C’est d’ailleurs cette situation qui est à l’origine du changement intervenu à l’issue du soulèvement populaire. Près de quinze ans après, il y a eu des avancées significatives au nombre desquelles le renforcement des libertés individuelles et collectives, le relèvement du niveau de vie des populations, surtout des fonctionnaires ayant bénéficié à plusieurs occasions d’augmentation des salaires.
L’accès facile au téléphone, notamment avec le développement de la téléphonie mobile, la réduction des tarifs d’eau et d’électricité et la poursuite des grands travaux d’aménagement entamés depuis la fin des élections générales de 1992, les premières élections démocratiques au Mali, sont entre autres grandes réalisations des pouvoirs successifs du Mali démocratique.
Ces différents efforts ont certes permis d’améliorer la qualité de la vie des populations, bien que les attentes soient encore nettement au-delà des possibilités des pouvoirs publics. Puisque gérer c’est prévoir, les autorités successives sont continuellement interpellées à ce sujet dans un contexte de démocratie pluraliste où tous les candidats à la magistrature suprême s’engagent, à travers leurs projets de société, à travailler à améliorer de façon significative les conditions de vie et de travail des populations.
Avec les élections générales de 2002 qui ont consacré la victoire d’ATT, alors candidat indépendant, l’alternance politique ainsi réalisée a suscité beaucoup d’espoir, puisque le projet de société de celui qui est au pouvoir aujourd’hui traduit de façon satisfaisante les aspirations profondes des populations. Et dans un cadre de consensus politique où toutes les grandes sensibilités prennent une part active à la gestion du pouvoir, des progrès significatifs ont été accomplis. Mais dans la population générale, la pauvreté sévit. Pour certains, elle prend même de l’ampleur.
LES RAISONS
Le rapport revenus coûts de la vie y est pour quelque chose, car dans la sous-région les salaires maliens sont considérés comme moyens, malgré les efforts multiples consentis par les autorités successives. Auparavant ils comptaient parmi les plus bas. Ce qui explique qu’il s’opère une dynamique positive.
En plus de cela, notre pays a été confronté ces dernières années à d’énormes difficultés avec la pérennisation de la crise ivoirienne, l’invasion acridienne qui a dévasté les cultures en plusieurs endroits du pays, posant du coup un problème d’insécurité alimentaire que les autorités s’emploient tant bien que mal à juguler. Ce sont les ruraux qui souffrent le plus de cette situation, eux qui vivent du travail de la terre, de l’insuffisance et de la mauvaise répartition des pluies, des coûts élevés des intrants agricoles.
Comme si cela ne suffisait pas, des exploitants agricoles en zone Office du Niger, pour incapacité de paiement des redevances eau furent expropriés. Il faut souligner que la conjugaison de tous ces facteurs a exacerbé quelque peu les difficultés de survie de nombreuses couches sociales. Par ailleurs, un problème latent relatif à la situation du football malien a finalement éclaté à l’issue du match Mali-Togo, d’où les Aigles du Mali sont sortis perdants.
La réaction des supporteurs, si on peut les appeler ainsi, a été incompréhensible, voire inadmissible, en raison des dégâts matériels importants causés. De nombreux biens publics et privés ont volé en éclat sous le coup de la passion. Aujourd’hui encore, l’opinion publique ainsi que le pouvoir s’interrogent sur les motivations réelles de ces agissements.
En tous les cas, c’est hier que le procès des vandales a débuté à Bamako. Cela devra permettre d’apporter de la lumière sur une situation aussi confuse, dans la mesure où certains poussent leur raisonnement jusqu’à l’éventualité d’une action dirigée directement contre le pouvoir en place.
Par ailleurs, les différentes dispositions prises par le pouvoir ATT en vue de moraliser la gestion des affaires publiques en général ont beaucoup dissuadé les cadres de l’administration publique. Si bien que la marge de manoeuvre de nombre d’entre eux a été considérablement réduite.
Ainsi, ce rétrécissement d’opportunités pour l’enrichissement illicite tant par les agents de l’Etat que par les acteurs politiques, semble devenir insupportable pour beaucoup de Maliens qui se remplissaient les poches au détriment de l’intérêt national.
Et pourtant, avant les élections générales de 2002, ils étaient très nombreux à décrier la corruption et la délinquance financière. Dans ces conditions on se demande qui sont ceux qui souhaitent véritablement l’approfondissement du processus démocratique qui passe forcément par la bonne gouvernance démocratique.
Ainsi, on peut affirmer que les divergences sur plusieurs plans entre le pouvoir et certaines franges de la société ne reposent ni plus, ni moins que sur la versatilité, l’hypocrisie politique.
Moussa SOW
12 avril 2005