’annonces de la grippe aviaire« , estime M. Mariko.

Mais apparemment, les clients se font rares chez ses voisins vendeurs qui ont presque tous remis les poulets dans les poulaillers et attendent au tour du thé des éventuels clients.

Voulant savoir les raisons de leur démobilisation, un d’entre eux explique :
« cette histoire commence à nous faire du mal bien que nos poulets soient invulnérables à une telle maladie qui n’atteindra facilement que les volailles d’origine occidentale« .

Beaucoup de ses camarades partagent son avis et pensent que le moment est venu pour eux de changer de métier. Le vieux Sidiki Tangara, ancien cultivateur, reconverti en vendeur de poulets se dit aujourd’hui préoccupé.

« Les nouvelles que j’entend çà et là ne me réconfortent plus.Car j’ai une famille à nourrir. Si ça continue comme cela, je vais retourner au champ« , disait-il.

Faisant allusion à la mévente et aux conséquences de la grippe aviaire, Sidiki Tangara explique qu’il ne vend aujourd’hui qu’à peine 2 à 3 poulets par jour. « Ce qui ne me permet pas de répondre aux multiples besoins de ma famille« , poursuit le vieux Sidiki.

Déficit d’information

Sans exception, tous les vendeurs approchés ont, d’une manière ou d’une autre, appris l’existence de la grippe aviaire en dehors du Mali. Mais ils ignorent tous les dispositions prises par le gouvernement du Mali dans le cadre de la prévention notamment l’arrêté interministériel interdisant l’entrée de certaines espèces de volailles sur le territoire malien.

Mieux, aucune autorité n’a choisi encore d’aller rencontrer les premiers concernés par les conséquences de la grippe aviaire et les dispositions sécuritaires.

Les multiples vendeurs et revendeurs des poulets et pintades continuent à prendre leur mal en patience, même si malgré tout les prix de vente sont restés stables : de 1000 F Cfa à 2000 F Cfa pour les poulets et de 1500 à 2000 F Cfa pour les pintades.

La progression de la grippe aviaire n’a apporté aucun changement à ce niveau. Malgré leurs inquiétudes et leurs divergences d’avis, les vendeurs de poulets sont unanimement confiants que la grippe aviaire n’atteindra pas le Mali.

Idrissa Maïga

17 février 2006.