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Le 23 août 2007, à Saint-Louis, Gérard Selly, 38 ans, avait tué sa femme Graziella de six coups de couteau, suite à une énième dispute, avant de tenter de se suicider au gouffre de l’Étang-Salé. La possessivité maladive de celle qu’il affirme toujours porter dans son cœur n’a pas constitué une excuse suffisante.

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« Il ne faut jamais banaliser les violences faites aux femmes car elles peuvent mener à l’horreur absolue ». Le décor est planté par Me Stéphanie Saint-Bertin, avocate représentant les intérêts des enfants de la victime, Graziella Selly, née Hoarau. Effectivement, le couple Selly a vécu une relation passionnelle, voire fusionnelle. Ils se rencontrent à la Mission Salut et guérison le 11 août 2005.

Le soir même, ils emménagent ensemble au quartier de la Palissade à Saint-Louis et, un mois plus tard, ils se marient. Au début, Graziella et Gérard Selly vivent pleinement leur amour. Inséparables, ils donnent naissance à un petit garçon quelques mois plus tard. Mais, les choses se gâtent.

Selon l’enquêtrice de personnalité, Graziella faisait montre d’une «possessivité excessive et d’une jalousie morbide » à l’égard de son époux, qui devient violent : « Moin té gagne pu supporte à elle, moin té lève la main sur elle. Dans la colère, moin la dit à elle que moin té ça tuer à elle ».


“Ma tête a bloqué et moin la pique à elle avec le couteau « 

Elle porte plainte et veut entamer une procédure de divorce. Malgré une interdiction légale de ne plus la voir, le couple continue à vivre ensemble. Mais, l’après-midi du 23 août 2007, la situation tourne au drame. Gérard reproche à Graziella la présence trop intrusive de sa mère dans leur couple qui, d’après l’accusé, ne l’aimait pas à cause de sa couleur. La jeune femme en a assez et lui demande de partir.

Là, il sent qu’il perd la seule et unique femme qu’il a connue et aimée dans sa vie. C’en est trop pour lui. Il se saisit d’un couteau dans la cuisine, rejoint Graziella dans la chambre, la jette sur le lit et lui en porte un coup au sternum. Elle se relève et c’est dans le couloir qu’il s’acharne sur elle, lui assénant cinq autres coups.

Une violence telle que l’arme restera plantée dans le corps de la victime. Après son crime, il écrit un mot – “C’est à cause de ta famille » – et l’abandonne avec leur bébé qui patauge dans le sang de sa mère. Alors qu’elle rend son dernier souffle au pas de la porte d’un voisin, lui prend la direction du gouffre de l’Étang-Salé. Il veut se suicider.

Rapidement, il se rend. Un an et demi plus tard, face à ses juges, il reconnaît les faits, affichant pour seule défense une perte de contrôle : « J’ai pensé que j’allais perdre ma famille. Ma tête a bloqué et moin la pique à elle avec le couteau. Mi regrette. Mi té aime ma femme et encore aujourd’hui, elle est dans mon cœur ».


Deux personnalités à part

Décrit par l’experte psychologue comme un « sujet en grande souffrance qui se sentait exclu à cause de la couleur de sa peau », il avait déjà été sujet à un épisode de violence volontaire inscrit à son casier judiciaire mais, depuis son entrée dans la Mission, il s’était remis sur le droit chemin.

De l’autre côté, la victime est présentée défavorablement par l’enquêtrice de personnalité : « Graziella était gentille mais d’humeur instable. Elle souffrait d’une jalousie morbide et pouvait être violente ». Des éléments sur lesquels son conseil, le bâtonnier Georges-André Hoarau, s’est appuyé dans sa plaidoirie.

« À 36 ans, il était encore chez sa mère. Graziella arrive dans sa vie et un nouveau monde s’ouvre à lui. Alors lorsque ce monde s’écroule, il perd la raison. C’était un moment de folie. Il ne se contrôlait plus et n’avait pas l’intention de la tuer. Je ne dis pas que la famille Hoarau est raciste, c’est juste ce qu’il a perçu », argumente-il. Mais, pour l’avocat général, il n’en est rien. Ce « moment de folie » a bien entraîné la mort d’une jeune mère de famille de 27 ans dans des conditions atroces.

« Il a fait de sa femme sa chose, son jouet et il a préféré le casser plutôt que le perdre. Il a décidé qu’elle n’avait plus le droit de vivre, c’est inadmissible », explique le parquet reprenant ainsi les arguments des avocats des parties civiles, Me Alain Le Bras (représentant les parents de la victime) et Me Stéphanie Saint-Bertin.

« C’est une affaire terrible. Pour leur fils, celui qui a tué sa mère n’est autre que son père. Ce sont des faits extrêmement graves qu’on ne peut pas justifier. Graziella, malgré sa jalousie et ses défauts, n’était pas un monstre. Elle a été sacrifiée », plaident-ils. Au bout d’une heure et demie de délibérés, la cour a reconnu Gérard Selly coupable du meurtre de sa femme.

Alors que le parquet avait requis une peine comprise entre dix-huit et vingt ans, l’accusé a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle. Un verdict qui a satisfait Me Hoarau : « Mon client ne fera pas appel. Il a accepté la décision et espère renouer des liens avec son fils »

Vanessa Hoarau

Source: CLICANOO.COM du 10 Décembre 2008