Par rapport à la gestion des fonds du 23ème sommet Afrique/France, que le Mali a abrité du 3 au 4 décembre 2005, M. Tiébilé Dramé, président du Comité d’Organisation dudit sommet, qui faisait l’objet d’une poursuite judiciaire pour malversations financières, vient d’être blanchi par le procureur anti-corruption, M. Sombé Théra. La décision de justice lui a été notifiée le 11 mars dernier. “Mon parquet a procédé au classement sans suite de la procédure d’enquête de la Brigade Economique et Financière de Bamako, relative à la gestion des fonds mis à la disposition du Comité d’Organisation du 23ème sommet Afrique/France…”
La révélation a été faite par l’hebdomadaire “Jeune Afrique”. Cette décision de justice donne raison au Comité Directeur du Parti pour la Renaissance Nationale (PARENA), dont Tiébilé Dramé est le président.
En effet, dès le début de cette affaire, le PARENA a pris le devant des choses en signant une déclaration dans les journaux le 17 septembre 2006 dans laquelle, il accusa le président de la République, M. Amadou Toumani Touré (ATT) et le Premier ministre de l’époque, M. Ousmane Issoufi Maïga de vouloir porter atteinte à l’image de M. Dramé, un homme politique. La direction nationale du PARENA est même allée loin en demandant une audience au Chef de l’Etat. ATT a reçu une délégation dudit parti le 20 septembre 2006 à Koulouba.
Mais curieusement aujourd’hui, après le classement du dossier sans suite, le Comité Directeur du PARENA a décidé de faire le profil bas. Comment comprendre cette attitude des premiers responsables du Parti pour la Renaissance Nationale ? Il ne s’agit pas pour nous de commenter une décision de justice, mais il y a lieu de rappeler aux uns et aux autres ce qui s’est passé et les actions entreprises par le parti de Tiébilé Dramé avant d’en arriver au classement sans suite du dossier.
L’action judiciaire éteinte
Le budget de l’organisation du 23ème Sommet Afrique-France s’élevait à 9 milliards F CFA dont 1 milliard 600 millions déboursé par la partie française. Après la tenue du sommet, la gestion du comité d’organisation a été auditée par le Contrôle Général des Services Publics. Celui-ci élabore un rapport qui ne reprocha rien à Tiébilé Dramé. Quelques jours plus tard, M. Dramé est convoqué à nouveau à la Brigade Economique et Finacière pour complément d’informations.
Suite à cela, un second rapport qui n’a pas été notifié à Tiébilé Dramé, incrimina sa gestion en mettant en exergue la disparition de matériels, notamment des ordinateurs, des matelas, des draps et même des “slips” selon le porte-parole du PARENA de l’époque, M. Djiguiba Keïta dit PPR, aujourd’hui secrétaire général du parti.
En plus de la disparition de matériels, les enquêteurs ont reproché au comité d’organisation d’avoir dépassé son budget à hauteur de plus de 500 millions de F CFA. L’on apprend que ce dépassement de budget ne constitue pas “une atteinte aux biens publics en raison de l’absence d’intention coupable”.
Est-ce pour cette raison que le dossier a été classé sans suite ? Les actions posées par le Parti pour la Renaissance Nationale n’ont-elles pas empêché l’évolution de cette affaire ?
En tout cas, le Comité Directeur du PARENA, l’instance suprême du parti, fut le premier à saisir la presse le 17 septembre 2006 par une déclaration tendant à blanchir son président alors que de forts soupçons pesaient sur sa gestion.
Le fait d’être à Koulouba avec une délégation conduite par le président du parti, M. Dramé, le principal présumé coupable, a été interprété par certains observateurs comme une action de trafic d’influence visant à mettre mal à l’aise le président de la République, M. Amadou Toumani Touré face à celui qu’il a nommé par décret N°03-230/P-RM le 10 juin 2003 pour assurer la coordination et le suivi de toutes les activités relatives à la préparation et au déroulement du 23ème Sommet Afrique-France. Tiébilé Dramé, en tant que présumé accusé d’alors, était très mal placé pour conduire une délégation face au Chef de l’Etat.
Le Comité Directeur du PARENA a eu également le courage d’accuser le chef du gouvernement, M. Ousmane Issoufi Maïga, auquel étaient rattaché le Comité National d’Organisation, le président de la République M. Amadou Toumani Touré qui a nommé Tiébilé par décret de n’avoir pas informé ce dernier du contenu et des conclusions d’un rapport qui l’accuse.
Le PARENA a mis en doute la moralité des contrôleurs sous serment, accusés de tripatouillage et machination “pour porter atteinte à la dignité d’un homme politique”. Il s’agit de Tiébilé Dramé, président de PARENA. La vérité a-t-elle triomphé ?
De la séparation des pouvoirs
Le système démocratique repose sur la séparation des pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. Quoi de plus normal qu’un citoyen, disposant des fonds publics à un moment précis de l’histoire, se soumette aux contrôles des services publics compétents à cet effet ? C’est ce qui fut fait en mars 2006. Vers la première quinzaine du mois de mars, Tiébilé Dramé, alors président du CNOSAF, reçoit un premier rapport.
Ce premier rapport a permis aux contrôleurs de dresser la liste des matériels et mobiliers de bureau manquant d’une valeur de plusieurs dizaines de millions de francs CFA. Tiébilé Dramé lui-même a reconnu la disparition de ces matériels en écrivant aux contrôleurs le 28 mars 2006 en leur fournissant quelques pistes qui ont permis la localisation des matériels et mobiliers de bureau manquants. Ce n’est qu’après ces instructions que le dossier du 23ème Sommet Afrique-France fut transmis à la justice.
C’est sur la base des rapports des services publics du Contrôle général de l’État et de l’Inspection des Finances que le président du Comité d’organisation du 23ème Sommet Afrique-France, M. Tiébilé Dramé est entendu à la Brigade d’Investigation Judiciaire du Pool économique et financier du tribunal de Première Instance de la Commune III du District de Bamako. Somme toute, l’on retient aujourd’hui que Tiébilé dramé est blanc comme neige.
La réconciliation ATT/PARENA
L’on se rappelle que sous la Transiton démocratique, dirigée par ATT dans les années 1992, Tiébilé Dramé a été le ministre des Affaires Etrangères. Après la transition, Tiébilé a été également ministre des Zones Arides et Semi-arides du président Alpha Oumar Konaré qui a succédé à ATT en 1992.
Les observateurs de la scène politique nationale savent également que c’est l’ADEMA du président Alpha Oumar Konaré qui a parrainé la création du PARENAn en 1995. Le CNID, alors dans l’opposition sous le premier mandat du président Alpha, fut cassé pour mieux servir les intérêts de Alpha. Peu après le décès de sa première épouse, (Paix à son âme), Tiébilé Dramé n’a pas attendu longtemps pour se remarier en épousant la fille du président Alpha.
Or, entre Alpha et ATT, il y a un deal politique. Le premier a succédé au second à la fin de la Transition de 1992 ; et le second a succédé au premier en 2002, après dix années passées à la tête du Mali. Peut-on nier ces faits de l’histoire ?
A deux ans de la fin de son second mandat, le président Amadou Toumani Touré veut se réconcilier avec l’ensemble des acteurs de la classe politique malienne.
En tout cas, il y a des signes qui en disent long sur les intentions du président ATT à faire une large ouverture pour toutes les couches socioprofessionnelles du pays. De plus en plus, on parle de l’entrée du PARENA du RPM, et du SADI entre autres dans le nouveau gouvernement en gestation.
D’ailleurs, un grand pas a été déjà franchi sur le chemin du rapprochement ATT/Tiébilé. La récente nomination d’un des lieutenants de Tiébilé, en l’occurrence le Dr. Moussa Balla Diakité du PARENA comme consul du Mali au Cameroun, participe au rapprochement entre le parti du Bélier Blanc et le pouvoir en place.
De plus en plus, le nom du président du PARENA est cité parmi les ministres du prochain gouvernement. Tiébilé est même pressenti à la primature pour remplacer Modobo sidibé.
Daba Balla KEITA
01 Avril 2010.